Agonie

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Harry était installé devant le lac noir, assis à même le sol, regardant l'eau sombre pensivement. A ses côtés, Blaise Zabini, dans un très chic costume de luxe détonnait. Sa place aurait plus été dans un bureau luxueux qu'au bord d'un lac... Lui aussi s'était assis à même le sol, comme s'il avait l'habitude dans ses vêtements hors de prix de se comporter ainsi.

L'avocat était venu parler avec son tout nouveau client. Et il lui avait annoncé qu'il ne lui demanderait pas un centime. Harry avait été celui qui avait sauvé les enfants, ceux qui étaient considérés comme enfants de Mangemorts même si ça n'avait jamais été le cas, ajoutant une dette de plus à celle que le monde magique dans son ensemble lui devait pour avoir détruit Voldemort.
Après les formules de politesse d'usage, Blaise avait demandé au Sauveur de parler de son mariage, et Harry s'était renfermé, plongé dans ses pensées. Habitué aux drames domestiques, Blaise attendait patiemment. Finalement, Harry prit la parole.
- Ce mariage a été une lente agonie dès le début. Dès le moment où j'ai refusé d'être une marionnette que Ginny pourrait manipuler à sa guise. Je ne suis pas dupe, même si je suppose que tout le monde pense que je suis aveugle à ce qui se passe chez moi... Elle a toujours voulu que je sois sur le devant de la scène et elle ne m'a jamais pardonné de refuser tous les honneurs.
- Elle voulait la célébrité ?
- Chaque bal du Ministère que je refusais donnait lieu à des scènes de ménage terribles. Sans les enfants...
- Pourquoi avoir fait des enfants, Potter ? Tu n'es pas stupide, pourtant. Je sais... nous savions tous que tu voulais une famille plus que tout, mais tu aurais pu avoir n'importe qui d'autre.
- James est arrivé plus tôt que prévu. Je... Ginny jouait au Quidditch, elle travaillait comme reporter sportif pendant la saison basse. Et puis un jour, elle a démissionné de tout et m'a annoncé sa grossesse.

Blaise soupira et détourna le regard. Il savait que sa prochaine question pourrait être mal perçue.
- Je m'excuse de poser cette question, mais... Es-tu certain de la paternité de James ?
Harry eut un rire désabusé.
- Oh crois-moi je me suis posé cette question parfois. Mais James est mon portrait craché et celui de mon père. Physiquement je ne peux pas le renier... et j'avoue que c'est horrible de penser ça, mais les récents évènements me font regretter qu'il ne puisse y avoir aucun doute.
L'avocat garda le silence quelques instants. Il entendit Harry soupirer, et le Sauveur reprit d'une voix rauque.


- Je suis devenu Auror parce que je ne voyais aucun autre destin pour moi. C'était ce que j'avais voulu faire quand j'ai rencontré pour la première fois des Aurors, et qu'ils ont risqué leurs vies pour me protéger. J'ai été fasciné à l'époque, et... Je sais pas... Avant la fin de la guerre, j'ai gardé cette réponse, parce que je ne pensais pas survivre. J'aurais du mourir, normalement. Et après la mort de Voldemort... j'étais trop fatigué pour chercher autre chose. J'ai fait ce qu'on attendait de moi.
- Potter... Personne ne t'aurais reproché de prendre le temps de te décider.
- J'avais promis à Ron d'y aller avec lui. Et Ginny insistait tellement. Elle me voyait déjà Chef des Aurors alors même que je n'étais pas encore entré en formation.
- Mais tu aimais ton métier ?
- Il paraît que j'excellais. Je me suis donné à fond, j'ai enchaîné les gardes et les heures supplémentaires. Je ne sais même plus pourquoi, finalement, parce que j'ai manqué tant de choses... J'aurais aimé voir grandir mes enfants.

Blaise jeta un bref regard vers Harry.
- Et tout ce temps, que faisait ta femme ?
Harry renifla.
- Je sais que je suis naïf. Et stupide. Mais pas au point de ne pas me rendre compte qu'elle menait la grande vie. Elle dépensait ma fortune, pour s'occuper je suppose, puisqu'elle n'a jamais voulu retravailler même quand les enfants sont tous entrés à l'école.
- Personne ne pense que tu es stupide, Potter.
Harry laissa échapper un ricanement.
- Quand j'ai découvert ce qu'elle faisait à Albus... Ce que James faisait ici... Torturer des Serpentard, se proclamer meilleur que les autres... Malefoy m'a ouvert les yeux.
- Drago ? Mais...
- Nos fils sont amis. Meilleurs amis même. C'est grâce à Scorpius que j'ai su qu'Albus avait des ennuis. Parce que Minerva ne voulait pas me déranger.

L'amertume dans la voix de l'homme se faisait clairement entendre, et Blaise serra les mâchoires en se rendant compte que le petit jeu joué par la future ex-Madame Potter aurait pu avoir des conséquences tragiques.


- Quand j'ai compris que Malefoy n'aurait pas le poste à cause de la marque sur son bras, j'ai accepté de postuler avec lui. Cette fichue guerre a suffisamment fait de ravages et c'est ceux qui sont restés planqués qui... se vengent aujourd'hui ! Et ça a été la meilleure décision de ma vie.
- Tu es devenu professeur pour aider Drago ?
L'incrédulité était clairement perceptible dans la voix de Blaise.
- Non ! C'était... je sais pas. Une chance à saisir. J'ai l'impression d'avoir enfin trouvé ce qui me rend heureux.
Blaise lui jeta un regard indéchiffrable et hocha la tête.
- Quelle a été la réaction de ta femme ?
- En plus de continuer de martyriser Albus ? En plus de demander à ce qu'il soit changé de maison parce que selon elle être à Serpentard était une honte ? Elle a été voir le Ministre pour me faire réintégrer en tant que chef des Aurors. Ce que je n'ai jamais voulu. J'ai démissionné immédiatement.

Blaise afficha un sourire carnassier.
- Tu es le chef de famille Potter, mon cher. Ce qui implique que ta femme a méprisé les traditions en s'immisçant dans tes affaires personnelles. La majeure partie du Magenmagot est très attachée aux traditions, après tout, ils ont eu leur siège par héritage familial et viennent de familles sang-pur. De plus, demander à changer de maison est quelque chose d'inédit. Personne n'a jamais osé suggérer une telle chose ! Et parmi les dirigeants du monde magique, bon nombre viennent de la maison Serpentard et en sont fiers malgré les ravages causés par... le Seigneur des Ténèbres.
Harry hocha la tête, les yeux perdus sur le lac. Blaise poursuivit.
- Tu as des preuves de son comportement avec Albus ?
- Elle lui a envoyé des lettres. Je crois qu'il les a gardé.
- Parfait. Tu me les remettras.

Harry soupira. Il avait conscience que son mariage était mort mais il culpabilisait quelque part à l'idée de mettre Ginny à terre impitoyablement.
Blaise se pencha vers lui.
- Si tu comptes avoir de la pitié pour la rouquine, oublies ça. Elle est venue ici avec son avocat, dans l'idée de te tendre un piège pour te faire porter toutes les fautes. Elle veut te priver de tes enfants, et récupérer l'argent de tes parents et de ton parrain. Pour une fois dans ta vie, Potter, oublies que tu es un Gryffondor sentimental, et pense à toi. A tes enfants. Tes amis ne te tourneront pas le dos parce que tu t'es défendu.

Vaincu, Harry hocha tristement la tête. Blaise avait raison bien évidemment.

Famille recomposéeWhere stories live. Discover now