Chapitre 6

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Je présume que j'aurai dû faire la princesse en danger : m'affoler, crier dans tous les sens, hurler au scandale et ensuite me calmer. La vérité est qu'au fond de moi, j'avais envie de le faire. Terriblement envie même. C'était ce qui me surprenait le plus. Pourtant, face à son annonce j'étais resté imperturbable. De glace. Un bloc de marbre. Je l'avais regardé et je lui avais sorti un « Oh » dont j'ignorais la provenance.

Et cela ne semble pas l'affoler non plus. Il se contente de me dévisager comme s'il attendait que l'information parvienne à mon cerveau. Comme s'il me fallait un temps de réaction plus long que la moyenne, mais ce ne fut pas le cas. J'avais entendu ce qu'il avait à me dire. J'avais entendu sa déclaration et je l'avais parfaitement saisi.

Il était là pour me protéger.

« - Oh... »

Un autre « oh ». Je ne sais pas ce que je suis supposé dire. À vrai dire, j'ai un millier de questions. Elles s'entassent toutes dans ma tête comme une queue à un guichet. Elles sont là, elles attendent d'être posées, mais aucune ne sort. Aucune ne m'échappe.

Alors, je crois qu'au bout d'un moment, faute d'avoir un cerveau fonctionnel, mon corps a pris la relève. Il s'est redressé de lui-même et a commencé à se diriger vers la porte.

« - Wow ! Wow ! Wow ! Je peux savoir où tu vas ? »

N'était-ce pas évident ?

« - Je rentre. Je te remercie de ton hospitalité. »

Il arque un sourcil et à un léger sourire narquois, posant sa main contre la porte comme pour m'empêcher de l'ouvrir. Depuis que nous sommes enfants, il a toujours été le plus costaud de nous deux, c'est vrai, mais quand je veux quelque chose...généralement, je l'obtiens.

« - Tu ne trouves pas que tu devrais t'accorder un petit moment ? Le temps de digérer la nouvelle ?

-          Tu es un sorcier. Tu es là pour me protéger. Ok. J'ai digéré la nouvelle. Je peux partir maintenant ?

-          Non ! »

Retenir quelqu'un contre son gré est préjudiciable. Je pourrais crier au secours.

Je ne suis seulement pas certain que quelqu'un m'entende.

Alors, je me retiens.

« - Écoute Antoine, sérieusement, je sais que ça fait beaucoup, mais je te conseillerais ne te pas t'affoler...

-          Ai-je l'air de m'affoler ? Regarde, je suis calme. Tout à fait calme. Totalement calme. Ne suis-je pas trop calme à ton goût ?

-          Le fait que tu ais répété le mot « calme » dans une même phrase m'indique que ton cerveau t'as fait faux bond depuis un bout de temps. Je te connais, tu sais ? Mieux que toi tu ne sembles te connaître.

-          C'est ce que tu crois. Écoute tout ce que je veux c'est rentrer, prendre une douche, changer de fringue et...

-          Tu pourrais faire tout ça ici. Je pourrais te passer l'une de mes chemises. »

Hors de question. Jamais de la vie. Plutôt mourir.

« - Non.

-          Ça va, ne sois pas pudique ! On se baignait tout nu quand on était gamins. »

Et rien que ce souvenir me donne envie de m'enterrer de honte. Je préfère oublier.

« - Écoute Nathan, vraiment, c'est sympa, mais je veux rentrer. »

Je veux partir.

Partir me donnera l'impression d'un semblant de réalité. Je pourrais enterrer ma tête dans mon oreiller et me dire que tout ça n'était qu'une grosse blague, un vaste canular. Je pourrais me dire qu'on essaye de se foutre de moi. Je pourrais en rire, parce que tout à fait entre nous, c'est risible.

J'en ris.

J'en viens à en rire.

Ah...Bon sang...Je crois que je craque. Une histoire de nerfs ou un truc du genre. Je suis planté là, avec Nathan et je lui ris au nez. Un fou rire incontrôlable. Instoppable. Je ne peux plus m'arrêter malgré la douleur naissante au niveau de mes abdominaux ...que je n'ai pas.

« - Antoine ? Tu...Est-ce que ça va ? »

Je n'ai jamais été expressif, c'est vrai, et je crois bien qu'actuellement j'utilise mon stock « d'expression » du mois, voire de l'année. Mais je ne sais pas quoi faire d'autre. J'aimerais m'affoler et me dire « Oh mon dieu ! C'est un sorcier ! », mais le truc c'est que je n'y arrive pas.

Je n'arrive plus à rien.

Alors, je m'effondre, dos contre la porte, me laissant tomber au sol, tenant tant bien que mal mon ventre et tentant d'arrêter de rire, les larmes aux yeux.

« - Par moment, je ne sais plus quoi penser avec toi... »

Soupirant et partant s'asseoir sur un fauteuil plus loin, je profite qu'il ait baissé sa garde pour ouvrir la porte et me précipiter dans le couloir.

« - Je t'ai eu ! »

Ça aussi...Je l'ai appris de lui.

« - Antoine ! Ce n'est pas sérieux... »

Je ne sais pas où aller. Où tourner. À gauche ?  À droite ? Je m'emporte dans les couloirs et finit par tomber nez à nez avec des escaliers donnant sur ce qui semblant être un gigantesque hall d'entrée.

La taille de cette demeure est démesurée.

J'arrive à atteindre la porte d'entrée et au moment où je tends ma main vers la poignée, cette dernière disparaît.

« - Tu ne me laisses pas le choix. »

D'un claquement de doigts...Il l'a fait disparaître d'un claquement de doigts. Est-ce là où je panique ?

Nathan s'avance dans les escaliers, chemise à moitié déboutonnée, les mains dans les poches, tranquillement. Il joue sur son terrain, son territoire...Quelle chance j'avais ?

« - C'est de la séquestration ce que tu fais ! Laisse-moi partir.

-          Dehors, c'est dangereux.

-          Le seul danger que je vois moi, c'est toi.

-          Ouh ! C'est vexant. Mais tu me remercieras plus tard. Je te l'ai dit, je suis en charge de ta sécurité.

-          Je peux me défendre tout seul.

-          Vraiment ? »

Il se met à ma hauteur et sans crier gare, ma jambe se lève toute seule, mon pied allant s'encastrer dans ses bijoux de famille.

« - Tu vois ? Je suis un grand garçon. Remets la poignée de la porte maintenant...

-          Comme...tu...voudras... »

Elle réapparait et sans me faire prier, je la saisis et m'échappe à l'extérieur, courant à toutes jambes jusqu'au portail.

Je ne sais même pas où je suis. Je ne sais même pas comment je suis supposé rentrer chez moi.

Mais néanmoins, j'étais totalement satisfait du coup que je venais de lui mettre.

Bien fait pour toi !

Graal (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant