La dure réalité

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C'est le grand jour pour Elysabeth. Elle grimace devant

sa garde robe. Comment faut-il s'habiller pour aller travailler ? La robe à fleurs extrêmement démodée l'emporte. Elle descend les escaliers à faible allure, la boule au ventre. Il fait gris ce matin. Ca accentue cette sensation austère, cette impression d'enfermement. Elle croit manquer d'oxygène et pourtant il va lui en falloir aujourd'hui...

Elle a l'impression que tout le monde la regarde. Un jeune lui rentre dedans en trotinette. Elle tombe par terre. Il ne s'excuse même pas. Sa robe est recouverte de boue. En tentant d'enlever la crasse, elle ne fait qu'empirer les choses. Elle n'a plus le temps de faire demi-tour. Et qu'elle se sent sale dans cette rue ! Avec ces gens qui la serrent de trop près. Sa tête bourdonne.

Plusieurs personnes s'acheminent en direction du bâtiment. Un peu penaude, elle suit le troupeau d'individus.

Elle patiente et derrière son bureau, un homme d'une soixantaine d'années la regarde tout en retirant ses lunettes.

_ Vous devez être Elysabeth Du Tonquin. Installez-vous.

Il se lève pour lui serrer la main qu'elle a du mal à tendre. Elle a l'impression qu'il va lui arracher le bras, qu'il ne va jamais la lâcher.

_ Je suis ravi de vous avoir parmi nous. Vous, la fille de Luc du Tonquin, c'est un sacré coup de poker que nous avons fait là. La lotterie des concours a du bon parfois. Je me présente, Gérard Dubois, Secrétaire Général...

Betty consent enfin à prendre place sur sa chaise. Elle est mal à l'aise et contemple tous les bibelots sur ce bureau, ces amas de dossiers.

_ Ça fait six mois qu'on attend un chef du bureau de l'immigration... Pour vous dire, ici on vous attend un peu comme le Messi. Notre directrice de la citoyenneté et de la légalité ne revient que dans quelques jours, je vais vous expliquer ce que l'on attend de vous.

Elysabeth a les yeux grands

_ L'Ardèche comme vous le savez n'a jamais été très perturbée par l'immigration. Notre service était adapté en conséquence. Depuis ces cinq dernières années, il y a une vraie explosion de demandes des titres de séjours, des demandes d'asile. Nous avons dû nous renforcer notre effectif. Nous connaissons de vraies difficultés, en toute honnêteté. Nos délais de traitement sont médiocres. Nous sommes passés au module rendez-vous sur Internet mais la mise en œuvre est digne d'une cacophonie. Nous sommes presque sous le tapis Melle Du Tonquin. Il va falloir accepter que l'Ardèche devienne une nouvelle terre d'asile. Les ressortissants étrangers ne recherchent pas seulement la ville. La vie économique se développe aussi ici. Valence n'est pas très loin. Certes nous sommes le département le moins biens désservi en transports mais ça n'a pas l'air de leur poser de problème. Ils cherchent beaucoup dans le secteur agricole. Nous ne parvenons pas à délivrer les cartes dans les temps. Voici, un rapport et quelques notes du Ministre de l'intérieur à étudier sans plus attendre. Il faudra travailler de très près avec Madame Figz sur notre propre feuille de route. Nous sommes dans le rouge ! Bien entendu nos crédits sont gelés. Les agents ne restent pas. Il faut agir. Je compte sur vous.
Je ne vous apprends rien. Être cheffe du bureau de l'immigration, c'est manager une équipe d'une dizaine d'agents, deux bureaux séjour/asile et éloignement. C'est répondre à l'urgence des situations des agents avec les usagers. Valider les dossiers de demandes, signer les obligations de quitter le territoire, et bien entendu faire respecter nos objectifs. Remobiliser les troupes. Je vous ai envoyé par mails nos dossiers prioritaires et l'avancement de notre chantier de réorganisation du service. J'espère que vous serez très vite opérationnelle. La situation est trop alarmante. Assez parlé, (il regarde sa montre), les agents doivent être en place. Je vais vous montrer votre service et votre bureau. Des questions ? Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer. Je vous ai tout envoyé par mail. Madame Figz a été très occupée. Je dois aussi pallier ces absences et ce n'est pas vraiment mes missions. Mais maintenant vous êtes là.

Les folies de TessWhere stories live. Discover now