Hell's Sky : Menace Invisible

Le prédateur

LANA

Paralysée, et quelque peu troublée par cette proximité, je n'ose plus bouger d'un millimètre. Alors que je jette un coup d'œil anxieux du coté de Lily, je me rends compte qu'elle aussi semble tétanisée. Peu rassurée, je tourne mon regard vers Will, qui me fait quant à lui signe de ne pas bouger. Mais, alors que je tente de me focaliser sur ma respiration, je sens le souffle de l'homme derrière moi me chatouiller le haut du cou. Cela me rend plus nerveuse encore et je ne peux m'empêcher de fermer les yeux sous cette sensation familière.

Respire Lana, ce n'est pas lui.

Après avoir pris une grande inspiration, je décide de prendre mon courage à deux mains et d'enfin me tourner, malgré les avertissements silencieux de Will. Je ne peux plus rester ainsi, je ne supporte plus de sentir ce souffle chaud le long de ma nuque. Me heurtant aussitôt à un torse musclé, je déglutis avec difficulté et me recule de quelques centimètres pour pouvoir plonger mon regard dans celui de l'homme face à moi.

- Le voleur de taxi ! sifflé-je entre mes dents, les yeux plissés.

- Tu le connais ? me murmure tout bas Lily en posant sa main sur mon bras.

L'homme aux yeux de loup, qui m'observait jusque-là avec un regard à glacer le sang, esquisse aussitôt un léger sourire en coin.

- Qu'est-ce que tu fous ici ? Tu m'as suivi French girl ? T'as finalement changé d'avis ?

- Certainement pas ! Idiot, marmonné-je, en levant les yeux au ciel.

Agacé, il se rapproche brusquement de moi et, surprise, je me recule jusqu'à avoir le dos collé au comptoir.

- Qu'est-ce que tu veux ? Qui t'envoie ? T'es flic ? m'interroge-t-il avec méfiance. Ici, on n'apprécie pas vraiment les petites fouineuses dans ton genre ma belle, ajoute-t-il d'une voix létale.

Tandis que je reste silencieuse et soutiens son regard, il se rapproche lentement et pose ses mains sur le comptoir, de parts et d'autres de mon corps, de façon à me surplomber de toute sa hauteur. Alors que je déglutis avec difficulté, j'ai la vague impression de me retrouver dans un documentaire animalier : face à moi, le prédateur qui déploie ses muscles dans le but d'effrayer sa proie, qui n'est autre que moi. Et ce petit numéro fonctionne d'ailleurs très bien, puisqu'au moment où son visage n'est plus qu'à quelques centimètres du mien, je sens mes instincts prendre le dessus et ma volonté s'effriter.

- Je crois que tu n'as pas bien compris. Alors, je vais être indulgent et te le répéter une dernière fois : Qu'est-ce que tu cherches la fouineuse ? articule-t-il.

Alors que mon instinct me dicte de fuir, je reste pourtant paralysée tandis que mon corps réagit malgré moi à cette nouvelle proximité. Tous mes sens sont engloutis par sa présence. Les effluves de son parfum musqué viennent chatouiller mes narines et, tandis que sa voix lente et rauque se cogne à mes tympans, son souffle chaud se mélange au mien, au point d'avoir le gout du whisky en bouche. Alors que sa peau, si proche de la mienne, me procure des frissons, mes yeux se perdent rapidement dans ses iris sombres. À cet instant, ma peur se transforme peu à peu en une balade au clair de lune et j'ai la sensation étrange de visiter son âme à travers son regard. Colère. Peine. Impuissance. Solitude. C'est tout ce que je peux lire dans les tréfonds de son âme.

Mais cette balade, qui semblait malgré tout me rassurer, le pousse tout autant à se méfier. Penchant aussitôt la tête sur le côté, ses yeux n'étant plus que deux fentes, il se met à serrer la mâchoire comme un lion défendant son territoire. Après avoir ravalé difficilement ma salive, je ne lâche pas des yeux son regard sombre malgré la peur qui s'immisce en moi.