Les effets du piano bar

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Une semaine, c'est le temps qu'il faut pour faire passer un message, pour convaincre, se dévoiler. Quand un faible délaisse sa coquille, c'est un spectacle. Parfois les spectateurs ont du mal à croire à la magie du spectacle.
Pendant une semaine, en l'absence de Tess Figz, Elysabeth a délaissé cette coquille. Elle a joué sa crédibilité. Elle a joué sa place et celle de Tess Figz. Quand un faible se transforme, à aucun moment il n'a le droit à l'erreur. Le moindre faux pas peut être irréversible.

Elysabeth Du Tonquin a fait les boutiques. Elle a fait le tri dans son armoire.  Elle a eu l'impression de se jeter dans un sac poubelle. Puis elle a douté. Est-ce tout ça est nécessaire ?  Elle a demandé conseil à Eve par téléphone. 

_ Oui oui, débarrasse-toi de toutes ces... désolé sista, de toutes ces merdes ! Tu as acheté quoi ?? Montre-moi. Bon écoute, je crois que j'ai oublié ma petite trousse de maquillage dans la salle de bain, utilise-la. Tess Chips  ne va pas en revenir ! Elle va faire deux fois le tour de son string ! J'ai gagné un peu de tunes, je vais te commander des fringues, elles seront livrées chez toi !
_ Enfin, Eve tu n'es pas obligée, tu sais.
_ Fais-toi une santé financière et après tu me dépanneras quand j'en aurai besoin ! Alalala, je suis trop refaite !
_ Je vais te laisser. Merci pour tout.
_ Attends ! Tu peux quand même me dire comment ça t'es venue ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
_ Hm je sauve ma place, c'est tout. Je t'embrasse.
_ Att...

Elysabeth en a sûrement eu marre de se laisser écraser. L'échec l'a frôlé de si près. Elle ne l'a pas supporté.  Échouer, quelle idée ! Elysabeth a l'impression d'être née une deuxième fois. C'est bizarre comme sensation. Pendant quelques secondes, la femme dans le miroir n'était plus elle. C'est la première fois qu'elle porte ce genre de pull rose pâle, en V, presque décolleté.

Une semaine. Sa sœur dira qu'elle a charbonné. Pour une aristocrate, elle a clairement charbonné. Elle pose les jalons. Tess n'est pas là. Dubois a la tête ailleurs, Elysabeth a donc le champ libre. Jamais, elle n'a pensé avoir les épaules pour ça. Dans un premier temps, elle cantonne chacun à une tâche très précise pour panser l'hémorragie.

Elle organise une conférence d'informations pour les usagers afin de prendre toutes leurs questions. Des réponses leur seront données dans les meilleurs délais.
Les plages horaires sont étirées.  Il faut rétablir la situation à l'état d'avant grève. C'est le premier objectif. Tous les jours, Sébastien lui adresse une note sur ce qui a été fait dans la journée. Le nombre de récépissés délivrés a été multiplié par dix en trois jours d'ouverture de guichet. La délivrance de cartes de séjour a doublé. Le seul obstacle est la résistance de Jérémie.

_ Jérémie ? Je vous attends dans mon bureau.

_ J'ai autre chose à faire.

_ Hm. Contrairement à vous, je suis respectueuse. Si vous voulez, je peux me rabaisser à vous et vous dire ce que j'ai à vous dire devant vos collègues.

Les autres agents quittent le bureau, gênés.

Elysabeth inspecte le bureau. Elle refait le nœud de son foulard flambant neuf.  Jérémie est toujours impeccable. Il a de l'allure. Il a l'allure de ce prince charmant qu'elle s'est parfois honteusement imaginée. Elle sait que Jésus et son père auraient aimé ce genre d'homme pour elle. Dans son costard sûrement taillé sur mesure, il a une classe incroyable. Il est fin, plutôt bien fait, sûrement. Une petite moustache bien dessinée épaissit ses lèvres. Il a les cheveux bruns aux reflets roux, coupés courts. Il est beau Jérémie, sûrement beaucoup plus beau qu'Aimé. Justement, il ressemble peut-être à son père dans sa jeunesse. Jérémie serait prêt à donner tous les coups les plus tordus pour arriver à ses fins. Mettre le feu au poudre n'est qu'une formalité.

Les folies de TessWhere stories live. Discover now