Lumarave I [Fantasy]

Chapitre VIII - Joon

Être enfermé à longueur de journée ne seyait guère aux deux eledarses. Surtout pour Saraeh. Contrairement à Joon, elle avait vécu au grand air, elle, en passant ses journées à vagabonder partout sur la cité volante.

Fenril avait proposé de leur apporter quelques divertissements, de quoi passer le temps sans risquer de mourir d'ennui. Rat de bibliothèque qu'il était, Joon avait réclamé des ouvrages auprès du vieillard, qui fut enchanté de le savoir lecteur si passionné. Intrigué par le lieu dans lequel ses compagnons et lui avaient atterris, il avait demandé en particulier de quoi alimenter sa curiosité. Fenril lui avait carrément sorti d'anciennes archives contant l'histoire des Hautes-Forges. Il mettait également beaucoup d'entrain à répondre au nombre toujours plus conséquent de questions du jeune homme. Joon était certes curieux et rêveur, mais surtout ambitieux ; en s'intéressant au monde où il avait atterri, une part de son cœur espérait gagner sa place sur celui-ci et ainsi échapper au triste sort qui lui était réservé.

Une place dans cette contrée, peut-être... ?

Saraeh, elle, n'était pas une grande passionnée des caractères écrits. Elle était plutôt manuelle, assez débrouillarde de ses mains même si elle n'avait pas eu l'occasion de bricoler grand-chose sur la cité. Après un moment passé à chercher ce qu'il pouvait lui proposer, Fenril lui dénicha de vieux casse-têtes mécaniques qu'un ancien maître-orfèvre des Ateliers lui avait offert un jour, dans sa jeunesse passée. Déçue au départ, les objets étaient finalement parvenus à susciter l'intérêt de la jeune femme. Elle défaisait, remontait, fascinée par la géométrie des minuscules pièces, essayait des combinaisons différentes pendant des heures. Parfois, elle les abandonnait pour s'allonger sur sa paillasse et fermer ses yeux fatigués un instant. Dans ces moments-là, Joon tentait de faire abstraction des légers sanglots qu'elle laissait échapper. Mais bien vite, elle se reprenait. Elle se redressait alors, essuyait son visage et replongeait dans ses casse-têtes, encore plus déterminée à comprendre et à en venir à bout. Comme si elle aussi jouait sa vie en résolvant ces mécanismes.

***

Il ne devait être pas loin de midi à en juger les rayons perçants du soleil qui filtraient à travers les petites meurtrières de la forteresse et illuminaient le couloir. Les torches en étaient presque inutiles. Joon lisait, appuyé contre la grille de sa cellule pour profiter au maximum de la lumière naturelle. L'histoire de cette région, des premières pierres précieuses trouvées dans les mines au récent traité de paix établi avec le reste du monde, en passant par la construction des Ateliers et des richesses artisanales produites, le fascinait. Tout était si différent de là-haut. Tout respirait l'indépendance, la liberté qu'il avait tant désirée.

Il entendit Saraeh soupirer longuement et leva les yeux vers elle. C'était rare de l'entendre ces derniers jours alors il se fichait pas mal d'interrompre sa lecture pour elle, qui pose précautionneusement un des casse-têtes à ses pieds pour ne pas l'abîmer.

— Tu t'en sors bien, encouragea Joon. Ne baisse pas les bras.

— Ce n'est pas ce que je compte faire. J'ai seulement besoin d'y réfléchir un peu avant de reprendre.

Elle reposa également la petite clé métallique qui l'aidait à défaire certains nœuds.

— Je n'aurais jamais cru que tu t'y intéresserais autant, avoua Joon.

Saraeh sourit timidement. Assise, appuyé contre le mur de pierre, elle rejeta la tête en arrière en fourrageant dans ses longs cheveux. Elle avait défait sa tresse à la mort de Husha.

— J'aime bien ce genre de bricolage, dit-elle pensive. C'est loin des trucs idiots et inintéressants auxquels j'avais le droit de toucher sur la cité. J'aurais voulu pouvoir toucher à... Tu vois ce que faisait Ransyl ? Je suis quasiment certaine que ça ne m'aurait pas déplu de pouvoir faire la même chose. De me salir un peu les mains au lieu de les laisser inactives comme je le faisais trop souvent.