Les folies de Tess

Tu es à moi part 1

Elysabeth attend impatiemment que Tess Figz passe à l'action du fond de son lit... Elle ne donne pas encore suite à la proposition de Chatelot.. Ce soir, seules les prières l'accompagnent...même si Ely a ce geste répétitif, se frotter la gorge et le cou... Fermer les yeux et voir Tess...revoir leur film... ("Est-ce que toi et elle c'est un peu un espèce de film pornographique ?") Le manque... Elle t'énerve et elle te manque. Elle brise tes principes... Elysabeth... Toi qui aimes ce Blaise Pascal...ce puissant et éclairé chrétien...tu le sais que Tess Figz est en train de mettre ta raison en feu et en sang, que tes sens ne répondent plus de toi.

Pendant ce temps où Du Tonquin transpire du manque de l'autre et combat, lutte pour ne pas céder... Une autre Du Tonquin fait son apparition dans la petite ville de Privas... Eve n'a pas prévenu sa sœur... Sa soeur ne comprendrait pas sa démarche.

Eve Du Tonquin a mis le paquet aujourd'hui. Elle adore son collier en cuir noir parsemé de perles et pics métallisés, elle adore arborer ces chaînes bas de gammes de toutes les tailles autour du cou. Par contre pas de croix... Elle en a déjà trop porté plus jeune. Elle ne supporte pas l'hypocrisie autour de ce symbole...
Elle est triste parce qu'elle sait que dans quelques jours elle devra abandonner sa couleur blonde aux racines brunes pour son spectacle...
Eve Du Tonquin est bien plus petite que sa sœur. Ses yeux verts parfois aux reflets bleus sont grands... Souvent, ils se replient en amande... La forme de ses yeux est peut-être la seule chose qu'elle a en commun avec sa sœur. Betty... Betty est bizarre...et elle compte bien découvrir la vérité d'une manière ou d'une autre.
Mais Eve a une urgence qui lui fout le trac depuis une dizaine de jours. Ça chamboule un peu sa vie. Dans ce studio pourri à Lyon squatté par sa bande, elle n'a pensé qu'à ça, à cette première rencontre avec Marie puis à sa deuxième. Eve Du Tonquin est une pile... Quand elle a quelque chose en tête, elle n'y va pas par quatre chemins.

Pendant dix-huit ans, elle a dû faire semblant pour son père... Porter des vêtements qui ne lui ressemblaient pas et bon sang ces messes éternelles... À vomir. Elle a essayé de sauver sa sœur, de lui apprendre la vie, la vraie ! Elle a tout fait pour entraîner Betty dans son tourbillon. Elle admire sa sœur et son intelligence. Elle aurait voulu cette intelligence Elle sait qu'elle ne sera jamais aussi douée que Betty. Betty, la petite princesse à papa. Betty, ce rayon de soleil, cette fille parfaite. Difficile de grandir dans l'ombre de la perfection... Difficile d'obtenir les applaudissements... Elysabeth est n°1 depuis toujours, à l'école, en musique, au chant, aux concours. Tout ce que touche sa sœur se transforme en réussite. Elle aurait pu nourrir un fort sentiment de jalousie envers Elysabeth. Non, elle aime trop sa soeur. Elle donnerait tout pour voir sa sœur heureuse, défaite de cette putain de religion, défaite de cet homme, son géniteur... Qui a volé la vie de sa mère, bon sang ! Sa mère était une brillante journaliste en Italie ! Toujours portée vers l'innovation même dans les années 80, féministe et remarquable ! Son père a brisé sa carrière. Sa mère a fini par oublier cette flamme. Puis son père l'a brisé, elle. Il l'a rejeté depuis toujours, ne l'a jamais regardé... Puis son père a brisé Elysabeth... Quand est-ce que cet enflure paiera ! Poison ! Ce type a empêché Veronica d'envoyer de l'argent à la benjamine. Eve a galéré, parfois aidée par Betty. Souvent, elle en est venue à dealer, faire du troc, voler, elle a même envisagé vendre son corps. Mais il y avait Maxime... Son premier amour... à force de s'aimer sans force, on oublie qu'on ne s'aime plus... Ils avaient vingt ans, ils en paraissaient soixante... Plus d'étincelle... La rupture a été difficile... Elle l'est encore. Elle déteste le paternalisme... Elle déteste les hommes qui rendent dépendantes les femmes à leur ego... Elle déteste Jésus... et être dépendante d'un homme...d'agir en fonction d'un seul homme ! Elle déteste son père... Et après six ans d'histoire d'amour ennuyeuse, elle s'est enfin rendue compte qu'elle avait une corde autour du cou, qu'elle ne pensait plus pour elle mais pour lui... Qu'il avait fini par contrôler ses faits et gestes....non ! Jamais ! Qu'il était devenu comme son putain de père. Poison...