Chapitre 8 La bête 2/2

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SIEGLINDE

Il fonça droit sur Duncan, la mâchoire grande ouverte, prêt à le broyer. Je profitais de cet instant pour donner un coup de lance sur le museau de la bête, ce qui l'arrêta dans son élan. Furieux, ses deux globes oculaires écarlates me fixèrent tel deux brasiers, et il abandonna sa première proie pour se concentrer sur moi. Je tentais de le maintenir à distance avec ma lance, mais d'un mouvement habile, il attrapa la hampe de ma lance et la brisa d'une simple pression. Il ne me restait qu'un simple morceau de bois entre les mains, j'étais totalement désarmée face à lui.

Duncan, dans une manœuvre désespérée, parvint à planter son épée dans l'une des pattes avant de la bête, lui arrachant un hurlement si fort que lui et moi dûmes nous boucher les oreilles. La créature, momentanément affaiblie, se mit à rugir de douleur. C'était notre chance de riposter. Malgré mon désarroi, je ramassais le fragment de ma lance brisée, et je fit un bond plantant la pointe profondément dans la gorge de la créature. Mais il restait toujours aussi combatif. D'un coup d'épaule, il me repoussa, me faisant lâcher la pointe de ma lance qui resta coincée dans sa gorge. Enchaînant, il attrapa le bouclier de Duncan et le brisa en morceaux, son bras se retrouvant coincé entre ses crocs. Un hurlement de douleur retentit, me donnant des frissons. J'étais désemparée, sans arme, que pouvais-je faire pour l'aider ? La bête enfonça ses crocs dans le bras de Duncan, lui broyant les os. La douleur le fit perdre conscience, et son corps entier se relâcha, pendouillant de façon pathétique entre les crocs du monstre. Je devais l'aider. Récupérant la hampe de ma lance, je voulus le transpercer de nouveau dans la gorge, mais d'un coup de tête, il m'envoya contre un arbre. Je voulus me relever, mais mes jambes me trahirent, j'étais à bout.

La bête relâcha son emprise sur Duncan et le laissa tomber au sol. Elle s'approcha de moi, le regard empli de satisfaction, prête à me dévorer. À quelques centimètres de moi, je pouvais sentir le souffle chaud et nauséabond de sa respiration.

- Quand mes frères et sœurs apprendront que j'ai tué une des filles d'Odin, je deviendrai sans aucun doute l'Alpha. Je peux donc te remercier, tu contribueras à ma gloire. Dit il savourant l'instant d'un air supérieur, me toisant de son regard.

- Arrête de parler, l'odeur fétide de ton haleine me donne envie de vomir... Finis-en, monstre !

La bête ouvrit grand sa gueule. Je fermai les yeux, ne voulant pas avoir comme dernière vision cette créature, attendant ma mort. Rien ne vint. Je finis par ouvrir les yeux : la bête avait refermé sa gueule et était comme paralysée. En inclinant légèrement la tête, je vis Duncan sous le ventre de la bête, ayant planté son épée droit dans le cœur. Quelques instants plus tard, la bête voulut se déplacer pour retirer l'épée. Il me montra alors sa gorge avec la pointe de ma lance toujours coincée. Rassemblant toutes les forces qu'il me restait, je me redressai et agrippai l'embout de la lance, la remuant dans tous les sens dans l'espoir d'aggraver ses blessures. La douleur provoquée par ses blessures rendit la bête encore plus agressive. Elle donna un coup de patte sous son ventre pour repousser Duncan qui, malgré son état, refusait de céder le moindre pouce de terrain. Avec son seul bras valide, il poussait de toutes ses forces, voulant plonger son épée encore plus profondément dans le cœur du carnassier. De mon côté, je m'accrochais désespérément à mon fragment d'arme. Mon corps était à bout et endolori, mais je devais m'accrocher. Petit à petit, je pouvais sentir mon arme s'enfoncer de plus en plus dans la nuque du monstre. Une de ses artères avait dû être sectionnée, car le sang coula encore plus abondamment, recouvrant mon armure et mes vêtements qui prirent la teinte de son fluide vital.

Je sentis une force irrésistible attraper l'une de mes jambes. Malgré son état, il lui restait encore des forces. Avec ses crocs, il parvint à attraper mon mollet et ne voulait plus me lâcher. Il me secoua de droite à gauche, je ne contrôlais plus rien. Petit à petit, je sentis son étreinte diminuer en intensité, et puis il finit par me relâcher. Le loup, réalisant qu'il allait y rester, fit quelques pas sur le côté. Sa respiration était haletante, et son sang coulait telle une fontaine sur ses deux plaies. Il nous fusilla du regard, Duncan et moi, puis ses forces ne purent plus soutenir son poids, il s'écroula au sol. Il continua à respirer quelques instants, puis ce fut le silence.

Nous restâmes lui et moi avachis au sol, à la fois stupéfaits et totalement épuisés. J'avais encore du mal à y croire ; nous avions vaincu un descendant de Fenrir de la seconde génération. Seuls les Aînés avaient réussi un tel exploit. Assuré qu'il n'y avait plus la moindre menace, Duncan, malgré son état, s'inquiéta pour moi. Avec son bras valide, il examina ma jambe. Le sang s'écoulait lentement, heureusement que la bête n'avait presque plus de force lorsqu'elle m'avait attraper dans sa gueule, sinon j'y aurais certainement laissé ma jambe. Il enroula un morceau de tissu autour de ma jambe. Son intention me toucha, mais mon état était moins préoccupant par rapport au sien.

- Vous pensez qu'on va avoir une petite prime ou quelque chose du genre, même un mug souvenir ferait l'affaire, je ne suis pas difficile, plaisanta-t-il avec un sourire malicieux.

Il devait souffrir le martyr et il trouvait le moyens de faire de l'humour décidément j'avais un Einherjar vraiment particulier. À mon tour, j'examinai le bras de Duncan. Il était vraiment dans un sale état, un de ses os était mis à nu, et une partie de sa chair réduite en lambeaux. Les Einherjar avaient un seuil de résistance à la douleur, mais je voyais bien qu'il souffrait énormément. Je n'étais pas une guérisseuse, je ne pouvais rien faire pour lui. Il n'y avait que deux alternatives : rentrer immédiatement à Asgard, où ma belle-sœur Idunn pourrait le soigner, mais le trajet prendrait au moins une journée. Je décidais donc d'opter pour la seconde option : me rendre au village natal de ma mère, où vivait mon oncle. Là-bas, les guérisseurs Alf pourraient nous remettre sur pied. Je scrutais l'horizon à la recherche de nos montures. Elles étaient intelligentes, se tenant en retrait tant que le danger n'était pas écarté, puis revenant vers nous dès que le calme régnait à nouveau. Mon fidèle destrier inclina la tête et effleura doucement mon épaule, comme s'il voulait me témoigner sa compassion. Sachant que ma jambe me rendait difficile la marche, il s'abaissa au sol pour que je puisse aisément monter en selle. Duncan, malgré son bras meurtri, m'aida à retrouver ma place sur la selle. Une fois sûr que je tenais solidement, seulement alors il grimpa sur son propre cheval.

Je me perdis un instant à l'observer, touché par sa gentillesse et son dévouement. Une fois prêts, nos montures, connaissant parfaitement le chemin, prirent le trot en direction du village de mon oncle.

Les amants du ValhallaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant