Une autre vie...

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L'hiver touche à sa période la plus grise.
Du ciel couvert jusqu'aux trottoirs en béton. Les branches brunes des arbres : grises. Les panneaux de toutes les couleurs : gris. Les passants sur la route, leurs voitures colorées, leurs mines soucieuses : gris, grises et grises.
Tout est gris.

Kiera saute sur la bordure d'un trottoir avec agilité, évitant les éclaboussures provoquées par le passage trop rapide d'une voiture. Noire. Vitre teintée. Comme pour se protéger du monde.

Un monde paraissant figé autour d'elle. Une statue sous la cloche d'une boule à neige.

Immuable, inchangé.

Le monde semble ne jamais évoluer. Pourtant, il le fait. Il évolue. Pour le meilleur comme pour le pire. Rien ne semble pouvoir l'arrêter. Ni les cris, ni les appels.

Kiera se demande si quelqu'un a déjà eu la moindre influence sur ce monde. Si tout était déjà écrit ? La perturbation d'un seul événement n'aurait-il pas pu tout modifier ? Un seul événement n'aurait-il pas tout simplement créé un tout autre monde ?

Kiera s'interroge : que se passerait-il si quelqu'un - une main géante, celle d'un dieu peut-être ? - s'amusait à secouer la boule ? Les choses changeraient-elles ? Marcherait-on la tête en bas ? Échangerait-on sa place avec son voisin ? Vivrait-on une vie diamétralement opposée à celle actuelle ?

Est-ce-que Kiera le voudrait ?

Elle ne le pense pas. Dans cette vie, les choses seraient peut-être plus simples. Mais elle n'aurait pas toutes ces victoires qu'elle avait obtenues. Elle n'aurait pas cette force de caractère qu'elle avait gagné. Elle n'aurait pas cette force qu'elle avait développée. Ce cœur, ce courage. Elle n'aurait pas cette passion pour l'écriture.
Elle n'aurait pas Aerdna.

Une autre vie vaudrait elle la peine d'être vécue ?
Peut-être... Peut-être que tout dépend des gens. De leurs vies. De ce qu'ils ont au fond du cœur.

Kiera fronce des sourcils. Elle pense avoir trouvé la réponse à cette question. À sa question. Un sourire aux lèvres, elle reprend sa balade, relevant le visage vers le ciel gris, ses pieds foulant les trottoirs gris, ignorant tout du monde et de sa grisaille. Car son cœur est plein de couleur.

La seule vie qui valait d'être vécue c'était celle où elle s'aimait elle-même.

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