Chapitre 6 Lokkju

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Duncan


A aucun moment de ma vie sur Terre, je n'avais autant bu et mangé. J'étais repu, mais je constatais que certains convives avaient toujours autant d'appétit. Odin lui-même avait mangé pour six, voire plus. Cet homme, enfin plutôt ce dieu, était incroyable. Tout au long du banquet, il se montra d'une extrême amabilité et bienveillance à mon égard, faisant preuve de toutes les attentions pour que je me sente à l'aise. En sa présence, l'idée d'être en face d'un dirigeant s'effaçait, laissant place à la sensation d'être aux côtés d'un frère d'armes.

J'éprouvais quelques difficultés à établir une interaction avec Sieglinde. Je percevais chez elle une certaine appréhension, peut-être liée à la nouveauté de son rôle ou à la pression qui l'accompagnait. Cependant, je voyais également en elle le désir sincère de faire de son mieux pour remplir sa fonction de commandante. Au lieu de me sentir gêné par la distance qu'elle tentait de maintenir, je préférais interpréter cela comme une démarche nécessaire pour asseoir son autorité. À certains moments, je percevais ses hésitations ; le rôle de commandant était visiblement nouveau pour elle. Malgré cela, je souhaitais lui faire comprendre qu'elle pouvait compter sur mon soutien. Fort de mon expérience en matière de commandement, j'étais prêt à partager mes connaissances pour l'aider à s'améliorer.

La fin du banquet sonnât et chacun regagna peu à peu ses quartier, souhaitant une bonne nuit à Sieglinde, avant de retourner dans ma propre chambre je pris un moment pour souffler et profiter un peu d'une solitude apaisante, je me perdit dans l'océan d'étoile qui s'étalait devant moi émerveiller par ces astres.

- Alors pas mal ce banquet? dit une voix.


En me tournant vers la gauche, j'aperçus un homme assis en tailleur sur le rebord de la muraille. Sa silhouette ne correspondait pas à celle robuste et imposante habituellement observée chez les Einherjar, laissant planer le doute quant à son statut de simple serviteur du palais. Bien qu'il soit musclé, son corps semblait plutôt sec et mince. Une cascade de cheveux noirs dévalait le long de ses épaules, tandis qu'un tic corporel agaçant le poussait à triturer régulièrement sa barbichette.

La présence de cet individu singulier me surprit quelque peu, car à aucun moment il n'avait trahi sa présence. S'il avait eu l'intention de me nuire, il aurait pu le faire sans la moindre difficulté

-Ah, pas mal du tout ! Mon corps est habitué aux entraînements quotidiens, mais quant à mon estomac, je crains qu'il ne se rebelle plus vite que mes adversaires sur le terrain !

- Duncan MacReady votre nouvelle vie vous convient? c'est pas trop dur d'avoir troquer une vie de famille contre une vie de guerre perpétuel?

-Pardon?

- Je rapporte juste les chose que j'ai entendu sur vous, en général c'est un immense honneur pour les autres de servir le vieux, mais vous, vous êtes du genre nostalgique et pleurnicheur.

Je contenais mes émotions, refusant de dévoiler mes faiblesses face à cet inconnu. Bien que troublé, je ne pensais pas que Sieglinde soit du genre à répandre des rumeurs, mais je réalisai que mes perceptions pouvaient être erronées et que je devais agir avec prudence. Face à cet individu mystérieux, je choisis de ne pas répondre à sa question. Devant mon mutisme, il esquissa un sourire, instaurant un silence entre nous.

Nous demeurâmes tous deux silencieux, mais il réitéra son approche.

- Vous vous en doutez, je ne suis pas un Einheri, je suis un humble conseiller auprès d'Odin et des dieux.

- Les dieux ont besoin de conseils ? rétorquai-je, un brin surpris.

- Évidemment, ils portent le nom de dieux, mais ils sont pareils à des humains avec leur qualité mais aussi leur défauts... J'ai un esprit vif, et mes conseils peu orthodoxes ont souvent aidé le vieux, même s'il ne le reconnaîtra pas ouvertement.

- Il me semble que vous ne m'avez pas dit votre nom. Puis-je le connaître ? demandai-je avec une pointe de méfiance.

- Vous pouvez m'appeler Lokkju. Puis-je vous prodiguer un conseil ? Vous êtes encore nouveau ici, donc on ne vous a pas encore totalement endoctriné. Mais méfiez-vous des dieux, des Valkyries, enfin de tout ce qui est lié au Valhalla.

- Pourquoi me dites-vous ça ? Vous servez les dieux, non ?

- Certes, j'ai une dette envers eux, j'ai des principes, donc je m'y plie. Cela ne m'empêche pas d'être amer... Odin envoie de simples humains à la mort, ne trouvez-vous pas ça étrange ?

- Il ne peut pas être partout. Sieglinde m'a dit qu'il y a de nombreux ennemis, et à lui seul, il ne pourrait...

- Sieglinde est sa fille. Vous croyez qu'elle est objective ? Odin a une force que vous ne pouvez qu'à peine imaginer. S'il le voulait, il pourrait en finir définitivement avec les Jötnar, mais il les laisse proliférer et continuer leurs méfaits...

Lokkju passa un long moment à me décrire les dieux sous un jour peu flatteur. Je n'avais aucune idée de l'objectif derrière ses paroles, mais sa rancœur envers eux était palpable. Malgré certaines déclarations qui suscitaient la réflexion, je me réservais le droit de ne pas accepter ses dires sans preuves tangibles. Son débit incessant de paroles, ponctué de commentaires mesquins et blessants, finit par m'ennuyer profondément. Prétextant la fatigue, l'alcool et l'entraînement du lendemain, je décidai de le couper, mettant fin à cette rencontre éprouvante.

Il me fit un geste de salut de la main, arborant un sourire mesquin en coin. Malgré son attitude provocatrice, je ne voulais pas lui permettre de gâcher ma journée. Je choisis de ne pas tenir compte de son comportement et me dirigeai vers ma chambre. Mon pas était décidé, mais je ne pouvais m'empêcher de ressentir une pointe d'irritation face à l'attitude taquine de Lokkju.

De retour dans ma chambre, l'écho des paroles de Lokkju résonnait dans ma tête. Le mystère qui entourait ce personnage était aussi dense que l'obscurité de la nuit. Notamment, la révélation qu'il était au courant de ma vie personnelle, de ma femme et de mon enfant, suscitait en moi un mélange de frustration et de colère. Je me demandais comment il avait obtenu ces informations. Une part de moi en voulait à Sieglinde pour son manque de discrétion. Son désir de maintenir une distance pour préserver son autorité semblait avoir réussi. À ce stade, je décidai de reconsidérer ma relation avec elle. Si elle voulait de la distance, elle en aurait. Je choisirais de ne plus lui offrir mon aide, me contentant du strict minimum dans nos interactions.

Les amants du ValhallaWhere stories live. Discover now