Chapitre XVII - Noël

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Village des Hautes-Forges,

Contrée Libre

Le rédacteur en chef de la Dépêche, revenu depuis peu aux Hautes-Forges, était d'humeur massacrante. Comme à chaque fois qu'il partait, Morgan avait espéré rester davantage de temps à Miewart, voire retourner à Brinadean chez lui. A la place, et comme toujours, ses supérieurs impériaux l'avaient renvoyé aux Hautes-Forges, une fois sa mission de rapporteur de faits terminée.

Depuis que Noël savait pour Pierrot, le jeune homme ne supportait plus du tout son patron et résistait à tout moment et de toutes ses forces à l'envie de lui coller son poing dans les dents. Seul assis face à son bureau, il relisait une dernière fois le journal du jour avant qu'il ne parte à l'imprimerie. C'était une de ses tâches habituelles, celle qui l'exaspérait au plus haut point. Il agissait comme si les évènements des derniers jours n'avaient jamais existé alors qu'en réalité il ne cessait d'y songer. Pour la première fois, la solitude de son travail, qu'il avait pourtant toujours appréciée car elle lui permettait de mieux réfléchir et travailler, lui pesait. La relecture des papiers dans son coin l'ennuyait et il avait envie d'expédier ce travail. Il voulait être avec les autres pour ne plus être seul. Alors il se dépêchait pour vite descendre les papiers à l'imprimerie. Heureusement pour lui, ce n'était pas son tour d'imprimer les tirages aujourd'hui.

***

Le vent froid vint le faire frissonner à la sortie du bâtiment. Il ferma sa veste jusqu'au cou et plongea ses mains au fond de ses poches. Et dire que l'hiver n'était pas encore là. Il n'aimait pas cette saison de l'année. Il ne l'avait jamais aimée et ne l'aimerait sans doute jamais. Franchement, il fallait être fou pour apprécier l'obscurité quotidienne et le froid mordant. Et encore, ils ne vivaient pas dans le nord... La perspective d'aller aux Ateliers le tentait bien. Il aurait chaud là-bas, près des forges, et pourrait discuter avec son meilleur ami sans s'ennuyer.

D'un autre côté, il était curieux de voir comment se débrouillait Saraeh dans sa nouvelle fonction. Il descendit alors la rue principale du village menant aux mines, presque déserte en ce milieu d'après-midi. Seuls quelques voyageurs de passage y circulaient, allant et venant dans la poignée de boutiques pour admirer, acheter ou passer commande auprès des artisans. On était bien loin de la foule de touristes qui, autrefois, arpentait les rues à la recherche des dernières perles rares des Hautes-Forges, que celles-ci proviennent directement des mines ou qu'elles soient passées par les Ateliers avant d'être exposées.

Noël arriva rapidement à l'entrée des mines, surprenant Gabriel qui ne s'était pas attendu à le voir si tôt.

— La Dépêche m'ennuie, avoua le jeune homme à son contremaitre.

— T'es bien le petit-fils de ton grand-père, toi. Maintenant que tu connais plus exaltant, ton train-train quotidien te semble fade.

Noël ne démentit pas. Amusé, Gabriel envoya une grande tape dans le dos du garçon, qui manqua de chuter en avant. Il faudrait vraiment qu'il songe à se mettre au sport bientôt. Son manque de muscles et de forces ne lui rendait pas service, parfois.

— J'en parlerais avec Fenril, dit le maître des Hautes-Forges en grattant sa barbe grise. Je suis sûr qu'il sera ravi de t'apprendre deux trois trucs qui... disons, pourront être utiles à notre petite entreprise... Hausse pas les sourcils, tu vois très bien ce que je veux dire.

— Pourquoi est-ce que je pressens que ces trucs sont « illégaux » ?

— Parce que tu es le petit-fils de ton grand-père et donc suffisamment intelligent pour le comprendre.

Gabriel lui fit un clin d'œil avant d'être appelé par l'un des ouvriers. Il partit le rejoindre comme si de rien n'était. Perplexe, Noël secoua la tête et se dirigea à l'autre bout de la plateforme, près du chemin de fer. Il n'avait pas encore le titre d'archiviste qu'il allait déjà frôler les limites de la légalité.

Lumarave I [Fantasy]Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz