Chapitre 9

3.6K 470 35
                                    

J'ai réussi à rentrer sur le campus en faisant les yeux doux à un vieux chauffeur de taxi. Je présume que ce dernier a juste pris en pitié la pauvre âme errante que j'étais. Je l'ai payé une fois que j'ai pu retrouver le peu d'économies que j'avais mis dans mon petit cochon.

Une fois là-bas, je me suis recouché, l'oreiller sur la tête et j'ai essayé d'oublier tout ce qu'il venait de se passer. L'intégralité.

Au fond, tout ceci n'était que pure folie et je n'avais pas d'autres mots pour le qualifier.

Malgré tous mes efforts, plus j'essayais d'oublier, plus je m'en souvenais avec une exactitude frustrante.

« - Chier' ! »

J'ai fait les cent pas dans la chambre, je me suis posé diverses questions auxquelles, bien sûr, je n'avais pas les réponses et puis au bout d'un moment, la clé de la porte s'est tournée et Marc est rentré.

Il avait perdu son air idiot et son sourire béat.

Parce que maintenant, il n'avait plus à faire semblant.

« - Salut. »

Je ne sais pas comment je dois le prendre. Suis-je censé l'insulter pour m'avoir menti pendant tout ce temps ? Dois-je l'agripper et le frapper en lui demandant des comptes ? Ou étais-je supposé répondre bêtement à ce qu'il venait de me dire.

« - Salut... »

L'option trois était certainement celle qui me prenait le moins la tête.

Il entre, prenant grand soin de refermer la porte derrière lui et je ne pus m'empêcher de jeter un coup d'œil par-dessus son épaule, histoire de voir si Nathan ne serait pas avec lui, là quelque part.

Mais il faut croire que non. Il est seul.

Un soupir de soulagement m'échappe. Je n'étais pas prêt à revoir Nathan. Pas maintenant.

« - Je suis content que tu ne sois pas parti, Antoine...Vraiment. »

Où est-ce que je pourrais aller de toute façon ? Mon père n'est pas sur le même continent, mon grand-père est dans une maison de retraite, mon oncle est dans un hôpital psychiatrique...Ma mère est morte. Les joies de la famille je présume.

« - Est-ce que tu es là pour me ramener là-bas ?

- Non. Je suis là tout simplement pour m'assurer que tu ailles bien.

- Ah oui...C'est vrai...Vous êtes là pour « moi », c'est bien ça ? »

Je ne pus m'empêcher de prendre sa phrase avec beaucoup d'ironie et de sarcasme.

Je n'étais sans doute, même pas un homme pour eux, juste un objet.

« - Je peux te poser une question Marc ?

- Laquelle ?

- Depuis combien de temps ? Depuis combien de temps vous jouez la comédie Nathan, Anna et toi ?

- De quoi tu parles ?

- Vous avez prétendu être mes amis durant tout ce temps parce que vous me vouliez non ? Ça a dû être dur pour vous.

- Pas vraiment...Je t'apprécie, réellement tu sais et je pense que c'est pareil pour les deux autres.

- Mais vous le saviez depuis le début ? Comment ?

- Disons juste que c'est plus une « impression », un « sentiment »...Une sensation qui hurle en nous. Nous sommes des sorciers...Nous venons au monde, nous vivons, nous mourrons et nous nous réincarnons. Des fois on se souvient de nos précédentes vies..Parfois non. Moi par exemple, je n'en sais rien, mais il paraîtrait que Nathan se rappelle de tout. Cela fait bien longtemps que Nathan est dans cette guerre Antoine. Bien trop longtemps.

- Est-ce supposé attirer ma pitié ? Devrais-je sympathiser et compatir à son sort ?

- Je dis juste que...

- Que je devrais vous faciliter la tâche c'est ça ? Que parce que je suis un être humain je devrais comprendre les enjeux ? Bah figure-toi que non. Justement parce que je suis un homme, je ne comprends pas, je ne saisis même pas le but de tout ça et au fond de moi...Oui, tout au fond de moi, je crois que je m'en balance. »

Peut-être que Marc ne méritait pas d'être mon défouloir. Peut-être qu'il ne méritait pas de se prendre ainsi toute ma colère, mais à qui d'autre pouvais-je me plaindre ? Qui d'autre pouvait entre ces mots ?

Il se laisse tomber contre son lit, rebondissant légèrement sur le matelas, passant une main derrière sa nuque et grimaçant légèrement. Je l'ai contrarié et je le sais, mais je m'en fou. Je veux qu'il comprenne. Qu'ils comprennent tous autant qu'ils sont.

Ils ne m'auront pas.

Moi vivant, ils ne m'auront pas.

« - Qu'est-ce que tu comptes faire alors ? Parce que là dehors, le monde est dangereux. Nous ne sommes pas les seuls.

- Dangereux ? Ça fait 22 ans que je vis dans ce monde et jamais personne ne m'a attaqué. Jamais personne ne m'a séquestré dans une maison et m'a exposé à autant de « folies ». Jamais jusqu'à vous. Le bar dans lequel tu m'as sorti, ça avait un but n'est-ce pas ? Tu pensais que j'allais prendre conscience de certaines choses en voyant cette fille ?

- Hé ! Cette « fille » c'était mon amie !

- Sa mort n'a pas l'air de t'attrister plus que ça pourtant. »

Il se relève soudainement, les poings serrés comme s'il s'apprêtait à m'en mettre une.

Qu'il tente pour voir ! J'aurais officiellement et physiquement une trace d'agression.

Je pourrais porter plainte contre cette famille.

Finalement, il se ravise pour je ne sais quelle raison.

« - Tu sais quoi ? Tu ne viendras pas pleurer pour la suite. Je t'aurai prévenu.

- Laisse-moi rire... »

Claquant la porte derrière lui, je me retrouve de nouveau seul. Seul avec moi-même. Encore plus en colère que je ne l'étais auparavant. J'avais l'impression d'être un volcan prêt à exploser.

« - Sorciers ou pas, ils peuvent tous se la mettre où je pense leur baguette magique ! »

Graal (BxB)Onde histórias criam vida. Descubra agora