You Never Walk Alone

Partie LXXXI : You never walk alone

Peut-être auraient-ils dû faire le plus de bruit possible pour dissuader ces êtres inconnus qui rôdaient quelque-part. Peut-être auraient-ils dû à peine respirer et éteindre toutes leurs lampes afin de se fondre telles des formes noirâtres dans le mélanges de branchages piquants qui les entouraient. Mais Jin ne criait plus après un ennemi invisible. Et aucun d'eux n'aurait eu la force de se trouver dans une complète obscurité, même s'il en allait de leur propre sécurité.

C'était bien vrai alors. Ce qu'on voyait dans les films, dans les livres. Ces héros fictifs et courageux, qui luttaient jusqu'à leur dernier souffle pour ce qu'ils croyaient être juste ou simplement pour leur propre vie... Ils n'existaient pas.

Ils n'avaient jamais existé.

Ils n'existeraient jamais.

Taehyung savait que les valeurs ne voulaient plus rien dire à partir du moment où l'être humain se trouvait acculé. Il savait aussi que peu importe à quel point il pouvait se battre, il n'aurait jamais tout ce qu'il souhaitait, bien qu'il fût prêt à donner n'importe-quoi en échange. Il avait eu tant de souhaits, tant de rêves. Aimer une fille bien, retrouver sa grande sœur, revoir son père, avoir de nouveau l'impression d'être heureux.

Se sentir normale.

Certains étaient morts et enterrés. D'autres n'étaient toujours pas abandonnés. Taehyung n'avait pas besoin de se demander lesquels.

Mais ce qu'il savait à présent, c'était qu'ils n'étaient que des proies dans ce sordide endroit. Il ne se rendrait pas sans s'être battu bien entendu, mais une horde de monstres aurait pu déferler à cet instant sur eux sans qu'ils puissent rien contre cela. Peu importe le nombre de piolets, peu importe le nombre de paroles vociférées, peu importe le nombre de prières.

C'était la vie en un sens, non ?

Le sens des réalités qui l'aiguillait soudainement ne lui faisait pas vraiment de bien. Mais lorsqu'il venait et lui mettait toutes ces idées terriblement pessimistes, toutes ces pensées terriblement noires à l'esprit, il ne cherchait pas à le repousser. Il y avait longtemps qu'il avait arrêté. Il fallait simplement attendre que cela passe. Ce moment d'abattement n'était qu'une passade. Il devait le supporter. De la même façon que leur enfermement ici prendrait fin d'ici quelques heures.

C'était ainsi, non ?

Taehyung s'efforça de garder un air neutre et de patienter. Même si ses cheveux complètement ébouriffés réduisaient son champ de vision, il devina Jungkook qui frissonnait à moins d'un mètre de lui. Il pouvait presque le voir en train de se raccrocher à Ryujin.

Si les choses tournaient réellement mal, le maknae pourrait-il seulement le supporter ? Paradoxalement à sa confiance en lui, à son obstination, à son enthousiasme naturel... il était fragile. Taehyung, quant à lui, ne ressentait rien d'autre que de la résignation à l'idée d'un dérapage. Ils n'avaient plus aucun pouvoir, cela, il en était sûr. Mais peut-être aussi que le dérapage avait déjà eu lieu. Les hurlements, stridents, effrayants, horrifiants... Cela n'avait rien de normal. Mais à présent, ils paraissaient tout droit sortis d'un rêve, et si Taehyung n'avait pas été tout à fait sûre de sa propre clarté mentale, il aurait fini par douter, il le savait.

Une petite voix lui souffla qu'ils avaient tort de se relâcher ainsi. Les hurlements n'avaient pas été là pour simplement les effrayer un peu... Ils signifiaient plus que cela.

Ils auraient dû se comporter en dociles mammifères et faire ce que leur instinct dictait, à savoir prendre la fuite. Mais où ? C'était bien cela le problème. Même s'ils l'avaient voulu, même s'ils avaient eu l'intelligence d'envisager cette possibilité, ils n'auraient pas pu sortir de la salle. Le tunnel par lequel ils étaient venu été bouché, le puits de lumière trop éloigné, inatteignable... et le reste du chemin trop inconnu. Mais plus Taehyung y réfléchissait, plus il se demandait s'ils avaient fait tout ce qu'il fallait.