Chapitre 2 - partie 4/5

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Se retournant, Carmella aperçut Marie, la jeune femme de chambre qui s'occupait d'elle avec Nanny. Bien qu'elle n'eût que dix-sept ans, elle faisait preuve d'une grande maturité pour son âge, et Carmella l'appréciait beaucoup.

- Je vous cherchais, miss. Nanny m'a demandé de vous faire chercher. Votre goûter va être servi dans votre boudoir d'un instant à l'autre.

- Mon goûter ? Mais quelle heure est-il ?

- Dix-sept heures passées, miss. Nous l'avons déjà retardé.

- Nom de Dieu! L'heure a filé à toute vitesse.

Se retournant, Carmella s'apprêtait à s'excuser auprès de James quand elle se rendit compte qu'il fixait Marie, les joues légèrement rosies, les yeux brillants comme si un ange venait soudainement d'apparaître sous ses yeux.

Ne comprenant pas, elle reporta son attention sur la jeune servante. Elle put alors voir Marie qui baissait la tête. Si James se contentait de rougir très légèrement, Marie, elle, avait les joues carrément rouges. Il faut dire qu'elle était de nature timide.

James, qui l'était moins, lui adressa un petit signe de la main en disant, un peu gauche :

- Bonjour.

Marie se contenta de lui répondre par un petit sourire timide, mais plein de charme, avant de déclarer en s'éloignant subitement :

- Je vous retrouverai à la maison, miss.

Quand elle se fut éloignée, Carmella entendit James soupirer. Alors, elle put enfin faire ce qu'elle s'empêchait jusque-là de faire avec une concentration exemplaire : elle éclata de rire.

James la regarda, un sourcil levé, preuve visible de son étonnement. Voilà qu'elle se mettait à rire toute seule.

Reprenant son souffle, Carmella parvint à dire, un grand sourire aux lèvres :

- Eh bien ?

- Eh bien quoi ? fit-il surpris.

- Quand comptez-vous le lui dire ?

- Lui dire quoi ?

- Qu'elle vous plaît, fit-elle comme si c'était la chose la plus naturelle du monde à dire.

- Quoi ! Mais c'est que... ce n'est pas...

Les mots devenaient soudain confus. James fit la grimace.

- Oh, mademoiselle, c'est terrible. Cela se voit tant que ça ?

- Tu n'aurais pu être plus discret si tu avais marqué sur ton front ce que tu ressens ! D'ailleurs, pourquoi ne
lui dis-tu pas ce que tu as sur le cœur ?

- C'est que ce n'est pas si simple. Quand je la vois, je suis incapable d'aligner deux mots. Et puis, je ne suis pas son genre, bougonna James en reprenant sa fourche.

- Qu'en savez-vous ?

- Regardez-nous. Elle est jeune, belle et ravissante. Et moi, je ne suis qu'un pauvre gars qui sent le fumier à longueur de journée. Alors, je me suis fait une raison.

Pénétrant dans la stalle qu'il nettoyait à l'arrivée de Carmella, il ajouta :

- Et puis vous l'avez vu vous-même, c'est tout juste si elle m'adresse la parole. Enfin, ça fait seulement un mois que je suis là. Je travaille dehors et elle à la maison; vous pensez bien qu'on ne se voit pas souvent. Je crois même que ce n'est que la troisième fois que l'on se croise vraiment.

- Comment ça vraiment ?

James rougit de nouveau puis déclara assez embarrassé :

- Elle fait un tour dans le jardin tous les soirs avant d'aller se coucher...

- ... et tu la regardes de loin, compléta-t-elle.

Il hocha silencieusement la tête.

Carmella sourit, puis déclara :

- Il faut que j'y aille. Mais j'espère bien que tu seras là demain quand je viendrai pour monter Brume de Nuit.

- Pour sûr, je vous la préparerai moi-même.

- Alors, à demain James.

- À demain, mademoiselle.

Carmella commençait à s'éloigner quand elle se ravisa.

- James ?

- Oui, mademoiselle ?

- Tu sais... moi je trouve que tu es superbe, et je suis convaincue que Marie partage mon avis.

- Peut-être..., fit-il sans grande conviction.

- De toute façon, qui ne tente rien n'a rien. Tentez votre chance. Au pire, vous n'avez rien à perdre, juste tout à gagner.

Sur ce, elle s'éloigna. Carmella en avait la certitude, elle venait de se faire là un nouvel ami. Une amitié entre un domestique et une fille de la haute société. Elle ne doutait pas que les gens de sa classe en soient horrifiés... Mais c'était là le cadet de ses soucis. Peu lui importait ce que pensaient les gens, elle se sentait bien, c'était la seule chose qui comptât réellement à ses yeux. D'ailleurs, elle commençait déjà à réfléchir sur une manière de venir en aide à James. C'est sûr, un jour ou l'autre ses plans enfantins se retourneraient contre elle. Mais après tout, quel mal y avait-il à donner un petit coup de pouce au destin ?




La nuit voilait le ciel depuis un moment déjà quand Carmella rejoignit enfin sa chambre. Elle avait hâte de s'enfoncer au creux de son lit, de sentir l'oreiller bien moelleux sous sa tête.

Tandis que Marie l'aidait à se préparer pour aller se coucher, Carmella déclara innocemment :

- Le nouveau palefrenier du marquis est vraiment très gentil.

- James ?

- Tu connais son nom ? demanda Carmella, légèrement étonnée.

Carmella put voir - dans le reflet que lui renvoyait le miroir de la coiffeuse - que le visage de la jeune fille devenait rose.

- Oui, bien sûr.

- Mais dit moi... il te plaît ?

Levant les yeux, Marie croisa le regard amical de Carmella dans le miroir. La jeune servante lui sourit timidement. Aucun mot n'aurait pu mieux répondre à sa question.

Ah ! Les gens d'aujourd'hui sont trop mignons et trop stupides à la fois. Ils n'osent pas dire ce qu'ils ressentent.

Bien évidemment, Carmella ne s'incluait nullement dans ce lot de personnes qu'elle ne comprenait pas. Mais elle n'allait pas tarder à en faire l'expérience, car il ne faut jamais, au grand jamais, penser que ce qui arrive aux autres ne peut pas arriver à soi-même. Grosse erreur Carmella, très grosse erreur.

...

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Bien que cette partie ne porte pas sur les deux héros de l'histoire, je me suis beaucoup amusée à l'écrire😁 Et c'est loin d'être la seule partie sur laquelle je me suis amusée. Mais ça, vous avez dû vous en rendre compte en lisant la troisième partie du résumé 😆

Pas d'inquiétude, il y aura très bientôt des scènes entre les deux protagonistes. Mais j'avais besoin de bien mettre l'histoire en place avant d'entamer la partie qui m'intéresse le plus 😄

Jen✍️

Ce destin qui nous lieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant