Chapitre XXVIII - Aïmar

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Fort militaire de Miewart,

Contrée Libre

Le couloir des dortoirs des invités était désert. Aïmar le traversa prudemment, inséra la clé dans le trou de serrure de l'appartement et fit signe à Joon de le rejoindre. Il referma ensuite la porte à double tour une fois à l'intérieur. Enfin ils pouvaient respirer, contents d'avoir un peu de répits pour quelques instants.

Joon enleva ses chaussures sales et sortit de sa besace une autre paire propre et neuve. Dans un triste état, il s'approcha du feu de la cheminée et tendit ses mains pour les réchauffer. Il devait être frigorifié, à avoir attendu dans les sous-sols pendant si longtemps. Pourtant, il ne se plaignait pas. Il semblait calme ce soir, et même apaisé.

Aïmar était loin de l'être, lui, les paroles avec ce mystérieux Enjiha résonnant encore dans son crâne. Qu'est-ce qui l'avait trahi pour que cet homme découvre qui il était vraiment ? Comment être sûr qu'il ne révélerait rien ? Qu'il était... un allié ?

— Euh, alors ? Est-ce que tu as une tenue de rechange pour moi ?

Aïmar revint à leur mission en voyant les pommettes rougissantes de son ami, lui qui attendait sagement dans ses vêtements crasseux. Honteux de le laisser ainsi, il se rua sur la malle de voyage de Talence Forgen, apportée par les impériaux dans l'après-midi, et en tira un costume, moins cérémonieux que celui qu'il portait mais qui suffirait amplement pour se fondre dans la masse des invités de la noblesse si besoin.

— Tiens, dit-il en lui tendant la trouvaille. Elle fera l'affaire.

Joon prit les habits et partit en direction de la salle de bain. Aïmar lui avait proposé en remontant jusqu'à la chambre de s'y attarder, après son escapade dans les égouts.

— Comment faut-il t'appeler ce soir, déjà ? demanda Joon de derrière la porte close.

— Talence Forgen. C'est le dernier né de l'ambassadeur d'Axminster, à Brinadean. Mais on ne devrait pas croiser qui que ce soit. Tous sont bien trop accaparés par la fête. Et le buffet.

— Ne me parle pas de nourriture, gémit Joon. Je meurs de faim.

— Etrange pour quelqu'un qui a fait un tour dans l'un des pires endroits du monde, ironisa son ami, qui s'avachit sur le lit en croisant les bras derrière sa tête.

— Il faut croire que j'ai repris du poil de la bête depuis.

Agréable nouvelle alors que Joon s'était effondré dans ses bras, tremblant de tous ses membres et pleurant sans pouvoir s'arrêter, à peine dix minutes plus tôt.

Un robinet d'eau s'ouvrit.

— As-tu trouvé ce que nous cherchons ? interrogea Joon.

Il était prudent et ne disait pas à voix haute leurs intentions. Ce n'était jamais bon de les révéler en terrain ennemi, même lorsqu'on se croyait en sécurité.

— Je crois, répondit Aïmar. En faisant un tour dans les prisons, j'ai ressenti quelque chose qui me pousse à croire qu'il s'agissait d'eux.

— Tu as « ressenti » quelque chose ? insista Joon d'un ton perplexe.

Aïe, la question qu'il ne fallait pas lui poser.

— Un instinct, rectifia Aïmar.

— Un ressenti ou un instinct ?

— Tu joues sur les mots...

Joon souhaitait rester parmi eux, dans la Contrée Libre, alors peut-être qu'un jour il pourrait lui révéler la vérité. Mais pas aujourd'hui. Non pas qu'Aïmar n'avait pas confiance en lui. Ce n'était tout simplement pas le bon moment.

Lumarave I [Fantasy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant