Chapitre 3

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En refermant le portail de la maison, Lina vit son amie Lisa qui l'attendait comme chaque matin depuis près de quatre ans.

 -Salut Lisa, ça va ? La questionna l'adolescente.

-Moi oui. Toi par contre ça n'a pas l'air d'aller fort.

- On va dire que ça pourrait aller mieux, j'ai passé la majeure partie de mon weekend au lit

-Je ne vois pas ce qu'il y a de si terrible là-dedans, objecta Lisa en fronçant son nez criblé de tâches de rousseurs, comme à chaque fois qu'elle se permettait de faire du sarcasme. C'est quelque chose qui m'arrive souvent et je ne m'en plains pas, crois-moi.

Les deux filles montèrent dans le bus qui démarra aussitôt. Habitant en périphérie, elles ne pouvaient se rendre au lycée à pied comme la plupart des autres étudiants. Lina appréciait la tranquillité de son quartier mais elle ne pouvait s'empêcher d'envier ceux qui avaient la chance de pouvoir se lever dix minutes avant le début de cours, sans jamais être en retard pour autant. N'étant pas encore majeure, l'adolescente n'avait pas encore passé son permis : Lisa et elle devaient ainsi s'en remettre au bus pour le moment.

Lina aimait profiter de ses trajets pour se perdre dans ses pensées. Très souvent, elle se prenait à penser à sa vie d'après. L'Homme ne peut s'empêcher de fantasmer sur des scénario de vie future dans lesquelles il est une personne accomplie, aimée, heureuse et pleine de succès. Chacun aimerait voir ses visions devenir réalité ; et Lina n'y faisait pas exception.

L'arrivée d'Eleanor, sa meilleure amie, coupa court à ses réflexions intérieures.

-Hey, la salua-t-elle. Quoi de neuf ?

-Lundi matin, répondit simplement Lina dans un soupir.

Eleanor attrapa l'écouteur que lui tendait son amie.

-Où se trouvaient les pensées indéchiffrables de Lina Fenton ce matin ? Lui demanda-t-elle doucement.

Lina sourit : Eleanor la connaissait trop bien.

-Je pensais à après, souffla-t-elle.

-Le fameux ? l'Après dont tout le monde parle ?

-Lui-même, railla Lina en lui tirant la langue.

-Je voix, s'exclama Eleanor en hochant la tête. Je me demande comment tu peux penser à tout ça sans te faire stresser ; rien que d'imaginer tout cet inconnu qui m'attend cela me fait déjà paniqué, ne put-elle s'empêcher d'ajouter avec une grimace.

-C'est justement pour ça que j'aime y penser, s'exclama Lina, désireuse de partager son point de vue avec son amie. En imaginant toutes les issues et problèmes potentiels qui pourraient arriver, je me sens moins démunie et plus en contrôle sur ce qui pourrait se passer. De ce fait, il n'y a plus d'inconnu car j'ai pensé à tout !

Eleanor ne put s'empêcher de rire :

-Tu es folle ! Ambitieuse, mais folle !

Lina lui rendit son sourire.

A les observer, les deux lycéennes offraient un contraste intéressant : l'une était typée du sud ; avec ses cheveux foncés, sa peau mate et ses vêtements de couleurs vives, Eleanor rendait fièrement hommage à ses origines ; l'autre, en revanche, tenait plus de la poupée russe que de la fière andalouse avec ses cheveux blonds et sa taille élancée. Mais leur différence faisait également partie de ce qui les rendait aussi proche.

En franchissant le portail, Lina vit Monsieur Lewis, leur professeur principal qui parlait avec le directeur. Lina n'avait pas pour habitude d'avoir des aprioris sur les gens, mais elle ne pouvait s'empêcher de sentir une profonde aversion envers cet homme ; quelque chose chez lui la mettait extrêmement mal à l'aise, comme s'il leur souriant par devant pour mieux les poignarder derrière. En marchant devant lui,l'adolescente eut la désagréable impression d'être déshabillée de la tête aux pieds par ses yeux perçants. Eleanor, quant à elle, ne semblait rien remarquer.

-Il fait peur ce prof, je t'assure ! Chuchota Lina à l'oreille de son amie. As-tu vu comment il regarde ses élèves ?

-Je ne dirai certes pas la même chose de tout le corps enseignant mais si le regard en question est celui de Monsieur Lewis avec ses beaux yeux verts, alors je ne vais pas m'en plaindre, souffla Eleanor en étouffant un petit rire.

Lina leva les yeux au ciel en riant, ; Eleanor était incorrigible.

Alors qu'elles se dirigeaient comme à leur habitude vers leur casier, leur conversation fut soudainement stoppée net par Lina.

- Lina ? Est-ce que tout va bien ?

La jeune fille ne répondit pas ; elle était blanche comme un linge.

-Tu commences à me faire peur, qu'est-ce qu'il se passe ?

-Je crois que je vais être malade, eut juste le temps de murmurer l'adolescente avant de partir s'enfermer dans les cabines les plus proches.

La jeune fille ne vomit pas : la pression qu'elle ressentait dans le ventre ne se trouvait pas dans l'estomac. Finalement, après quelques minutes de calme et de respiration contrôlée, Lina sortit de la cabine et se passa de l'eau sur le visage. Elle leva les yeux vers le miroir sur le miroir accroché au dessus du lavabo. Ce qu'elle était pâle ! Son propre visage l'inquiéta.

 -Tu es sûre que tout va bien ? Tu veux aller à l'infirmerie ? S'inquiétait Eleanor.

-Non, je vais bien ne t'en fais pas. J'ai trop mangé ce matin, ça va passer.

Il va falloir que tu tiennes encore cette journée Lina, se répétait-elle pour elle-même. Après tu pourras rentrer te mettre au lit. Tu peux y arriver. Il ne va rien t'arriver en quelques heures de cours.

Eleanor la regardait en silence, sans savoir quoi faire.

Elle ne pouvait rien faire de toute manière.

Personne ne le pouvait.

LinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant