Chapitre 19

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 Collant mes paumes de mains contre mes yeux, j'essayais à tout prix d'empêcher la lumière de me brûler la rétine. Je voulais absolument pouvoir me rendormir, mais en vain. Un mélange d'alcool et de vomis me saisit le palais, un goût infect qui m'aurait écœuré en temps normal, mais qui, en vue de mon état, était le cadet de mes soucis. Exténuée, je me levai avec lenteur, emmitouflée sous ma couette bien trop lourde pour moi. Comme à mon habitude, j'avais trop bu. Si Evans ne m'avait pas raccompagné, j'aurais été incapable de me traîner dans mon lit seule.

À la simple pensée d'Evans, tout me revint immédiatement en tête, des images défilant avec rapidité dans mon esprit. Je me rappelais de sa bouche contre la mienne, de son érection à mon contact. Par précaution, je jetais un œil à tous les recoins de l'appartement, mais il était bien parti.

M'écroulant avec lourdeur sur mon lit, son odeur vint m'enivrer. J'aurais pu humer ce parfum de café pendant une éternité tant il me faisait d'effet. Tâtonnant ma table de nuit à la recherche de mon téléphone, je stoppais mon action quand mes doigts effleurèrent un morceau de papier froissé. D'un trait fin et régulier, quelques mots m'étaient destinés.

"Encore pardon."

Je relus le papier encore et encore, comme pour me persuader que tout ce qui s'était passé hier n'était pas un rêve.

Une vibration de téléphone vint me sortir de mes pensées, et aussitôt à mon oreille, les complaintes fusèrent.

— Je suis à deux doigts de venir te frapper jusqu'à la fin de tes jours.

La voix d'Emma était puissante, ravivant mon mal de crâne qui s'était pourtant atténué.

— Parle moins fort s'il te plait, j'ai mal à la tête.

— Évidement que tu as mal au crâne, tu as fait de la merde hier. C'était vraiment dangereux, je crois que tu ne te rends pas compte.

— Je ne sais pas ce qu'il m'a pris de boire autant, je suis désolée. Merci de t'inquiéter pour moi.

— Tu peux surtout remercier Monsieur Evans, c'est grâce à lui que ça s'est bien terminé.

— De quoi tu parles ?

— Quand tu as disparu de la soirée, je suis allé chez toi pour voir si tu étais rentré, et quand j'ai monté l'escalier, j'ai croisé Evans qui lui descendait. Il m'a expliqué t'avoir trouvé pleine de vomis en face de ton immeuble. Apparemment, tu n'arrivais même pas à monter tellement tu avais bu. Alors il t'a aidé avant de partir.

Mon cœur battait à m'en arracher la poitrine. Par miracle, Evans avait réussi à déjouer tout soupçon. Transformant une scène improbable en un enchaînement d'événements ayant du sens. Endormis, il en avait profité pour partir sans s'attendre à croiser Emma dans le même immeuble.

— Je ne me souviens de rien du tout, je pensais que j'avais pu rentrer chez moi toute seule. lançais-je, tentant d'être la plus convaincante possible.

— Il faudra que tu ailles le remercier, je m'en serais voulu toute ma vie s'il t'était arrivé quelque chose

— D'ailleurs, je veux bien que tu ne dévoiles rien de cette soirée s'il te plait. Il n'appréciait sans doute pas qu'on sache qu'il a été couvert de vomi hier soir.

— C'est marrant, Evans m'a demandé la même chose. Mais ce n'est rien de grave tu sais, ce n'est pas comme si vous aviez couché ensemble ou un quelque chose comme ça. rétorqua qu'elle avant de m'adresser un ricanement des plus sincères.

Je me joignais à son rire, heureuse que rien de tout cela ne lui semblait anormal.

— Elise, il faudra aussi qu'on parle de Tom. Il m'a raconté ce qu'il s'était, j'ai cru que j'allais le tuer. Il était trop bourré pour m'expliquer correctement ce qu'il s'était passé, il n'a pas fait de mal au moins ?

— On avait bu tous les deux, je crois qu'il a interprété des choses, c'est tout.

— Tu me le jures ? S'il s'est passé quelque chose hier tu peux me le dire tu sais.

Prête à tout lui dévoiler, je me ravisais au dernier moment. Elle me donnait l'occasion de me confier, d'enfin lui avouer ce passé qui m'avait tant fait changer, mais je n'eu pas la force de le faire. Les gestes de Tom avaient ouvert des plaies bientôt trop sensibles pour que je puisse les livrer dans l'instant. Emma saurait un jour la vérité, mais pas maintenant.

— Il ne s'est rien passé. Mais on en reparlera demain si tu veux, je crois que j'ai juste besoin de dormir pour le moment.

— Repose-toi bien.

— Merci Emma, vraiment.

La ligne coupée, je m'empresserai de regarder si Evans m'avait laissé d'autres messages, mais rien. J'aurais aimé poser mes yeux sur lui dès les premières heures du jour, éclaircir notre relation qui n'avait, aujourd'hui plus que jamais, rien de celle d'un professeur et de son élève.


Sur le chemin de la fac, je ne pus contrôler mes tremblements de mains, ces dernières étant pourtant empaquetées dans les poches de mon jean. Nous devions avoir une discussion, mais comment ? Evans m'avait déjà prouvé qu'il n'hésiterait pas à choisir la fuite comme option, alors pourquoi pas encore cette fois aussi ? Comment allais-je pouvoir renouer un contact avec un homme aussi mystérieux ?

— Coucou Elise.

La voix d'Emma me sortit de mes pensées, me faisant prendre conscience que je me trouvais déjà dans le bâtiment.

— Qu'est-ce que tu fais dehors, tu ne veux pas attendre à l'intérieur de l'amphi ?

— Evans est absent pour la semaine apparemment, c'est génial non ? On va pouvoir finir plus tôt vendredi et en profiter pour aller boire des verres. Qu'est-ce que tu en penses ?

— Quoi ? Mais qu'est-ce qu'il a ?

— Apparemment, il est malade. La vision de toi en train de vomir doit le hanter.

Je cachai mon désarroi, faisant mine d'être vexée. C'était la première fois de ma vie que j'étais déçue de ne pas pouvoir aller en cours.

Assise sur mon lit, je collais mes yeux sur mon écran de téléphone pour ne pas ressasser cette semaine qui avait été un véritable calvaire. La disparition d'Evans sonnait le glas d'événements funestes, le signe de nouvelles souffrances assuré pour mon pauvre cœur qui ne faisait que de se rappeler de ce baiser échangé. S'il ne voulait pas assumer tout ça, c'est moi qui allais venir à lui.

En quelques secondes seulement, je lui rédigeai un SMS expéditif sans le moindre doute. Il me devait des réponses.

— Bonjour, j'espère que tu vas bien. Quand est-ce que nous pourrions discuter ? Je pense que tu as des choses à me dire et moi aussi.

Pour mon plus grand bonheur, sa réponse ne se fit pas tarder.

— Je ne pense pas que ce soit nécessaire de discuter. Nous avions convenu que nous oublierions tout ce qui avait été dit où fait.

J'éclatais de rire à la lecture de son message, jamais je n'aurais pu imaginer tant de désinvolture de sa part. Ce n'était pas une fuite mais de la lâcheté face à une situation qu'il avait lui-même créée.

— Tant que nous ne discuterons pas, je continuerais à te solliciter. Je ne veux pas d'excuse, de promesses ou que sais-je. Je veux juste parler avec toi.

— C'est d'accord. Retrouvons-nous ce soir sur le parking D du campus. J'y serais pour 21h.. Au revoir.

Aimer pour avancer (Professeur X Élève)Where stories live. Discover now