Chapitre VI - Aïmar

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Village des Hautes-Forges,

Contrée Libre

Du bruit provenait du rez-de-chaussée de l'auberge. Armand se réveilla brusquement. Qui pouvait bien faire un boucan pareil en plein centre-ville et au beau milieu de la nuit ? Encore vêtu de sa chemise de nuit, il risqua un œil à travers la fenêtre de la chambre. Personne. Il s'éloigna et colla son oreille à la porte en bois de la chambre. Des pas, de l'agitation, des ordres clamés au rez-de-chaussée. Des hommes qui étaient à leur recherche. Des soldats du nouveau Conclave, pas de doute là-dessus. Son cœur tambourinait dans sa poitrine avec un sentiment mélangeant peur et adrénaline.

La porte dérobée sur le mur opposé d'où il se trouvait s'ouvrit sans un bruit. Haldrich apparut et posa immédiatement un doigt sur ses lèvres pour lui interdire de parler.

— Il faut partir, chuchota l'homme. Habillez-vous rapidement et venez.

Il lui donna des vêtements, bien moins luxueux que ceux auxquels Armand était habitué. Mais ce dernier s'en fichait. Il obéit à son précepteur, qui n'était définitivement plus un simple professeur à ses yeux, et se débarrassa de ses vêtements de nuit avant d'enfiler un vieux tee-shirt délavé et troué par les mites, un pantalon avec de nombreuses retouches de couture et des chaussures en toile un peu trop larges pour lui. Il y avait aussi une vieille et longue veste à capuche noire. Une fois habillé, il s'observa dans le reflet de la fenêtre de la chambre. Il ressemblait à un fils d'ouvrier ordinaire.

— Nous allons passer par l'extérieur, expliqua Haldrich en rassemblant leurs maigres affaires. Il faut nous éloigner de cette bâtisse et gagner le port au plus vite. Passons par la fenêtre. Vous vous souvenez de vos leçons d'escalade, non ?

Haldrich aussi était vêtu pauvrement. Il ouvrit la fenêtre de la salle-de-bain, y passa une corde et glissa le long pour atterrir dans une ruelle sombre et étroite. Non sans mal, Armand le suivit et fut réceptionné avant de heurter les pavés mouillés. Puis tous deux coururent jusqu'à une petite porte sous un porche sombre. Elle menait aux égouts de la ville.

La puanteur atroce de l'endroit saisit la gorge du garçon qui fit tout son possible pour se retenir de tousser. Ils descendirent ainsi jusqu'au port, où les égouts se déversaient dans la mer. Les larmes aux yeux, Armand respira de nouveau. Les vents marins rendaient l'air encore plus frais que d'habitude et le firent frissonner. Il n'aurait pas refusé un manteau plus épais.

— Évitez tout contact avec les gens, reprit Haldrich. Il vaut mieux fermer les yeux et...

— Et prétendre que je suis aveugle, termina Armand. Je sais.

Armand tira sa capuche sur sa chevelure brune et ils sortirent ensemble des égouts en longeant rapidement les docks.

— Quelqu'un nous a dénoncés. Nous ne pouvons plus rester ici à attendre sagement que les autres nous rejoignent. Un bateau allié nous attend aux quais. Nous partons dès maintenant pour Lanval, au sud.

Son sang ne fit qu'un tour.

— Déjà ? Pourquoi partons-nous sans eux, Haldrich ? Où est ma mère ?

Haldrich s'arrêta une seconde pour le regarder.

— Je n'en sais rien, Armand. Je n'ai aucune nouvelle, ni d'elle ni des autres. Il faut partir. Toute la ville nous cherche. Quittons Brinadean au plus vite.

Jamais Armand n'avait vu cet homme inquiet comme il l'était à cet instant.

Ils croisèrent quelques passants, la plupart trop souls pour les remarquer. Pour les autres, Armand se glissa dans l'ombre d'Haldrich, bien plus grand que lui, pour se camoufler.

Lumarave I [Fantasy]Where stories live. Discover now