Chapitre 1 - partie 1/5

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L'orchestre entamait une nouvelle valse de Strauss tandis que les dandys et les élégantes ladies prenaient place sur la piste de danse, sous l'œil approbateur de leur hôte. Il faut dire que le spectacle, qui s'offrait à ses yeux, était des plus plaisants. Comment ne pas apprécier cette soirée qu'il avait, à son goût, organisée comme un chef, ne lésinant sur aucun détail qui eut pu compromettre ses plans ?

Le dîner, qui s'était déroulé dans la grande et somptueuse salle à manger de la résidence londonienne des Sinderbrod, avait été très apprécié par ses invités, ou du moins n'avaient-ils pas jugé bon de lui faire part de leur déception culinaire. Personne ne trouvait rien à redire à cette fête, se gardant bien de laisser paraître la moindre critique désobligeante qui les aurait mis dans une bien mauvaise posture. Et cela n'était pas sans raison.

Il fallait bien reconnaître que le comte n'était pas commode, mais alors pas du tout. Son caractère ténébreux et emporté n'était ignoré de personne, si bien que les gens en venaient à se demander comment son frère aîné, le défunt comte, avait-il pu avoir cet étrange, et même déplaisant à bien des égards, homme comme frère, lui qui avait été aimé de tous et respecté par les gens habitant ses terres.

Quant à sa femme, qui était la bonté et la générosité même, nul besoin de dire quelle admiration lui avait été témoignée du temps de son vivant, elle qui avait trouvé la mort auprès de son mari deux ans plus tôt.

Se faisant une raison, les gens s'étaient résolus à voir Sir Edward devenir comte, au grand dam de toute sa famille, dont les soucis importaient peu le nouveau chef. Aussi ne fut-il pas étonnant qu'aucun membre de la famille Sinderbrod, aussi bien proche qu'éloigné, ne fut au compte de la soirée.

Le comte admirait, en silence, sans broncher, ce qu'il considérait comme un véritable succès. D'autant plus que la fête n'avait été organisée que dans un seul et unique but. Il réussirait.

Venant troubler son contentement et cette douce pensée qui, déjà, caressait son esprit depuis un bon quart d'heure, il vit une fine silhouette, qu'il reconnaissait comme étant celle de sa fille, se détacher de la foule pour venir à sa rencontre, seule, à la grande consternation de celui-ci. Aurait-il crié victoire trop vite ?

- Où est le marquis ?

- Je l'ignore père, je venais justement à vous pour vous le demander ! répondit la jeune fille d'une voix qui était emplie d'un agacement contenu et dont le timbre disgracieux contrastait fortement avec son physique pour le moins avantageux.

- C'est affreux, il ne m'a même pas encore invitée à danser, ni daigné m'adresser la parole de la soirée alors que cette fête est célébrée en mon honneur. C'est censé être mon jour de gloire, et pourtant j'ai beau être parée des plus somptueux bijoux, de la plus belle des robes, le marquis ne me porte aucun intérêt ! se lamenta-t-elle en ayant pris soin d'insister sur les « mon » qui traduisaient à merveille l'importance qu'elle se vouait.

Puis, fixant Sir Edward droit dans les yeux, elle s'emporta :

- Faites quelque chose père ou bien cette fête sera un véritable désastre et jamais je ne deviendrais marquise de Danwick ! Or, je veux ce titre ! Je le veux plus que tout ! C'est à moi qu'il doit revenir, à moi et à personne d'autre !

- Ressaisis-toi Cheryl ! Tu vas finir par te rendre hideuse en agissant de la sorte et alors tu peux être certaine que jamais tu ne plairas au marquis, fit-il en agitant son index vers elle.

Ces mots, firent l'effet d'un électrochoc à la jeune fille qui se reprit très vite.

- Trouve-le et arrange-toi pour attirer son attention, c'est tout ce que tu as à faire. Moi je me charge du reste, dit-il avant de sortir de sa poche une montre à gousset à l'aspect métallique auquel il jeta un regard critique.

Ce destin qui nous lieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant