Prologue

45.7K 2.6K 100
                                    

Ce soir-là Aida rentrait plus tard que d'habitude, il pleuvait beaucoup et elle avait du mal à rester éveillée en conduisant tellement elle était fatiguée. C'est en passant devant la SDE qu'elle le vit pour la première fois.

En fait ce n'est pas lui qui attira son attention mais plutôt ses amis. Deux Jeunes du quartier qu'elle connaissait vaguement. Ils étaient sous la pluie entrain d'attendre un taxi, trempés jusqu'aux os et sûrement trois fois plus épuisés qu'elle.

Quand elle les aperçu, elle se gara sur le bas-côté et leur fit signe de venir la rejoindre. Aussi pressée qu'elle fût de retrouver la chaleur de son lit, elle n'avait pas le cœur à les abandonner à leur sort.

C'est quand ils commencèrent à se frayer un chemin entre la foule qui attendait comme eux la chance d'avoir un moyen de transport pour rentrer chez eux qu'elle le remarqua, un homme costaud et grand, elle ne pouvait pas distinguer son visage mais elle était sûre que c'était la première fois qu'elle le voyait.

Elle attendit qu'ils arrivent à son niveau avant de déverrouiller ses portes. Elle restait toujours très prudente étant donné que les rues de Dakar devenaient de moins en moins sures.

-Bonsoir Aida,

Lui dit le premier à arriver en ouvrant la porte.

- C'est très gentil de ta part mais nous allons mouiller tes chaises.

- Ce n'est pas grave leur répondit elle pendant qu'ils s'installaient, je sais à quel point c'est dur de trouver une voiture à cette heure.

La pluie s'était intensifiée, tapant sur la voiture avec un bruit assourdissant, on aurait dit qu'elle allait la percer. Malgré ses essuie-glaces qu'elle avait mis à fond, elle avait du mal à voir devant elle. Mais elle avait surtout pitié des hommes, femmes et enfants qui, alignés de l'autre côté de la chaussée, couraient derrière chaque « diaga Ndiaye » ou taxi qui les approchait. Ils se piétinaient, se bousculaient, certains tombaient puis se relevaient et continuaient à foncer vers la voiture.

Les plus chanceux arrivaient à trouver une place. Les autres regagnaient dépités leur place précédente et attendaient la prochaine voiture.

Aida regarda ce spectacle affligeant pendant un moment en silence avant de démarrer.

Elle ne pouvait rien pour eux.

Elle réussit tant bien que mal à sortir de l'embouteillage monstre qui régnait là-bas et à rejoindre l'autoroute. Elle discutait avec les deux jeunes dont elle ne se rappellerait plus le prénom pendant que le mystérieux inconnu restait silencieux le regard tourné vers la vitre.

Quelque chose en lui l'attirait sans qu'elle ne sache quoi !!

La voix d'un de ses passagers la tira de ses pensées

- Abdoul et moi étions justement en train de nous dire qu'il vaudrait mieux aller ailleurs puisque rien ne marche dans ce pays, les inondations ont déjà repris et chaque année c'est pareil !

Abdoul ! Super au moins elle avait l'un des noms et se promis de ne plus l'oublier. L'autre continuait à parler :

- Cherif par exemple était en France il vient de rentrer mais je pense qu'il regrette un peu !! Hein chérif...

C'est à ce moment-là que l'homme qui l'avait intrigué depuis le début leva les yeux, Il la regarda à travers le rétroviseur et sourit. Son cœur s'embala et elle détourna le regard.

Il donna une petite tape à son ami et lui dit

-La France c'est bien mais c'est ici ma patrie, j'ai des projets et je ne regrette rien.

- On n'est jamais mieux que chez soit n'est-ce pas ? lui répondit Aida.

Sa voix était normale c'est déjà ça !

-Effectivement répondit-il. La chaleur, la poussière, la boue, le bruit !! Tout ça m'avait vraiment manqué.

-Ainsi que tes deux meilleurs potes non ? Lui demanda le dénommé Abdoul

Il fit mine de réfléchir

- Humm !!! Très très légèrement

Ils rirent à l'unisson.

Cherif avait un accent très français donc Aïda supposa qu'il était resté longtemps à l'étranger.
Elle n'eue pas le loisir de discuter plus longtemps avec eux puisqu'ils étaient déjà arrivés aux Maristes. Elle les déposa devant chez eux et se dirigea vers son appartement.

Cette nuit-là avant de dormir elle ne put pas s'empêcher de penser à ce Cherif. Mais surtout à sa réaction à elle quand leurs yeux s'étaient croisés.




*********************

Quelque part dans la capitale Sénégalaise, une femme marchait, recroquevillée sur elle même. Elle serrait son sac à mains contre sa poitrine et accélérait le pas au fur et à mesure qu'elle avançait.

Comme toutes les autres fois, à son arrivé devant la porte imposante, une grande tristesse l'envahit, mais cette fois ci, cette tristesse était mêlée d'une peur qu'elle avait du mal à contenir.

- Ernestine tu compte rester dehors? puisque moi je vais refermer la porte.

La voix du gardien l'a fit sursauter. Elle avança et franchie le seuil de cette bâtisse qui était devenue sa prison depuis longtemps. Une prison d'où elle pouvait s'échapper de temps en temps mais elle revenait toujours....elle revenait malgré elle... Elle revenait même si son plus grand souhait était de se retrouver à des lieux de là.

Pourtant elle aurait due se douter que quelque chose clochait, c'est vrai, qui pouvait payer un demi million de francs CFA à une bonne, chaque mois, juste pour laver des carreaux?

Bien vrai qu'elle était très en détresse à l'époque, tres pauvre, sa famille vivait dans un bidon ville à colobane et il leur arrivait de rester des jours sans manger. donc quand on lui a proposé de venir travailler ici avec un salaire pareil elle n'avais pas hésité!!

« Dieu a enfin répondu à mes prières » lui avait dit son père alcoolique après que cet homme l'ai abordé tandis qu'elle fouillait dans les poubelles pour trouver de quoi se mettre sous la dent.

Si seulement elle avait su.....

Oui puisque ça allait recommencer, on l'avait appellé pour la prévenir. Son corps fut pris de tremblements quand elle pensa à ce qui l'attendait. Elle ne s'y était jamais faite et malheureusement elle savait que ça ne sera jamais le cas.

Une fois dans la petite chambre qu'elle occupait elle défit ses bagages et se mit en tenue de bonne. Elle sortit et allait rejoindre son poste quand son sang se glaça soudain. Un grand bruit de fauve en détresse lui parvint. Un bruit qu'elle reconnaîtrait parmi des milliers d'autres, le bruit qui hantait ses cauchemars depuis deja plusieurs années.

« non non non déjà? pas ça s'il vous plait mon Dieu»

Elle resta pétrifiée sur place sans plus pouvoir bouger.

- Ernestine ramène toi

Lui cria sa collègue qui courrait déja vers sa perte. Tous les autres allaient y aller, et elle aussi puisqu'elles n'avait pas le choix. C'était les termes du contrat qui, elle le savait maintenant, n'était rien d'autre qu'un pacte avec le Diable.

Elle s'élança donc elle aussi à la suite des autres le coeur battant en priant pour ne pas perde  un morceau comme la dernière fois........

Choix d'une vieDonde viven las historias. Descúbrelo ahora