Chapitre 14 au coeur des ténèbres

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SIEGLINDE


Une douleur lancinante me fit relever avec un léger sursaut. Il faisait sombre, et le peu de lueur qui parvenait en bas de cette crevasse me permit de distinguer péniblement Duncan. J'étais sur lui, l'un de ses bras me tenait encore un peu en dessous des hanches. Je n'avais pas le moindre souvenir de ce qui avait bien pu se passer. Lui comme moi étions ici, à plusieurs centaines de mètres de la surface. Nous avions dû chuter lors de la confrontation avec ces Jötnar.

Me relevant péniblement, mes jambes peinaient à soutenir mon poids. Une douleur lancinante enveloppait tout mon abdomen, tandis que le côté droit de mon crâne émettait des pulsations douloureuses. En passant ma main sur ma tête, je sentais le liquide visqueux de mon sang s'écouler. J'étais dans un état pitoyable, mais je sentais déjà mon organisme s'employer à guérir mes blessures.

Mon regard se porta vers Duncan, et une inquiétude grimpante s'empara de moi. En tant qu'Einheri, son métabolisme ne rivalisait pas avec celui des Asgardiens. Durant ma formation de Valkyrie, j'avais acquis quelques rudiments de soins auprès d'Eir. L'état de Duncan était alarmant : les os de ses jambes semblaient en lambeaux, tout comme certaines de ses côtes, sans parler de son crâne qui saignait abondamment.

Je devais impérativement trouver une solution. Avant toute chose, je devais prodiguer à Duncan quelques soins rudimentaires, espérant que cela suffirait à stabiliser son état jusqu'à ce que nous puissions le ramener à Asgard. Je fouillai dans l'une de mes sacoches et en sortis une boule d'herbe médicinale confectionnée par dame Eir. Cette préparation serait précieuse pour lui.

Je pris délicatement l'arrière de son crâne et lui fis avaler la boule, que j'avais préalablement mâchée pour en faciliter l'ingestion. Après quelques difficultés, j'y parvins enfin. Désormais plus tranquille quant à son état, je déchirai un morceau de ma cape pour lui confectionner un bandage que je nouai autour de son crâne afin d'arrêter le saignement. Je le laissai reposer un instant sur le sol, réfléchissant aux moyens dont je disposais pour l'extraire de cet endroit, mais je réalisai que je n'avais aucun moyen de le transporter.

Une consigne surgit dans ma mémoire, une règle enseignée lors de ma formation : dans ce genre de situation, une Valkyrie a parfaitement le droit de laisser l'Einheri à son sort. Cette idée me révolta profondément. Je me refusais catégoriquement à abandonner Duncan, à le laisser mourir seul dans ce lieu hostile. Selon les lois d'Asgard, il était considéré comme étant sacrifiable, mais je ne pouvais pas l'accepter. Lui et moi avions traversé tant de choses depuis plus d'un an, je ne me voyais pas continuer sans lui.

Malgré la gravité de la situation, je me ressaisis et tentai de trouver des solutions alternatives. J'examinai nos équipements respectifs, à la recherche d'un moyen de fabriquer quelque chose pour le transporter. Mon regard se posa sur les sangles et les ceintures qui faisaient partie de l'équipement de Duncan. Une lueur d'espoir naquit en moi, et je commençai à assembler rapidement une sorte de lanière de transport qui me permettrait de le prendre sur mon dos. Chaque geste était teinté d'urgence, mais je m'efforçais de rester concentrée, écartant la tentation de laisser la détresse m'envahir. Une fois prête, je m'approchai de Duncan avec précaution, veillant à ne pas aggraver ses blessures. Mon cœur battait fort dans ma poitrine, nourrissant ma détermination à le ramener à la surface.

La crevasse semblait interminable, et chaque pas était un défi. La descente avait été brutale, mais je devais maintenant remonter avec le fardeau de Duncan sur mon dos. Les parois abruptes de la crevasse semblaient se refermer sur nous, mais ma détermination était plus forte que la gravité elle-même. Je m'accrochai à la paroi rocheuse, utilisant chaque prise pour gagner du terrain. La sueur perlait sur mon front, mêlée à la poussière et au sang. Mes muscles brûlaient, mais je continuais à avancer, guidée par la volonté de sauver Duncan.

La surface était encore loin, mais chaque pas me rapprochait un peu plus de la lumière. Mon esprit était en alerte, cherchant le moindre signe de mouvement ou de danger. La lueur faible qui filtrait de l'orifice supérieur de la crevasse était un rappel constant de notre objectif. Lorsque mon pied cherchait une prise pour se poser, la roche finit par se fissurer et craquer sous mon poids ainsi que celui de Duncan. Mes mains tentèrent désespérément de s'agripper, mais la vitesse de ma chute combinée au poids ne me le permirent pas. Je parvins à me réceptionner sur le sol sur mes deux pieds, mais mes phalanges étaient douloureuses et couvertes d'entailles. À bout de souffle, malgré la situation préoccupante de Duncan, je ne me voyais pas retenter cette ascension.

À court d'idées, je me dis qu'en suivant ce canyon à travers ces ténèbres, je finirais par trouver une solution. Cependant, ce n'était pas sans danger. Mon père m'avait plusieurs fois mis en garde au sujet de Jotunheim : les Jötnars sont dangereux, mais dans les entrailles de ce monde, il y avait des dangers encore plus terrifiants et anciens...

Malgré la situation, l'urgence me poussait à prendre des risques. Je décidai de m'aventurer plus loin dans les ténèbres du canyon, en quête d'une solution pour nous sortir de ce piège mortel. Les avertissements de mon père résonnaient dans mon esprit, mais la nécessité de sauver Duncan l'emportait sur toute appréhension.


***


Heckel


Dans quelle situation de merde je me retrouve... cet abruti a littéralement sauté pour sauver notre boss, nous voila seul sans aucun chef pour prendre des décisions. Face à la léthargie des trouduc qui me servent de compagnons d'armes, j'ai décidé de prendre les choses en main. Donnant des ordres, j'entrepris de créer une sorte de corde avec ces plantes semblables à des lianes qui parcouraient la roche de ce trou paumé. Une fois cela fait, je pris les devants et descendis en premier, mais arrivé au bout de la corde de fortune, il y avait encore une sacrée profondeur. Je ne pouvais pas faire comme ce con et sauter en aveugle.

Après être remonté et avoir rejoint les autres, je pris la décision de rentrer sur Asgard en vitesse. Pour moi, c'était la meilleure alternative. Nous pourrions revenir avec du matériel adapté, et pourquoi pas avec l'aide d'un de ces dieux. Pour l'un des leurs, ils se bougeront bien le cul, j'imagine.

Les heures qui suivirent furent épuisantes, entre la remontée du canyon et le trajet jusqu'à ce pont arc-en-ciel menant vers Asgard. Une fois arrivés, j'exposai la situation à l'armoire à glace qui gardait le passage du pont, Heimdall je crois, plaidant la nécessité d'une intervention immédiate. Il hocha la tête, reconnaissant l'importance de la mission. Il nous ordonna de rester ici, puis il prit un cheval et fonça à vive allure vers le palais du vieux borgne.

Ces dieux étaient, en tout cas, bien plus efficaces que les fils de pute du service d'administration qu'il y avait sur terre. Deux valkyries parmi les aînées arrivèrent avec une cinquantaine d'Einherjar prêts à partir dans une mission de sauvetage de leur sœur. Les préparatifs de départ commencèrent sans délai, et bientôt, nous nous retrouvâmes prêts à repartir. Nous empruntions de nouveau le pont arc-en-ciel pour retourner sur ce caillou. Remontant en selle, je guidais mon cheval vers l'avant-garde du convoi. L'une des aînées avait attiré mon attention depuis un moment, et je décidai de tenter ma chance.

- Hey, blondie... déclarais-je avec un sourir digne d'un vendeur de voiture.

Elle se tourna vers moi avec un air surpris, me dévisageant de haut en bas.

- Je vous prierais de vous adresser à moi par mon titre et mon nom, me dit-elle sur un ton hautain qui la rendait encore plus désirable.

- Et c'est quoi ton petit nom, blondie ? Je suis nouveau ici, alors, tu sais, les noms de chacun...

- Pour vous je suis dame Sigrdrífa. Retournez à votre place, nous allons partir.

- Alors, dis, Sigrdrífa, après cette mission, tu serais partante pour qu'on se fasse un truc sympa, toi et moi, je sais comment détendre les femmes, déclarai-je sans doute avec un sourire un peu trop suggestif, ce qui la fit lever les yeux au ciel.

La hampe de sa lance retomba brusquement sur ma tête, provoquant ma chute de cheval dans un concert de rires parmi les Einherjar. Toutefois, je me relevai sans vexation ni énervement apparents. J'en étais certain, Sigrdrífa était la femme qu'il me fallait : forte et indépendante, ne se laissant pas marcher sur les pieds. Je n'avais plus de doute, j'étais amoureux, je ferrais tout pour gagner son coeur.

Les amants du ValhallaWhere stories live. Discover now