Chapitre 21

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Lina se dirigea vers la salle de bain ; elle avait besoin d'être seule. Elle entreprit de brosser ses cheveux, pleins de nœuds après sa nuit agitée. Elle réfléchit à tout ce que les aides-soignants, la psychologue et le docteur lui avaient dit.

Ils avaient peur. Ils avaient tous peur.

Ils avaient peur de lui dire la vérité, peur de ses réactions, peur qu'elle abandonne ses bébés, peur qu'elle les garde, peur qu'elle ne les reconnaisse pas, peur pour elle.

Lina pensa alors à ses parents. Elle n'osait imaginer leur réaction. Ils allaient la tuer, c'était certain. Elle était leur fille unique, leur petit fille modèle, intelligente, toujours très sage. Ils nourrissaient de grands projets d'avenir pour elle.

C'était certain : jamais ils ne le lui pardonneraient.

De toute façon, c'est mon choix. Personne ne pourra décider à ma place. Je ferai ce que j'ai à faire, murmura Lina pour elle-même en reposant sa brosse sur les bords du lavabo.

Lina partit se recoucher un moment. L'adolescente détestait rester ainsi dans l'inaction, mais rien que le fait de se lever et d'avoir fait quelques pas l'avait fatiguée. La jeune fille se sentait vidée. Émotionnellement, comme physiquement.

Un peu plus tard dans la journée, alors qu'elle somnolait à demi, Lina vit alors son premier visiteur de la journée, extérieur aux aides-soignantes qu'elle ignorait d'ailleurs royalement, entrer dans sa chambre.

-Bonjour Lina, comment vas-tu ? 

La psychologue n'était de toute évidence pas la présence espérée par la jeune maman. Mais elle lui évitait au moins une chose : rester en tête à tête avec ses pensées.

-Tu te remets de tes émotions ?

L'intéressée se contenta de hocher la tête. Finalement, peut-être était-elle mieux seule.

-J'aimerai te parler un petit peu si tu es d'accord.

Re-hochement de tête.

-Bon, je sais que toute cette situation ne doit pas être facile pour toi. Normalement, tu as plusieurs mois pour te préparer mais la situation est différente ici, récita-t-elle. Je comprends très bien que tu sois un peu chamboulée par tout ça, surtout que je ne pense pas que cela ait été voulu. Mais je vais te demander pendant les prochains instants d'être bien attentive à mes questions et d'essayer d'y répondre le plus sincèrement possible d'accord ?

Cette fois-ci, Lina ne prit même pas la peine de répondre. Que cette femme prétendant la comprendre lui pose ses questions sans intérêt et qu'elle sorte de là.

- Tu as un petit ami je crois.

Avait serait sûrement plus approprié, ne put-elle s'empêcher de penser.

- Si tu me parlais un peu de vous deux ? la questionna la psychologue.

L'adolescente soupira. Elle n'avait aucune envie de mentionner Jessy. Pas encore.

Montrant clairement que la femme l'embêtait, elle se mit à réciter comme une bonne élève répétant sa leçon :

-Il s'appelle Jessy. Cela fait un peu plus d'un an que nous sortons ensemble. Il n'est pas dans le même lycée que moi. Il a eu dix-sept ans en mars. Nous nous sommes toujours très bien entendu. Il gentil avec moi. Nous avons couché ensemble mais nous avons utilisé des contraceptifs.

Tout en prenant note, la psychologue s'adressa de nouveau à sa patiente.

-Mais ne te souviens-tu pas d'une fois où vous auriez oublié ? Où il y aurait eu un problème ?

Lina secoua la tête ; c'était impossible, combien de fois allait-elle devoir le lui répéter ?

-Lina, sors-tu beaucoup le soir ?

Elle la regarda de côté ; insinuait-elle qu'elle trompait son copain ?

-Je vais rarement à des fêtes, mais cela m'arrive quelque fois. Cependant, je n'ai jamais trompé Jessy, ajouta-t-elle.

-Bien sûr, bien sûr, marmonna la femme sans cesser de prendre des notes. Et à ces fêtes, bois-tu ?

Lina ne répondit pas tout de suite. Oui bien sûr qu'elle buvait mais elle n'allait sûrement pas l'avouer à cette femme qu'elle connaissait à peine et qui en plus allait certainement la sermonner pour cela. Elle était cependant incapable de lui répondre un non catégorique :

-Cela m'arrive, mais je ne me bourre pas la gueule. Pourquoi ?

A ce moment-là, la jeune maman ne se souciait plus de son langage. Tout ce qu'elle voulait était l'arrêt de cet interrogatoire.

-Y a-t-il une soirée dont tu ne te souviens plus ? Un matin où tu t'es réveillé en te demandant ce que tu avais fait pendant la nuit précédente ? La questionna-t-elle alors.

Lina chercha dans ses souvenirs. Elle essaya de faire la liste de toutes les fêtes où elle avait pu aller, qui n'était pas très longue d'ailleurs. Elle n'aimait pas beaucoup sortir.

-Je ne pense pas. Maintenant si vous le voulez bien, j'aimerais bien rester un peu tranquille, ajouta-t-elle, plus que fatiguée de cette discussion.

-Comme tu voudras, dit la psychologue en s'éloignant, refermant la porte derrière elle. 

Enfin ! Pensa la lycéenne.

Lina s'allongea plus confortablement sur son lit d'hôpital avant de sombrer dans un demi-sommeil, la tête et les pensées encore plus embrouillées qu'auparavant.

LinaWhere stories live. Discover now