Chapitre 8 la bête 1/2

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Duncan

Nous avions quitté le village depuis une demi-journée, suivant les maigres indices que la bête avait semés. Je laissais à Sieglinde le choix de notre route, ne faisant que des suggestions lorsque je jugeais cela nécessaire. La forêt gargantuesque que nous traversions était d'une beauté à couper le souffle, à l'image de tout ce que nous avions pu voir sur Alfheim. Les arbres, aux écorces argentées, semblaient murmurer des histoires anciennes, tandis que la lumière du soleil filtrait à travers les feuilles, créant un spectacle de lumières et d'ombres dansants sur le sol. Sieglinde se déplaçait avec une grâce féline, guidant nos montures à travers les sentiers sinueux de la forêt. Son visage, habituellement impassible, montrait une légère expression d'admiration pour la nature qui nous entourait. Je ne pouvais m'empêcher de partager ce sentiment, même si notre mission était sérieuse, la beauté d'Álfheim semblait apaiser l'âme.

Pendant que nous avancions, Sieglinde prit la parole, évoquant la nécessité d'être vigilants dans ce monde, malgré sa splendeur apparente. Elle mentionna également qu'une créature telle que celle que nous traquions pouvait être encore plus dangereuse ici, où elle pouvait tirer parti des éléments de cette terre elfique pour échapper à notre vigilance. Je hochai la tête en signe d'approbation, conscient que notre quête exigeait une attention particulière, même dans ce paradis apparent. La tension dans l'air était palpable, mais la majesté de la forêt ne pouvait être niée. Nous continuâmes notre chemin, déterminés à résoudre le mystère qui planait sur ce monde enchanteur.

Mais quelque chose me tracassait. Plus nous avancions au sein de cette forêt, plus j'avais l'impression que nous nous dirigions droit vers un piège. Quand j'étais sur Terre, j'ai plus d'une fois été confronté à des guets-apens. L'ennemi semait volontairement des traces pour nous guider là où il voulait, et lorsque nous nous y attendions le moins, ils surgissaient de leur cachette pour nous surprendre. J'ai perdu de nombreux frères d'armes de cette manière. Devais-je en parler à Sieglinde ? D'un autre côté, nous n'avions affaire qu'à un simple loup. Il ne pouvait pas établir de stratégie aussi complexe ; ce n'était qu'une simple bête après tout.

Malgré mes doutes, je décidai de garder ces pensées pour moi-même, ne voulant pas semer l'inquiétude chez Sieglinde sans raison valable. La forêt elfique, pourtant paisible en apparence, éveillait en moi des souvenirs d'une méfiance forgée au fil des batailles. Le chant des oiseaux, autrefois harmonieux, prenait maintenant une teinte sinistre à mes oreilles.

Sieglinde, toujours concentrée sur la mission, me demanda si quelque chose n'allait pas. J'hésitai un instant, mais je secouai la tête, balayant mes préoccupations comme de simples ombres dans la clarté du jour d'Alfheim. J'étais un Einherjar, un guerriers formés pour affronter les pires menaces. Un simple loup ne devrait pas ébranler ma détermination. Pourtant, à mesure que nous nous enfoncions davantage dans la forêt, je ne pouvais m'empêcher de rester sur mes gardes, scrutant chaque recoin pour déceler le moindre signe de danger. Nos montures semblaient elles-mêmes agitées, comme si elles ressentaient la même tension qui imprégnait l'air.

Sieglinde fit stopper sa monture. Intrigué, je voulais me rapprocher d'elle pour la questionner. Son visage était figé, non pas à cause de son habituel manque d'émotion, mais cette fois, je pouvais lire de la peur en elle. La valkyrie fixait quelque chose droit devant, en scrutant la même zone, je compris aussitôt. Deux yeux jaunatre nous fixaient de là où nous nous trouvions. Ces deux yeux étaient comme deux globes oculaires flottant dans le vide. Ils commencèrent à se rapprocher lentement, dévoilant petit à petit le corps massif de la bête. J'avais pu voir des chiens de très grande taille, mais là, ça dépassait toute mesure. Ce loup devait avoir pratiquement la hauteur de deux chevaux et la longueur d'un bus.

- Je savais qu'en m'en prenant à ces Alfes rachitiques, j'allais attirer des proies bien plus intéressantes, déclara la bête d'une voix ténébreuse.

Il pouvait parler. Les descriptions de Sieglinde me revinrent en tête, seul des loups de la première à la troisième génération de Fenrir avaient le don de parole et étaient d'une intelligence supérieure.

