Chapitre 26

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Lina resta ainsi cinq jours à l'hôpital. C'était toujours la même routine, si on pouvait la qualifier ainsi. Les infirmières allaient et venaient dans sa chambre, le médecin passait parfois lui rendre visite afin de s'assurer de sa santé. Tous lui répétaient qu'ils refusaient de la laisser sortir tant qu'elle ne s'alimentait pas correctement ; mais Lina s'en sentait incapable. Elles avait que son accouchement et le sang qu'elle avait perdu l'avaient affaibli,mais elle ne pouvait se résoudre à manger ; un nœud était venu se loger au creux de sa gorge, rendant impossible le passage de tout aliment.

Chaque jour, la jeune maman recevait également la visite de sa mère et parfois son père, qui se gardaient pourtant bien de ne serait-ce que mentionner la situation présente.

Ce sont des discussions creuses, ne servant à rien, pensait Lina. Elle m'évite, elle a honte de moi. Je le sais.

La jeune maman allait voir ses enfants de temps en temps, n'osant jamais s'approcher trop près. Elle avait aussi des rendez-vous réguliers avec la psychologue de l'hôpital. On ne lui donnait pas le choix.

Eleanor avait apporté son sac à l'accueil quelques jours plus tôt ; elle n'avait pas eu le droit de lui rendre visite. En allumant son téléphone, Lina avait plus de quinze appels manqués –la plupart de Jessy- et une avalanche de messages de James, Joséphine, Eleanor ou encore Jessy. Elle l'éteint aussitôt, sans les lire. A quoi bon.

- Bonjour Lina, comment vas-tu aujourd'hui ? S'enthousiasma Sophia en entrant un peu brusquement dans la chambre.

Oh non, laissez-moi tranquille, pensa-t-elle en fourrant la tête dans ses mains.

-As-tu réfléchi à ce que je t'ai dit hier ? 

Je ne fais que ça ici, voulait rétorquer Lina. Réfléchir.

-Tu sais, l'adoption est une solution tout à fait sûre. Et tu n'as aucune crainte à avoir en ce qui concerne la future famille si tel est ton choix.

Cette femme le faisait-elle exprès ?

-Je n'ai aucune envie d'y penser pour le moment.

Lina savait que son comportement était inapproprié et immature. Elle savait qu'elle aurait dû faire des efforts, au moins pour qu'il la laisse enfin sortir. Mais on lui en demandait trop.

-Le délai se rapproche tu sais. Il va bien falloir que tu prennes une décision, enchaîna la psychologue. Qu'est-ce que tu en penses toi personnellement, en dehors de l'avis de n'importe qui d'autre ?

Lina leva les sourcils. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire qu'elle garde ses enfants ou qu'elle les noie au fond d'un puit ? Lina se sentait incapable de prendre une décision pour le moment. Etait-ce si difficile à comprendre ? 

-Je ne sais pas, je vais y réfléchir, répondit-elle vaguement.

-Bon d'accord, répondit Sophia, ne se démontant pas pour autant : elle avait l'habitude. Tu sais, si tu ne sais vraiment pas quoi faire et même si c'est avant tout un choix personnel, tu peux toujours en parler avec quelqu'un. Que ce soit tes parents, moi, ou un même un ami proche.

Il ne manquait plus que ça...Lina soupira profondément.

-Peut-être. 

L'adolescente ne voulait pas en parler. C'était ainsi qu'elle réagissait face à tous ses problèmes finalement : le déni. Agir comme s'il n'y avait rien jusqu'à ce que vos problèmes vous tendent une embuscade et vous obligent à leur faire face. Inutile.

-Excusez-moi, je crois que je vais aller voir mes enfants, dit alors Lina en se levant, écourtant ainsi la longue séance quotidienne.

-ça marche, répondit la psychologue, habituée à la mauvaise volonté des patients.  Nous nous verrons plus tard.

Et elle sortit de la chambre, laissant la jeune fille seule.

Lina se rassit aussitôt et appuya sur le bouton d'appel aux infirmiers. Elle n'avait évidemment nullement l'intention d'aller voir ses enfants.

-Je voudrais voir le docteur Bris s'il vous plaît.

Elle attendit quelques minutes avant de voir la grande et maigre silhouette du médecin se dessiner dans le cadre de la porte.

- Bonjour Lina. Tu as un problème ? S'inquiéta-t-il.

-Et bien j'aimerais bien te parler de quelque chose qui me travaille beaucoup, commença Lina.

Elle avait cessé de le vouvoyer. Après tout, il était la seule personne présente ici qui ne la prenait pas pour une folle. Et plus encore, qui ne la jugeait pas.

Il hocha la tête en s'installant sur le lit.

-Et bien...Je sais que j'ai une grande décision à prendre, et que c'est à moi seule de décider si je les garde...ou pas, expliqua la jeune fille, butant sur ses mots. Mais... mais moi je ne sais pas ce que je veux ! Je n'ai jamais voulu de ces enfants, je n'avais rien demandé ! Je n'ai même pas encore dix-sept ans. Comment puis-je savoir si je vais réussir à m'en sortir ? Je ne peux pas m'occuper seule de deux bébés, avec en plus le lycée et tout ce qui va avec...

Le docteur Bris leva les yeux vers elle. Étonnement, sa patiente semblait plutôt bien consciente de la situation. C'était au moins ça. 

Lina continua, la voix de plus en plus tremblante :

-Mais en même temps... je ne sais pas, je ne sais plus ! Je suis totalement perdue, se mit-elle à gémir, les larmes commençant à perler dans ses yeux. Mais en même temps ce sont mes enfants tu vois. Je ne peux pas les abandonner j'en suis juste incapable ! Je n'arrive pas à croire qu'il provienne de moi. Pourtant... pourtant je les aime et je me suis attachée à eux. Je n'arriverai pas à continuer d'avancer en sachant que j'ai laissé tomber mes enfants... C'est plus fort que moi. Je sais que c'est totalement immature et invraisemblable mais je ne peux pas...Je ne peux pas, acheva-t-elle en pleurant pour de bon cette fois, enfouissant son visage dans ses mains.

Liam resta quelques instants immobile, stupéfait par les propos de sa patiente.

Il la prit alors délicatement dans ses bras, conscient que ce dont Lina avait besoin en ce moment, c'était du soutien.

LinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant