Aimer pour avancer (Professeur X Élève)

Chapitre 4

La tête ensevelie sous ma couette, je tentais d'échapper à la lumière du jour. Le réveil était une réalité à laquelle je ne pouvais échapper, un retour au monde inévitable. Le matin était synonyme de stress et aujourd'hui, ce dernier était personnifié à l'image d'Evans. Je savais que je ne pouvais pas résoudre mes problèmes avec ma mère, mais avec lui, c'était tout autre. Si le fait qu'il me traite de fainéante me blesse alors je n'avais qu'à lui prouver qu'il se trompait. J'allais lui envoyer son fichu résumé chaque semaine et lui montrer que je n'étais pas celle qu'il croyait.

Enveloppé d'une motivation rare, je saisis mon ordinateur portable posé sur le sol pour commencer la rédaction de mon devoir. Avec le peu de vocabulaire que je possédais, je débutais tant bien que mal à résumer le film que j'avais vu hier. Ma page de texte à moitié vide, je décidai d'ajouter un commentaire personnel sur le long métrage. Son exercice n'était finalement pas si horrible que ça, se rapprochant même de l'agréable grâce au thème du cinéma. Le devoir terminé, je lui envoyai dans un mail sans même faire l'effort de le saluer au préalable. J'étais peut-être motivée à l'idée de m'améliorer, mais je n'étais toujours pas prête à lui pardonner sa remarque.

Moins d'une heure après l'envoi de mon travail, la mélodie de ma boîte de réception vint m'avertir de l'arrivée d'une réponse. Avec une compassion presque sincère, j'ouvris le mail de ce professeur qui ne semblait pas passer le plus amusant des weekends. Ce dernier comportait mon travail noyé sous les annotations rouges et vertes. Cette explosion de couleur vint me retirer un petit soupir tant mon travail semblait médiocre en vue de toutes ces remarques. Scrutant avec attention la moindre de ses remarques, mon regard finit par se poser sur un petit paragraphe de fin de page rédigé, lui, en français.

— Le commentaire personnel du film n'était pas demandé mais cela est une bonne idée. Je suis également très content de votre choix, c'est un de mes longs métrages préférés et je partage grandement votre avis personnel. Cela m'a d'ailleurs donné envie de le revoir. Bonne fin de week-end. M.EVANS.

Je dus relire encore et encore ses quelques mots tant le ton de sa note me surprit. Je ne pouvais imaginer des paroles si légères venant d'un homme aussi froid. Elles transpiraient d'humanité, une chose qui semblait pourtant lui manquer. Étrangement, il me paraissait maintenant plus sympathique.

Les semaines passèrent avec une fadeur qui m'était devenue habituelle. Malgré les messages de plus en plus insistants de ma mère, je réussissais à l'ignorer pour ne pas me laisser atteindre. Si je ne lui répondais pas, peut-être allait-elle définitivement m'oublier ?

Les cours, eux aussi, se déroulaient comme à leur habitude, et toujours avec l'objectif de changer la perception qu'il avait de moi, je continuais les exercices d'Evans. Tout était désormais millimétré, je lui envoyais mon résumé le dimanche dans la mâtinée et il me corrigeait dans l'heure. Il adorait me faire des petits commentaires sur le choix de mes films et n'hésitait d'ailleurs pas à m'en recommander certaines fois. Après des semaines d'échange, il utilisait désormais un ton plus léger et commençait même à me tutoyer. Une habitude assez déconcertante en vue de son vouvoiement systématique à l'oral.

Peu de gens dans mon entourage avaient des goûts cinématographiques comme les siens. Il semblait calé sur le sujet, si bien que je m'empresserais à chaque fois de suivre ses recommandations de films. Avec le temps, ma colère contre lui s'était grandement apaisée, ne le voyant enfin plus comme un tyran antipathique mais comme un être complexe aux plusieurs visages. Son antipathie était réservée au cours, son amabilité aux mails que nous nous envoyons et sa réserve à ses visites au café le samedi matin quand il prenait soin de ne pas venir à ma caisse. Sans qu'il le sache, il avait intégré ma routine. Une routine ennuyante mais bientôt terminée en vue de l'approche des fêtes de Noël. Même si les vacances d'hiver réjouissaient tous les élèves de l'université, le harcèlement de ma mère me rappelait qu'une réponse de ma part devrait bientôt être donnée. Sa demande de passer les fêtes de Noël avec moi pouvait sembler simple pour beaucoup, mais plus pour moi. Emma m'avait conseillé d'y aller, la famille étant apparemment plus importante que tout. Un conseil que je ne voulais pas entendre mais qui relevait du bon sens. Poser les armes et accepter cette invitation était un choix judicieux pour calmer les tensions et peut-être espérer la paix. Un choix extrêmement douloureux mais qui semblait avoir enfin trouvé une réponse.