- Dame Sieglinde, c'est un...

- Je sais, Duncan... nous ne sommes pas de taille. C'est un descendant de la deuxième génération... Il faut fuir.

Les mots de Sieglinde résonnaient dans l'air, portant avec eux une gravité qui me glaça le sang. Son regard, d'ordinaire imperturbable, trahissait maintenant une anxiété palpable. La créature s'approchait toujours, déployant une aura menaçante qui semblait empoisonner l'atmosphère autour d'elle. Sieglinde fit volte-face, me faisant signe de la suivre. Nous nous enfoncions dans la forêt à toute allure, les arbres défilant comme des ombres floues.

- Oui, fuyez, petits moutons, je vous laisse quelques secondes le temps de savourer la terreur qui emane de votre chaire, déclara la bête en riant, puis il poussa un hurlement si fort qu'il fit trembler l'air environnant.

Nos deux montures galopaient à toute vitesse, dans l'espoir d'échapper à cette bête, mais nous nous leurrions totalement. En quelques instants, la bête nous avait rattrapés et d'un simple coup de tête, elle nous désarçonna, Sieglinde et moi. Nous nous remîmes debout en vitesse. Elle récupéra sa lance et la pointa droit vers la bête, tandis que moi, je mis mon bouclier face à mon torse et pointai l'estoc de mon épée droit vers le monstre.

La créature, aux yeux brillants de malice, observa nos gestes avec une indifférence presque dédaigneuse.

- Vous croyez vraiment que ces pathétiques instruments peuvent vous protéger contre moi ? ricana-t-il.

Il s'avança lentement, faisant craquer les feuilles mortes sous ses pattes massives. Les muscles saillants de son corps dévoilaient sa puissance colossale. Sieglinde se tint prête, fixant la bête avec une détermination sans faille.

- Nous ne vous laisserons pas semer la terreur ici descendance de Fenrir. Si nous devons tomber, nous le ferons en défendant ce monde, déclara-t-elle d'une voix ferme.

Sieglinde me lança un regard et me murmura de en aucun cas se séparer. Elle tenta maladroitement de me rassurer, mais je pouvais sentir au timbre de sa voix qu'elle était terrifiée. Il en était de même pour moi, je n'avais jamais affronté quelque chose de semblable. Malgré la peur de Sieglinde, elle me dicta des consignes. Il fallait frapper la bête au niveau de la gorge ou du ventre, les zones les plus vulnérables, mais c'était plus facile à dire qu'à faire. La bête, tellement confiante, ne nous attaqua pas, nous laissant établir un plan qu'elle pourrait déjouer sans problème.

Sieglinde ébaucha une stratégie rapide. Nous devions attaquer simultanément, elle viserait la gorge tandis que je ciblerais le ventre. La bête semblait nous sous-estimer, peut-être était-ce notre chance. D'un signe de tête, nous nous préparâmes à l'assaut. Les secondes semblaient s'étirer, l'anticipation de l'affrontement pesant sur nous comme une lourde chape. Puis, d'un coup, Sieglinde et moi nous élancions, nos armes prêtes à frapper.

La bête donna un coup de croc, bloquant la lance de Sieglinde. C'était une occasion unique, je pensais avoir une ouverture pour donner un coup d'estoc au niveau de la gorge de ce monstre, mais celui-ci, anticipant mon attaque, me fit voler en l'air d'un coup de patte. Puis, d'un mouvement de la tête, il fit pareil pour Sieglinde, qui, bien plus agile que moi, parvint à se réceptionner sur les pieds. Gardant toujours un œil sur la bête, elle m'aida à me relever en me donnant la main. Elle et moi, nous nous relançâmes à l'attaque, mais chacune de nos tentatives se soldait par un cuisant échec. La créature, massive et imposante, esquivait nos coups avec une agilité déconcertante. Nous étions des pions dans le jeu de cette bête, et elle se divertissait de notre lutte désespérée.

Sieglinde et moi, bien que déterminés, commencions à ressentir la fatigue peser sur nos épaules. La bête continuait son ballet mortel, sa voix résonnant dans l'air, empreinte de mépris.

- Vous pensiez vraiment pouvoir m'arrêter, misérables créatures? Vous n'êtes que des insectes pathétiques! Vous m'avez suffisamment distrait maintenant je vais me repaitre de votre chaire.

Les amants du ValhallaWhere stories live. Discover now