Chapitre XXVII - Joon

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Miewart,

Contrée Libre

Ils eurent bien du mal à soulever la plaque d'égout tant elle n'avait pas été déplacée depuis longtemps. Les divers caprices de la météo de ces derniers jours ne facilitaient pas la tâche, embourbant encore plus le métal dans la terre boueuse de la forêt. Ils parvinrent tout de même à y faire un appel d'air suffisamment grand pour que Joon puisse y engouffrer du vent avec ses pouvoirs et ainsi réussir à déloger la plaque par dessous.

Oonagh entra dans la galerie la première en déroulant une échelle de cordes qu'elle avait empruntée dans le souterrain. Elle alluma sa lampe une fois tous les deux à l'intérieur. L'eau des pluies boueuse et malodorante leur arriva jusqu'aux genoux. Joon sentit sa froideur s'infiltrer dans ses chaussures et retint une grimace de dégoût. Heureusement que celles qu'il porterait une fois arrivé au fort était bien au sec, à l'abri dans sa besace. Pierrot avait jugé bon d'emporter des bottines de rechange.

Ils progressèrent dans ce sous-sol de fortune, creusé dans la terre et à peine consolidé par quelques poutres par ci par là, si vieilles et abîmées par le temps et les intempéries qu'elles paraissaient sur le point de se briser en mille morceaux. Des gouttes leur tombaient dessus depuis le plafond humide. Joon frissonnait. Il aurait dû emporter un vêtement à capuche.

Ils arrivèrent devant un tunnel métallique, qui semblait traverser une épaisseur de paroi et finir de l'autre côté. Ils s'y engouffrèrent en rampant, à moitié baignés dans l'eau, et s'arrêtèrent au bout face à une grille.

— A partir de là, on entre sous la ville, précisa Oonagh avant d'ouvrir la grille à l'aide d'une petite clé.

Ils atterrirent sur un sol de pierre sec, l'eau stagnante se déversant dans le canal, aux pieds du mur. Joon avait froid maintenant que ses habits mouillés étaient en contact avec de l'air frais. Il se sentait souillé et masquait très mal son dégoût en voyant la couleur noirâtre qu'avait pris son pantalon.

— Comment en es-tu venu à connaître ce genre d'endroits ? demanda Joon.

— Je suis née et j'ai grandis dans cette ville. Mon père était architecte. Il a conçu les plans des égouts lorsque j'étais petite fille. Avec mes amis, j'y ai passé beaucoup de temps ; ces lieux étaient l'un de nos terrains de jeu préférés. On avait le droit d'y circuler à l'époque, et ce n'était pas aussi sale et dangereux que maintenant.

Quelques rats passèrent près eux, s'enfuyant dans le dédale obscur des galeries souterraines en couinant.

— Si tu viens de Miewart, qu'est-ce qui t'a amené à vivre aux Hautes-Forges ? demanda Joon, intrigué par ce changement de situation.

— Ma grand-mère était une merveilleuse orfèvre. J'ai voulu devenir comme elle, au grand dam de mon père, qui aurait voulu que je reprenne les rênes de son entreprise à sa retraite. Je suis allée aux Hautes-Forges pour y apprendre le métier mais je ne comptais pas m'y établir définitivement et pensait ouvrir une échoppe en ville ou à Aerilon. Ou même quelque part dans les Terres Sauvages ou dans les iles.

— Mais c'est ta rencontre avec Hawke qui t'a convaincu du contraire, comprit Joon.

Oonagh sourit d'un air rêveur.

— Je n'étais qu'une adolescente quand je l'ai vu pour la première fois. Il venait tout juste d'arriver en Contrée Libre et cherchait du travail aux Ateliers. Tu sais que mon père a pendant longtemps refusé qu'on se marie ? A cause de notre différence d'âge. Il exagérait. Onze ans, ce n'est pas si important lorsqu'on s'aime.

Onze ans, peut-être. Mais cinquante ? Presque un demi-siècle séparait Joon et Aïmar, tout de même.

... Pourquoi pensait-il à cela, tout à coup ?

Lumarave I [Fantasy]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora