Chapitre 4

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— Ça a l'air mal fréquenté quand même, avoue Louis en appuyant ses coudes sur la table, tout à l'heure y'avait un mec d'environ cinquante ans complètement bourré qui entrait dans l'immeuble. Il avait un sweat rouge et un jogging noir. Tu connais peut-être Alexis, ça fait longtemps que tu habites ici, non ?

La chose que je meurs d'envie de faire actuellement, c'est de disparaître. Je jette un coup d'œil à Caleb qui fronce les sourcils. Et je devine, à mon plus grand regret, qu'il est en train de faire le lien entre mon père et « le mec d'environ cinquante ans complètement bourré ».

— Ce n'est pas... fin... oh... finit-il par dire en comprenant sa boulette.

Il me lance un regard désolé.

Je souffle.

— Ouais, confirmé-je, si.

Je sens Connor s'impatienter en face de moi. Il craque rapidement et demande subitement :

— On peut savoir ce qu'il se passe ou on va rester dans l'incompréhension encore longtemps ?

Je rigole nerveusement en passant ma main sur mon visage. Je hais ne pas avoir le contrôle sur quelque chose. Et là je ne l'ai pas, je me retrouve donc contrainte de leur dire.

— C'est mon père.

Un temps passe, pendant lequel tout le monde semble réfléchir à ce que je viens d'avouer.

— Qui ? Caleb ? Impossible, dit Jeffrey.

J'explose de rire même si la suite ne me fera pas rire du tout. Je reprends mon calme et dis :

— Non, le mec bourré.

Mon aveu laisse un blanc dans la pièce.

Silence radio. Visiblement ils ne s'y attendaient pas. En voyant leurs têtes décomposées, je m'empresse de rajouter, histoire les rassurer comme je peux et pour tenter de minimiser les faits :

— Mais il n'est pas comme ça tout le temps, hein.

Bien évidemment c'est complètement faux. Il est comme ça tout le temps, mais ce n'est pas la peine de le préciser. C'est un détail que je compte bien garder pour moi.

— Ah, finit par dire Louis, la boulette.

— Grosse boulette même, renchérit Jeffrey.

Effectivement.

Le silence se prolonge jusqu'à que Connor rigole et dise :

— Et ta mère, elle est comment ? Elle parle trop ou elle est alcoolique ?

Sous le choc de ses paroles, j'ouvre la bouche pour répliquer mais aucun mot n'en sort tant ce qu'il vient de me dire me prend par surprise. Mes yeux s'écarquillent.

Ce gars a un culot impressionnant, je lui ferais bien ravaler ses réflexions de merde.

Pourtant je sais très bien qu'il a remarqué que ce sujet ne m'enchantait pas. Alors pourquoi il continue d'aborder le sujet ? S'il cherche à me mettre mal à l'aise ou à me pousser dans mes retranchements, je suis au regret de dire qu'il y arrive très bien.

— Mec, t'es sérieux là ? s'offusque Caleb. T'es pas bien ou quoi ?

Visiblement lui aussi semble étonné par la réflexion plus que déplacée de son ami.

— Ça va, je rigolais, répond l'intéressé, puis en se tournant vers moi : elle doit être cool ta mère pour vous supporter, nan ?

Mon sang se glace et je suis prise d'une soudaine envie de coller ma main contre sa joue.

Ne pas entrer dans son jeu. Ne pas entrer dans son jeu. Ne pas entrer dans son jeu.

Je regarde Connor.

— Je dois y aller, j'ai dit à mon père l'alcoolique de service que je ne serai pas longue, lui dis-je sarcastiquement.

Ne pas entrer dans son quoi, déjà ?

Je me lève, écœurée par le comportement de Connor. Je me dirige vers la sortie quand j'entends un des gars qui s'exclame :

— Putain mec, mais t'es con ou quoi ? Pourquoi tu lui dis ça, bordel ?

Une chaise grince et Louis apparaît à côté de moi pour me rattraper. Il se gratte la nuque et finit par dire, gêné :

— Je suis désolé pour ça. Il n'est pas comme ça d'habitude. Je ne sais pas ce qui lui prend. Il est allé trop loin.

Ça, c'est le moins qu'on puisse dire.

— Ce n'est pas grave, t'inquiète pas.

Enfin si un peu quand même.

Il me sourit puis m'accompagne jusqu'à la porte. Je sors et me tourne vers lui :

— C'est vrai que je parle beaucoup ?

Il rigole puis dit :

— Un peu, mais Connor est le seul à trouver que c'est un défaut, va savoir pourquoi.

Mon visage s'illumine et je lui souris de toutes mes dents.

— C'est juste que j'adore parler. C'est vrai que je ne me rends pas compte parfois, mais mon père n'est pas bavard du tout donc bon.

— Et ta mère ? demande-t-il.

Je me raidis un instant mais me rappelle que son intention n'est pas de me mettre mal à l'aise, pas comme une personne prénommée Connor.

— Elle est partie y'a un an.

Il me regarde, surpris, puis finalement lâche, un peu gêné :

— D'accord, bon, bah si jamais tu veux parler, je suis là hein.

— Merci.

Il me fait un clin d'œil et je rentre chez moi. Mon père m'attend de pied ferme sur le canapé. À peine ai-je fait un pas dans le séjour qu'il se rue vers moi pour m'assener une gifle. Gifle très puissante puisque je tombe au sol, sous le choc face à son geste.

Je n'avais pas prévu d'être accueillie de cette façon. Mais je n'ai visiblement pas mon mot à dire pour ce genre de chose.

— QUAND JE TE DIS DE NE PAS ALLER CHEZ QUELQU'UN, TU N'Y VAS PAS, C'EST COMPRIS ?

Je hoche et baisse rapidement la tête, en comprenant que lui répondre ne m'apporterait que des problèmes en plus. Il finit par s'en aller pour s'enfermer à double tour dans sa chambre et de mettre la musique à fond. Comme un ado en pleine crise, sauf qu'il en a quarante-huit.

Le comportement de mon père me dépasse complètement. Je ne le comprends et le comprendrai sûrement jamais.

Je me fais à manger et vais dîner dans ma chambre. Je mets mes écouteurs et écoute Black Out Days de Phantogram. Je ferme les yeux et quelques larmes solitaires dévalent lentement mes joues. Comment en suis-je arrivée là ? Il y a encore un an je vivais dans une famille pleine d'amour, et jamais je n'aurais pu imaginer que mon père finirait par lever la main sur moi. Les gens changent visiblement.

J'allume mon téléphone et la date d'aujourd'hui m'interpelle. 4 juin.

Dans un mois pile ça fera un an que ma mère est décédée. Et ça sera également mon anniversaire, je sais, ça craint. Elle est morte ce jour-là.

La poisse.

Je repose mon assiette et m'allongesous ma couette, la musique résonnant toujours dans mes oreilles. Je finis parm'endormir malgré le son qui provient de la chambre de mon père.

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