Chapitre XXIX - Lysandre

10 2 0
                                    

Forêt de Miewart,

Contrée Libre

Lysandre s'étirait à l'écart de la caverne où était rassemblé le groupe. Il avait pris l'habitude de le faire chaque jour pour dénouer ses muscles tendus par l'énergie accumulée. Parfois, il en profitait aussi pour méditer. C'était sa mère qui lui avait appris à le faire lorsqu'il se sentait sur le point d'exploser. Il calmait ainsi son hyperactivité de naissance. Ça lui faisait du bien. Ça lui permettait de réfléchir encore mieux que d'ordinaire. Il était intelligent, bien plus que la moyenne, et ce n'était pas pour rien que Pierrot lui confiait la tête des missions qu'il entreprenait malgré sa jeune expérience sur le terrain.

A sa retraite, son père n'avait pas hésité une seule seconde à lui léguer ses responsabilités. Lysandre était le plus jeune mécanicien en chef que la vallée des Hautes-Forges ait connu. Mais, au fond, s'il n'avait pas baigné dans l'amour de la mécanique et des chemins de fer de son paternel, il aurait probablement poursuivi une carrière d'archiviste, comme Noël. Peut-être même aurait-il rapidement monté dans les échelons et serait déjà maître à l'heure qu'il est. Mais le destin en avait décidé autrement.

Lysandre croyait beaucoup au destin. Lorsqu'une situation se présentait à lui sans qu'il ne l'ait anticipé, il s'efforçait de l'accueillir à bras ouverts. Comme le lui avait enseigné sa mère, l'inattendu était toujours une porte vers un chemin meilleur. Cependant, encore aujourd'hui, il ignorait si suivre celui de la mécanique avait été davantage bénéfique pour lui que la voie des arts écrits. Sans les chemins de fer, il aurait de sûr quitté la Contrée Libre depuis longtemps pour s'installer en ville, où il serait entré dans une académie de lettres pour étudier. Une fois diplômé, il serait parti chercher du travail. Ce n'étaient pas les postes d'archivistes qui manquaient de nos jours. Avec l'évolution des technologies, il devenait indispensable de conserver des traces écrites. Il aurait trouvé une place dans une bibliothèque, une usine ou bien un sanctuaire. Il aurait peut-être même parcouru le monde entier, un registre vierge dans une main et une plume dans l'autre, pour consigner l'histoire des continents et de leurs peuples.

Mais, avec une telle vie mouvementée, il n'aurait probablement jamais remis les pieds sur sa terre natale. Il n'aurait plus revu sa famille, si chère à ses yeux. Et il n'aurait pas rencontré ses fidèles amis. Ses amis qui sont restés là, même lorsque Feon a perdu la vie. Ses amis qui n'ont espéré qu'une chose : le retrouver. Pendant un an, il s'en était voulu. Lui qui avait pris à cœur, trop pris à cœur, la mort de leur ami, il n'avait pas réalisé qu'il avait autant fait mal à Noël et Aïmar. Il avait pensé que s'éloigner d'eux les protégerait mais n'avait fait que les briser un peu plus.

Et puis, ils s'étaient enfin retrouvés. Pour rien au monde Lysandre ne voudrait renoncer à cela. Même pour une académie de lettres. Même pour un tour du monde. Finalement, le destin avait une fois de plus été bon à suivre. Pour rien au monde il ne regrettait sa vie actuelle.

Et puis bon, même s'il ne se l'avouerait jamais, il aimait la mécanique.

Lysandre respirait calmement, profondément. Comme sa mère le lui avait appris : une inspiration en un temps, une expiration en trois. Et ainsi de suite jusqu'à se détendre complètement. La nuit promettait d'être longue et difficile. En plus, cela faisait un moment qu'il n'avait pas participé à une telle organisation. Alors il devait ralentir son rythme cardiaque. Il ferma les yeux quelques instants, éveillant davantage ses sens à son environnement. Il aurait aimé avoir plus de temps pour se préparer mais il n'y en avait pas. La nuit suivait son cours ; il fallait y aller.

***

Lysandre retourna dans le souterrain auprès de Pierrot et des hommes et femmes qui allaient l'accompagner. Ils n'attendaient plus que lui.

Lumarave I [Fantasy]Where stories live. Discover now