Chapitre XVI - Joon

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Village des Hautes-Forges,

Contrée Libre

Le visage éclairé d'une douce lueur matinale, Joon émergeait peu à peu de son sommeil, le plus calme qu'il ait eu depuis l'attaque de la cité volante. Peut-être même depuis de nombreuses années. Observant le plafond au-dessus de lui, les mains derrière la tête, il repensait à ses sombres réveils, lorsque sa mère venait déverrouiller la porte de sa chambre et le bousculait sans tendresse de son lit pour l'obliger à la suivre toute la journée. Une journée enfermé à l'intérieur de leurs murs, à passer son temps à faire bonne figure. A ignorer les jugements des autres eledarses. A serrer les poings pour ne pas fondre en larmes ou hurler.

Plusieurs fois, Joon avait voulu se révolter, mais qu'aurait-il pu faire face aux puissants pouvoirs de sa mère et des autres gouverneurs... Un jour, lorsque son état dépressif avait atteint son plus bas niveau, Joon avait essayé de se donner la mort. Hélas, ou heureusement en fait, l'étroite surveillance dans laquelle il avait été placé ne lui avait jamais laissé le temps d'aller jusqu'au bout.

Mais surtout, Joon avait tenté de s'échapper de la cité...

Le courage lui avait manqué, parfois. Pour d'autres, c'est la trahison qui l'en avait empêché. Joon avait accordé sa confiance aux mauvaises personnes. Et l'amour... Ah, l'amour ! Comment avait-il pu s'oublier à ce point pour quelqu'un qui avait fini par le rejeter aussi facilement, se moquant éperdument de toutes les conséquences que leur amourette révélée lui avait infligées...

Joon entendait des bruits depuis le rez-de-chaussée depuis un moment, mais n'avait voulu couper son court instant de bonheur, allongé de ce lit. Il voulait sentir la chaleur du soleil s'infiltrant dans cette pièce si paisible lui caresser la peau comme jamais il ne l'avait senti. Il finit cependant par se lever, de peur de passer pour un fainéant trainard auprès de son hôte.

Il refit le lit précautionneusement et revêtit les mêmes vêtements que la veille, n'osant pas déjà piocher dans les affaires d'Aïmar. En ouvrant la fenêtre pour aérer et respirer l'air pur, il se retrouva face à deux petits volatiles au col rougeâtre, perchés sur la rambarde du balcon. Ceux-ci le fixaient en sifflotant et sautillaient joyeusement sur place. Jamais il n'en avait vu de pareil. Des oiseaux, il ne connaissait que les quelques illustrations de volatiles qui jadis se posaient autrefois sur les cités volantes pour se reposer les ailes. Les décennies les avaient peu à peu fait disparaitre, notamment à cause de la guerre mais aussi du progrès, qui détruisait bien plus que ce qu'on pouvait penser en réalité.

D'un pas hésitant, Joon descendit les escaliers. Aïmar était agenouillé devant le fourneau et remuait les braises, seulement vêtu d'un pantalon large, une serviette autour du cou pour récupérer les fines gouttelettes d'eau perlant de ses cheveux mouillés déjà en bataille. Surpris, le jeune homme leva les yeux vers Joon.

— Bonjour, dit Aïmar en se redressant, un large sourire aux lèvres. Bien dormi ?

— Bonjour, bredouilla Joon, soudainement mal à l'aise. Je... Oui, ça va. En fait, je crois que ça faisait longtemps que je n'avais pas aussi bien dormi.

Aïmar sourit de plus bel et prit un verre dans un placard pour le remplir d'eau fraiche. Il le lui tendit.

— Tu n'es pas obligé de te lever si tôt. La journée ne commence pas avant au moins deux heures.

— Je... D'accord, mais... Enfin, je t'ai entendu t'activer. Alors... bah, j'ai pensé t'aider.

Joon vida son verre d'une traite. Il hésita à en demander un deuxième.

— J'ai fait chauffer de l'eau, reprit Aïmar en indiquant la bouilloire sur le fourneau. Tu peux aller à la salle de bain si tu le souhaites. Tu trouveras tout ce qu'il faut dans l'étagère près de la porte.

Lumarave I [Fantasy]Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt