Chapitre 16

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Après l'avoir ramenée à elle, la psychologue fit asseoir la jeune fille contre le mur.

- Est-ce que ça va ? La questionna-t-elle.

- Je ne sais pas, répondit la patiente dans un souffle. Est-ce que c'est...

Lina ne put continuer.  Prononcer ces mots aurait été comme leur permettre de s'introduire dans le monde réel et devenir ainsi réalité. Or, ils ne pouvaient être réels.

La jeune femme ne pouvait la quitter du regard. Les yeux de l'adolescente étaient rivés au sol, perdus au loin. Elle semblait loin. Très loin. Que pouvait-elle bien voir ?

-Oui, c'est ton petit garçon, finit par répondre la psychologue, guettant la réaction qu'allait susciter cette annonce.

Mais Lina ne réagit pas. Elle se contenta de tourner lentement la tête de l'autre côté du couloir, la bouche légèrement entrouverte, comme pour laisser échapper des mots qu'elle aurait pourtant voulu retenir.

-Je le savais.

La jeune femme n'osait trop insister dès le premier jour. Mais la curiosité humaine est naturelle, et la poussa tout de même à questionner sa patiente.

-Que savais-tu Lina ?

La psychologue crut tout d'abord que la jeune maman allait ignorer sa question. Après tout, c'était à peine si elle daignait lui jeter un regard depuis son arrivée. Ce fut donc avec surprise qu'elle la vit se tourner complètement face à elle et murmurer d'une voix basse.

-La ressemblance.

La psychologue ne pouvait tenir cela plus longtemps. La jeune maman n'était de toute évidence pas prête à voir sa fille.Elle raccompagna sa patiente à sa chambre, sans prononcer un mot de plus. 

Cette jeune fille l'intriguait au plus haut point, d'une curiosité presque déplacée. Ce genre de curiosité qui vous pousse à regarder un film d'horreur alors que vous savez pertinemment que vous allez en cauchemarder par la suite. 

Lina était un mystère à elle toute seule.

Un peu plus tard, la mère de l'adolescente vint lui rendre une courte visite. La jeune fille lui parla brièvement, la rassura. Elles échangèrent très peu. Aucune des deux n'osait se lancer, de peur de faire un faux pas. Liam le lui avait bien expliqué : Véronique ne devait poser aucune question pour le moment. Lina finirait par aborder le sujet de son plein gré. L'obliger à le faire ne pourrait que l'encourager à se fermer un peu plus.

Madame Fenton lui avait donc amené des affaires de toilette, des habits et quelques affaires personnelles dont elle pensait que sa fille pourrait avoir besoin. Lina la remercia. Et c'était fini à nouveau. Les deux femmes restèrent dans un silence gêné pendant quelques minutes, avant que Véronique parte finalement en lui promettant de revenir le lendemain avec son père. Le médecin avait été clair là-dessus : lui laisser de l'espace lui permettra de mieux prendre conscience de la situation calmement, sans être tiraillée par des avis externes.

Effectivement, Lina avait le choix. Selon la loi, il lui était possible de confier ses enfants à une famille. Une famille qui saurait les éduquer, leur donner l'attention qu'ils méritent. Mais c'était à la mère, et uniquement à la mère des enfants, que revenait ce choix.

Et l'adolescente ne pouvait y penser pour l'instant. Comment l'aurait-elle pu ?

Une fois sa maman partie, Lina se leva donc péniblement de son lit d'hôpital, et quitta sa chambre de sa démarche lente et encore incertaine.

LinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant