Chapitre XI - Noël

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Village des Hautes-Forges,

Contrée Libre

Silencieux depuis bien trop longtemps à son goût, Noël tapait nerveusement du pied en se rongeant les ongles. A ce rythme, il allait bientôt arriver à l'os.

Assis au comptoir de Robs avec son grand-père, il attendait depuis des heures un quelconque signe de vie d'Aïmar. Il était allé au Bastion, espérant l'y trouver, mais des villageois lui en avaient inexplicablement interdit l'accès, lui assurant que son ami n'y était pas. Se demandant s'il dormait toujours, Noël s'était ensuite rendu chez lui. Personne. Puis aux Ateliers et aux mines. Rien. Aïmar était introuvable et cela le rendait fou d'inquiétude. A ses côtés, son grand-père ne cessait à intervalles réguliers de lui dire de se calmer mais Noël n'était pas dupe. Il voyait bien que Fenril était tout aussi perturbé par cette absence que lui.

Les travailleurs étaient rentrés chez eux depuis longtemps et le village dormait à poings fermés. Seul le restaurant de Robs était encore ouvert. Le cuisinier avait terminé son service mais avait tenu à attendre Aïmar avec eux. Il fumait en jetant de temps à autre un œil à la petite horloge dressée au centre de la place.

Ils y avaient vu passer dans l'après-midi Gabriel et l'officier impérial. Gabriel avait fait l'annonce que les impériaux allaient repartir dans la nuit et que personne n'était autorisé à quitter le village jusqu'à leur départ. Puis il avait ignoré tout le monde en fonçant chez lui et n'était pas réapparu depuis. L'officier était retourné à la Dépêche et avait passé la fin de journée avec Morgan, avant de partir rejoindre les soldats de Miewart arrivés en renfort en début de soirée. Malgré leur allégeance commune, chacun des deux impériaux était bien trop orgueilleux pour apprécier l'autre. Noël parierait même sur la jalousie de Morgan à propos du succès qu'avait rencontré l'officier, lors de la prise de la cité. Nul doute que son chef tenterait de convaincre ses supérieurs d'un rôle imaginaire qu'il aurait eu dans cette affaire, juste pour espérer s'éloigner du territoire quelques temps, voire enfin rentrer chez lui définitivement. Hélas pour Morgan, l'officier impérial lui avait fait rapidement comprendre qu'il n'avait pas besoin de son aide. Morgan avait très mal pris cette réaction. Noël l'avait surpris en train d'insulter l'officier de tous les noms, une fois ce dernier parti, au détour d'un couloir de la Dépêche. Morgan l'avait remarqué et, encore plus en colère de s'être fait prendre, lui avait donné le restant de la journée pour pouvoir s'enfermer seul dans son bureau. Il n'en était sorti que pour rentrer chez lui en début de soirée.

Il n'y avait plus eu d'agitation notoire dans le village depuis.

***

Il était plus de minuit quand une détonation assourdissante retentit soudain. Le son rebondit sur les montagnes de la vallée, donnant la terrible impression qu'une bombe avait été larguée sur les Hautes-Forges. D'abord tétanisés, Noël, Fenril et Robs bondirent de leurs sièges pour découvrir avec horreur l'incendie qui commençait à se déclarer dans la forêt.

L'explosion avait réveillé les habitants, qui sortirent à toute hâte de chez eux pour voir ce qui se tramait. Certains étaient encore en chemise de nuit. Dans l'affolement général, chacun se dépêchait d'aller chercher sceaux et autres contenants pour éteindre les flammes avant qu'elles n'atteignent les productions fruitières, ou pire les abords du village. Des enfants crièrent. Une vieille femme s'évanouit, rattrapée de justesse par son mari avant que son crâne ne heurte le sol pavé.

Gabriel sortit à son tour de sa maison, les yeux écarquillés, suivi de Morgan. La bouche grande ouverte, ce dernier se précipita à sa rencontre en beuglant et exigeant des explications.

— C'était le lieu où se trouvait le vaisseau, non ? cria le rédacteur en chef. Que s'est-t-il passé ?

— J'ai l'impression que... Le vaisseau... Il a... explosé, répondit Gabriel déconcerté.

Lumarave I [Fantasy]Where stories live. Discover now