Lumarave I [Fantasy]

Chapitre XXX - Joon

Fort militaire de Miewart,

Contrée Libre

Joon s'accroupit pour être à la hauteur de la prisonnière et ainsi mieux l'observer de derrière les barreaux de la prison. On la désignait par « elle », mais il était difficile de déterminer le sexe d'une Sentinelle, si tant est qu'elle en ait un. Même leur âge exact était impossible à deviner. Selon les légendes, elles seraient apparues en même temps que l'implosion de Lumarave. Le peu qu'avait appris Joon sur ces êtres mystiques, lors de ses longues journées d'études du monde sur la cité volante, n'avait jamais été prouvé véritablement, puisqu'ils ne se révélaient que rarement aux étrangers. Ce n'était que parce qu'il avait lu quelques rapports sur eux, et notamment sur leur description, que l'eledarse avait pu l'identifier.

— Une « Sentinelle » ? interrogea Aïmar d'une voix fébrile.

Une pellicule de sueur recouvrait les tempes du jeune homme. Il se baissa à son tour en tremblait légèrement. Ses yeux restaient délibérément rivés sur la Sentinelle. Son état était étrange.

— Ce sont les gardiennes des Eclats disséminés à travers le monde, expliqua Joon. Elles contrôlent leurs flux magiques en les empêchant de s'emballer et les dissipant aux quatre coins du monde. Ce sont des envoyées des dieux...

En entendant ces explications, la Sentinelle ouvrit doucement les paupières, laissant paraître ses yeux entièrement remplis de noir, tels deux puits profonds et sans fin. Ils ne brillaient quasiment plus. Son visage entier perdait des couleurs. Elle semblait exténuée, la mort planante au-dessus d'elle et menaçant à chaque seconde de l'emporter.

— Les eledarses sont-ils toujours aussi bien renseignés ? demanda-t-elle d'une voix si faible qu'elle fut presque imperceptible.

Joon déglutit. Évidemment qu'elle avait senti sa pierre de pouvoir. Par respect et pour lui prouver ses bonnes intentions, il défit les boutons du col de sa chemise pour l'écarter et ainsi découvrir quelques rayons lumineux bleutés de l'organe logé dans sa poitrine.

— Voilà des siècles que je n'en avais pas vu, dit la Sentinelle en fixant la pierre de son regard vide. Pas depuis que vous vivez sur les cités volantes.

— Nous ne vous voulons aucun mal, assura Joon une main posée sur le cœur. Comment vous êtes-vous retrouvé ici ?

La Sentinelle sourit tristement en baissant la tête.

— Je me suis fait surprendre dans mon sommeil. Des hommes sont entrés dans le sanctuaire que je protégeais. Ils l'ont détruit... Et m'ont embarqué avec eux.

Joon écarquilla les yeux. Alors les combats ne les épargnaient pas non plus, elles aussi...

— Pourquoi font-ils cela ? enragea Joon en serrant les poings.

Ce n'est qu'à cet instant que Joon remarqua les fins tuyaux transparents dans lesquels circulaient différents liquides non identifiés de couleurs différents, sortant des entraves métalliques qui lacéraient les mains de la Sentinelle et reliés à des perfusions, accrochées sur le mur adjacent de la cellule.

— Ces monstres sont en train de vous torturer ! se révolta l'eledarse en secouant les barreaux de la prison.

— Ils affaiblissent mes pouvoirs... C'est ce que veut le commandant impérial de ces lieux : me rendre docile telle une marionnette pour le servir. Je l'ai entendu dire qu'il voulait me vendre au plus offrant des impériaux. Et cette maudite drogue commence à faire son effet. Je n'ai plus l'esprit aussi clair que ce matin, lorsque je suis arrivée ici. Je me sens... fatiguée...

Joon sentit la colère le gagner peu à peu. Il fallait la libérer. Ils ne pouvaient pas la laisser ici.

— Et toi, qui es-tu ? demanda la Sentinelle.