Chapitre 10 - partie 1/2

5.4K 554 92
                                    

Cela faisait à peine une semaine que la sœur du marquis et sa famille étaient arrivées à Danwick Park que déjà Carmella s'était attachée à eux.

Élisabeth s'avérait être une amie inséparable, William un ami attentionné, et les enfants étaient incroyablement attachants. C'est bien simple, ils la suivaient partout, leur mère passant le plus clair de son temps allongée ou installée dans un fauteuil. Il faut dire que sa grossesse arrivait bientôt à terme.
Carmella et les enfants faisaient ainsi toutes sortes d'activités ensemble.

Aujourd'hui, ils se rendirent au salon de musique à la demande expresse de Charlotte. Simon, lui, était ravi d'y aller, pour peu que Carmella vienne aussi.

En y pénétrant, Carmella fut de nouveau éblouie par la beauté du lieu. Elle n'y était venue qu'une seule fois, lorsque le régisseur lui avait fait visiter la demeure. Mais elle n'y était pas revenue, la vue de l'instrument ravivant de douloureux souvenir... Elle avait même refusé de venir au début quand Charlotte le lui avait demandé. Mais la petite fille avait exposé sa requête avec un tel regard, que Carmella n'avait pas pu résister.

La pièce, dominée par un immense piano, était tout simplement magnifique, et reflétait parfaitement la beauté de l'art qu'était la musique. Carmella avait rarement vu un piano de cette trempe-là. Il devait, à n'en pas douter, avoir beaucoup de valeur.

Soudain, la voix de la petite fille interrompit son observation.

- J'aimerais tellement savoir jouer du piano...

Carmella ne pût s'empêcher de poser sur Charlotte un regard attendri.

- Si tu veux, je peux t'apprendre quelques rudiments.

Charlotte se tourna aussitôt vers elle pour plonger son regard illuminé par la joie dans le sien.

- C'est vrai ? Tu veux bien ?

- Bien sûr. Mais, reste à savoir si je sais encore jouer.

- Pourquoi ?

- Eh bien, disons que je n'ai pas pratiqué depuis longtemps.

- Il n'y avait pas de piano dans ton ancienne maison ? questionna Simon.

Carmella, un sourire triste au bout des lèvres, releva la tête pour fixer l'imposant piano. En l'espace d'une seconde, elle fut projetée dans le passé, repensant au jour où son oncle était entré dans une de ses fureurs monstrueuses...

Ce jour-là, emporté par sa fureur, sir Edward avait débarqué dans le salon de musique de Sinder Manor, la cherchant visiblement. Inutile de se demander pourquoi : dès qu'il avait besoin de se défouler un peu, c'était sur elle qu'il s'amusait, si l'on peut dire.

Il était arrivé, vociférant toutes sortes d'insultes. Carmella se souvenait l'avoir vu avec horreur s'emparer d'un verre qui reposait sur une petite table à côté de plusieurs carafes. Puis, sans plus de manières, il l'avait lancé sur Carmella. Heureusement pour elle, elle l'avait évitée de justesse.

Fâché d'avoir manqué sa cible, le comte avait redoublé de colère.

Carmella avait finalement réussi à s'extirper du petit salon, fuyant pour aller s'enfermer dans sa chambre tandis que son oncle, s'emparant d'une chaise, l'avait jetée avec brusquerie contre le piano. La chaise avait atterri sur les touches, tirant de l'instrument quelques fausses notes. Celles-ci paraissaient être une longue plainte, qui s'avérait trouvée un écho dans le cœur de la jeune femme.

Quand elle était retourné dans le salon le lendemain matin, ce fut pour constater que le comte avait définitivement cassé le piano, l'une des seules distractions qui lui restait.

Ce destin qui nous lieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant