Chapitre 6

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    James était en train de parler avec Sloane, sa voisine de table, au début du cours d'anglais, lorsqu'il entendit la voix perçante de madame Farm prononcer son nom. Il tourna la tête et vit Lina qui se dirigeait vers la porte, son carnet à la main. Son visage était très pâle, encore plus pâle que lorsqu'il l'avait croisé dans les escaliers un peu plus tôt. Elle avait les mains crispées sur son carnet, s'accrochant à celui-ci avec force ; elle semblait mal.

Heureux de pouvoir manquer une partie du cours et sans se poser plus de questions, James se leva rapidement et se dépêcha de sortir à sa suite.

Une fois dehors, James referma la porte et se tourna vers la malade. Lina n'était pas allée bien loin. Le jeune homme la trouva appuyée contre le mur extérieur à leur salle, pliée en deux, le souffle coupé.

James assistait à cela, gêné et impuissant, détournant le regard en attendant que cela se calme.  Il n'était pas lâche, mais il se sentait inutile en se retrouvant ainsi face à la souffrance de la jeune fille. Et James détestait se sentir inutile.

James avait toujours trouvé que Lina ne ressemblait en rien aux personnes que l'on croisait en général dans les couloirs d'un lycée. Pour commencer, elle ne se déplaçait pas en permanence entourée d'une cour de moutons ; à vrai dire elle était même souvent seule, ou entourée du même petit groupe restreint de personnes. Le jeune homme ne parvenait pas à comprendre cette obsession des liens sociaux que cultive notre société ; si tu n'es pas entouré d'autres êtres humains, peu importe qui ils soient, tu es considéré comme inadapté, quelque chose doit clocher chez toi pour que personne n'accepte de t'entourer (ou dans l'autre sens d'être entouré par toi). Il ne venait apparemment à l'esprit de personne que l'être avec qui nous passerons le plus de temps dans notre vie n'est autre que nous-même, donc autant l'apprivoisé et apprendre à apprécier son temps avec lui tant que nous le pouvons.

L'adolescent avait une vision assez arrêtée des filles de son âge ; il les percevait comme des êtres en demande constante d'attention. James ne voyait pas forcément ce concept comme quelque chose de nécessaire péjoratif : tout le monde souhaite être aimé. Mais les femmes amenaient cette envie à un niveau que les hommes ne pourront jamais atteindre, ni même comprendre. Ou peut-être étaient ce justement eux, la race masculine, qui les poussaient à agir comme telle ; c'était une théorie à ne pas totalement rejeter. Que ce soit par leurs vêtements, leur attitude, leurs remarques, leur regard : tout chez ses femmes reflétait l'envie d'être regardée, appréciée, comme si cela constituait une validation officielle, un diplôme réussi du test de l'acceptation sociale : « Félicitations, vous êtes acceptés par la masse. Vous pouvez à présent aller vous fondre dans celle-ci. ». Nonobstant, Lina ne reflétait pas ce sentiment chez le jeune homme. Elle ne semble avoir besoin de personne, se disait-il à lui-même.

Soudain, Lina se redressa légèrement, le ramenant quelque peu brusquement à la réalité. Elle avait déjà l'air mieux, inspirant profondément pour reprendre un rythme respiratoire normal.

-Est-ce que ça va ? La questionna son accompagnateur en se penchant vers elle. 

Il sut que c'était une question stupide avant même de l'avoir posée.

Les yeux bleus embués de larmes levés vers lui le lui confirmèrent.



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