Chapitre 8

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Le vert de ses yeux ne voulait disparaître de ma mémoire tant cette couleur m'obsédait. Sa beauté me paraissait désormais comme une évidence que j'avais toujours cherchée à fuir. Un charme si naturel qu'il rendait le moindre de ses mots percutants. Sans pouvoir l'expliquer, j'avais le sentiment d'avoir trouvé quelqu'un me ressemblait. Un homme sensible qui semblait pourtant vouloir se cacher volontairement du monde, comme moi.

Ne voulant me perdre davantage dans ce flot de questionnements inutiles, je secouais ma tête pour regagner la réalité. Malgré la solitude, j'avais moi aussi le droit de passer un beau réveillon.

Après presque deux heures de préparation, tout était enfin prêt. Pour rendre l'atmosphère plus propice à la fête, j'avais disposé sur mes murs quelques guirlandes lumineuses et des décorations. Quelques objets qui apportaient à la pièce une ambiance réconfortante me rappelant des Noëls plus heureux.

Concernant mon activité du soir, tout avait été mûrement choisi. Au programme, films de Noël niais à souhait pour m'évader ne serait ce que quelques heures dans un monde parfait ou la notion de malheur n'était pas assez vendeuse pour les scénaristes.

Tout en me goinfrant d'un plat de pâte peu assaisonné, j'enchaînais les fous rires devant mon écran, toutes mes angoisses ayant disparu au fil de la soirée. Je ne regrettais absolument pas mon choix de passer cette soirée seule, parce qu'après tout, si Noël était synonyme de cadeau, prendre soin de moi était la meilleure chose que je pouvais m'offrir.

Mon film et mon repas terminé, je m'allongeais sur mon lit et songeuse, je pensais à lui. Que faisait-il à ce moment précis ? Avait-il lui aussi préparé quelque chose ? Était-il malheureux dans ce contexte particulier ?

Immédiatement peinée de l'imaginer triste, je saisis l'ordinateur posé devant moi. Professeur ou pas, dans cette situation, je ne voyais à ce moment-là qu'une personne que j'appréciais possiblement attristé. Il ne méritait pas ça, surtout le soir de Noël.

Pianotant avec rapidité sur mon clavier, je jetais sur mon mail tout ce qu'il me venait en tête.

Sur là une, il y a un film vraiment mauvais qui réunit tous les clichés qu'on a pu énumérer ensemble tout à l'heure. J'ai rarement vu un film si drôle, il rend même mon Noël plus joyeux. Si vous vous ennuyez, n'hésitez pas à regarder ce petit nanar et à me dire ce que vous en pensez. En vous souhaitant un excellent Noël !

Le mail envoyé, je priais pour que cette petite attention lui fasse décrocher ne serait-ce qu'un sourire. Un souhait qui se réalisa en vue de sa réponse.

Quelques minutes ont suffi pour me faire rire, tu as bien fait de me l'envoyer. Cela rendra ma soirée un peu plus festive. Joyeux Noël à toi aussi.

Je ne pouvais contenir mon sourire presque douloureux à la lecture de sa réponse. Nos échanges me faisaient du bien, comme si seulement quelques mots de sa part pouvaient anesthésier le moindre de mes maux. Une envie folle d'échanger avec lui me gagna, un caprice que je décidai de ne pas écouter. Je ne voulais pas le déranger, lui imposer le fardeau de ma solitude. Il m'avait répondu et ce simple geste avait rendu ma soirée inoubliable.

Le reste de mes vacances s'encra dans une routine extraordinaire. Evans vint me voir presque tous les jours, alternant les simples bonjours aux discussions de plusieurs heures. Plus les jours passaient, plus nous devions paraître, pour le reste du monde, comme de vieux amis. En plus de notre humour réciproque, cela nous arrivait également de débattre plus que de raison sur tous les sujets possibles et imaginables. Films, politiques, société, éducation, tout était prétexte à argumenter pour convaincre l'autre. Je chérissais particulièrement ces moments qui me permettaient de lui découvrir une multitude d'autres visages. Celui d'un grand orateur qui disposait d'un vocabulaire aussi pointu qu'élitiste, mais également celui d'un homme têtu qui défendait ses idées bec et ongles. Parmi tout cela, des petits défauts s'immisçaient de temps en temps au fil de nos échanges, se montrant orgueilleux ou de mauvaise foi quand la discussion n'était pas à son avantage. Je prenais même un malin plaisir à le provoquer pour voir cette lueur de défis qui traversait son regard quand le ton montait. J'avais l'impression de le voir tel qu'il était vraiment. Il n'était pas antipathique comme il se forçait à le montrer, il était juste lui.

