Lumarave I [Fantasy]

Chapitre XXI - Aïmar

Sept ans plus tôt...

Porthcawl,

Royaume de Brinadean

Ils disputaient une féroce partie de cartes depuis le début de l'après-midi, à la lueur d'une bougie, cachés dans une cave humide. De temps à autre, une goutte d'eau perlait des parois rocheuses et venait s'écraser sur le sol en pierre brute, rompant temporairement le silence religieux du lieu. Ils n'étaient plus que trois à être encore dans la partie à présent : Haldrich, bien sûr, la jeune Elyn et lui.

Le Marquis de Luontard, père de cette dernière, était le dernier en date à s'être couché. Cela remontait déjà à plus de deux heures. Il était, comme le reste du groupe, attentif à la suite, encourageant silencieusement sa fille à qui il avait enseigné le jeu. Il espérait qu'elle prendrait l'avantage et finisse par gagner. Sans doute avait-elle ses chances contre Armand. Mais Haldrich était bien trop fort à ce jeu. Jusqu'ici, aucun, que ce soit noble, citoyen ou simple serviteur, n'avait réussi à le battre. Certaines rumeurs circulaient dans la capitale comme quoi l'homme aurait tout appris auprès du créateur du jeu lui-même, un vieil ermite qui vivrait dans les Monts Gelés, à la frontière nord de Brinadean. Haldrich ne l'avait jamais confirmé, trop humble et trop secret sur sa vie pour dévoiler quoi que ce soit sur elle.

Armand ne croyait pas à ces racontars de rues. Pour lui, son précepteur, ou plutôt le maître-espion qu'il était en vérité, avait forcément une faille. Que ce soit dans son jeu ou dans sa détermination, quelque chose finirait par le trahir. Mais depuis des années qu'il jouait avec lui, il n'avait jamais rien trouvé. Haldrich était parfait, en tout point.

Armand tira une carte pour la mettre dans son jeu avec les autres. Mauvaise pioche, encore une fois ! Il était fichu... En le comprenant, il ne put s'empêcher de se mordiller discrètement la lèvre inférieure.

— Masquez vos émotions, je vous l'ai déjà dit mille fois, chuchota Haldrich de son habituelle air sévère et sans lever les yeux de ses propres cartes. Là, je sais que vous venez de tirer le cinq de cœur et que votre jeu est définitivement pourri.

— Mais bon sang, comment as-tu pu..., commença Armand désemparé.

— Je vous connais par cœur. Ce n'est pas un simple jeu pour vous et vous le savez.

Armand inspira profondément, n'acceptant pas que cette simple réaction ait pu autant le trahir. Comment faisait Haldrich pour être aussi infaillible ? Même Elyn, son amie de toujours, se hissait de plus en plus à son niveau. Bientôt, elle le surpasserait, si ce n'était déjà pas le cas. Dire qu'il y avait six mois encore, elle aurait été l'une des premières à être éliminée !

Il posa une carte, sachant pertinemment qu'il ne tiendrait pas longtemps avant de se retirer de la partie. Elyn piocha à son tour, affichant toujours une expression neutre et imperturbable. Intrigué, Armand posa les yeux sur le dos du jeu de la jeune fille et s'y concentra, espérant déterminer ses futures actions. Pas très fairplay, il est vrai. Mais bon, il avait perdu de toute manière.

Cependant, Haldrich tapa du poing sur la table, faisant résonner le bois à travers la cave et arrachant un cri de surprise à une femme non loin. Elle couvrit immédiatement sa bouche de ses mains, confuse d'avoir faire du bruit alors qu'ils devaient à tout prix les limiter.

— Ne trichez pas, gronda Haldrich, se fichant pas mal de leur restriction.

— Mais je n'ai encore rien vu, se défendit Armand en détournant immédiatement les yeux de son amie.

Trop tard, elle l'avait vu faire.

— De toute façon, vous êtes fichu, même si vous voyez mes atouts, nargua-t-elle en posant une carte sur la table. Ce n'est pas grave de perdre, vous vous êtes bien battu.