La rentrée approchant, je redoutais la fin de nos échanges privilégiés, une habitude qui ne pourrait continuer d'exister une fois le retour à la vie normale. Une frustration anticipée quand le nombre de clients explosa du jour au lendemain. Tout était revenu de vacances et prêt à reprendre le rythme effréné de l'université.

Le dernier jour des vacances, je ne pus contenir ma joie quand je le vis, voulant profiter de toutes les secondes possibles en sa compagnie.

— Bonjour Monsieur, comment allez-vous ? Lui demandais-je guillerette en préparant son expresso habituel.

— Je vais très bien, j'espère que toi aussi.

— J'ai regardé le film que vous m'aviez conseillé hier soir, c'était incroyable. Il faut absolument qu'on en discute aujourd'hui, je veux votre théorie sur la fin.

— Élise, je suis tellement heureux de te voir.

Sortie de nulle part, une tête blonde apparut aux côtés d'Evans, m'offrant un sourire des plus radieux.

— Tu m'as tellement manqué. Comment se sont passées tes vacances ? Me demanda-t-il en me caressant l'épaule d'une main légère.

Face à tant de surprise, le rouge me monta aux joues, n'ayant pu prévoir ce geste physique.

— Salut Tom, je ne t'avais pas vu arriver. Je termine de servir ce client et j'arrive. bredouillais-je.

Le regard de nouveau posé sur Evans, je ne perdis pas un seul instant pour reprendre la seule chose qui m'intéressait, notre discussion.

— Comme je le disais, la fin m'a surprise. Qu'est-ce-que vous en avez pensé ?

— Je suis pressé, on en discutera plus tard. rétorqua-t-il sèchement en me saisissant le café des mains.

— D'accord.

Il laissa quelques pièces sur le comptoir avant de quitter le café d'un pas rapide. Interrogative vis-à-vis de son attitude, je saisis la monnaie disposée en face de moi. Au milieu des pièces trônait sa paire de lunettes qu'il avait dû oublier dans la précipitation. Les rangeant dans ma poche, je souris, ravis de ce prétexte qui me permettrait d'aller à sa rencontre une fois les cours repris.

Alors que j'encaissais l'argent de sa boisson, Tom revint vers moi une fois son tablier enfilé.

— Comment s'est passé ton Noël Elise ? J'ai essayé de t'appeler mais tu ne m'as pas donné de nouvelle.

Honteuse, je ne pouvais lui offrir qu'un rire nerveux en guise de première réponse. Trop soucieuse de ma santé mentale, j'avais éteint mon téléphone pendant toutes les vacances, trop angoissée à l'idée que ma mère me harcèle.

— Je suis vraiment désolé, j'avais envie de me reposer et d'être loin d'un peu tout. J'espère que tes vacances en famille se sont bien passées.

Ses coudes posés sur le comptoir, il passa ses doigts dans sa crinière blonde.

— Un repas classique mais plutôt sympa. Tu aurais dû accepter mon invitation, je te jure que ça ne les aurait pas dérangés que tu viennes. Ça aurait été quand même mieux que d'être seule.

— C'était très gentil de me proposer, mais les fêtes de famille ce n'est pas trop mon truc. Et puis il fallait bien quelqu'un pour tenir le café.

— J'ai beaucoup pensé à toi tu sais.

Gênée, je ne répondis pas. De nature directe, je ne pouvais dire si certaines de ses remarques étaient le fruit de sa gentillesse habituelle ou d'une drague des plus franches. Une deuxième option qui ne me réjouissait guère en vue du manque d'intérêt que je lui portais. Il était un homme probablement formidable, mais pas fait pour moi. 

Aimer pour avancer (Professeur X Élève)Where stories live. Discover now