Graal (BxB)

Chapitre 43

J'ai regardé ma blessure de guerre pendant longtemps. Peut-être même trop longtemps. Assez longtemps du moins pour ne pas avoir entendu Julius entrer dans la chambre, les cheveux mouillés, torse nu, une serviette autour de la taille. Julius sortait de la douche et il ressemblait terriblement à l'une de ces statues grecques que l'on trouve facilement au musée. Il aborde la même stature carrée et le même regard perçant, étrange.

« - Tu sais, tu me fais peur quand tu me regardes comme ça.

- Pourquoi ?

- On dirait...Un enfant regardant un bonbon vachement alléchant. »

C'est vrai.

Mais Julius était un peu mon « bonbon » en même temps.

Quoique...Les bonbons ça se suce ou ça se croque non ?

« - C'est pas si mal l'idée du bonbon. »

Comprenant certainement pourquoi j'y faisais allusion, il s'approche du lit et se positionne juste au-dessus de moi, m'obligeant à m'affaisser sur ce dernier.

« - Aurais-tu pris goût à nos petites frasques nocturnes ?

- Faute à qui ?

- Certainement pas à moi ! Tu as plongé dans ce monde tête la première non ? »

Théoriquement...Non. Nathan m'a poussé du haut de la falaise et Julius est venu me secourir de la noyade. Je le vois un peu comme ça. Je me suis accroché à lui sans pouvoir m'en défaire. C'était dingue quand même. Être à ce point accro à quelqu'un. Je ne l'ai pourtant pas dans la peau, mais je ne sais...Quand il n'est pas là...ce n'est pas pareil.

« - Néanmoins, je suis content que tu sois là. »

Ses lèvres se posent sur les miennes avec la même férocité que lors de notre premier baiser. Je crois que je ne pourrai jamais oublier ce moment et au fond, je ne le souhaite pas. Il a été celui qui m'a pêché dans ses filets. Il a été celui qui m'a jeté un sort. Sorcier, magicien, faiseur de pluie, je m'en fou du titre qu'il portait...Pour moi c'était juste le type que j'aimais.

Bon Dieu...Petit j'étais persuadé que je finirai ma vie avec Océane, la plus belle fille de l'école primaire. Une petite blonde mignonne, tout sourire, toute gentille avec toujours plein de nœuds dans ses cheveux. Océane c'était ma chérie...Mais seulement dans ma tête, parce que c'était aussi la chérie de tous les garçons de l'école. Tout le monde l'aimait Océane. Elle faisait partie de ces gens que l'on ne pouvait qu'aimer et je me voyais bien marié avec elle, lui léguant ma descendance directe.

Mais bon, j'ai vite appris grâce à Océane la déception que pouvaient être les filles dans leur globalité. C'était un bien triste constat d'ailleurs. Cela aurait pu éviter plus d'un malheur.

« - À quoi tu penses ?

- À Océane. »

C'est sorti naturellement, plus vite que moi. L'espace d'un instant, j'avais zappé Julius et d'ailleurs ce dernier arque un sourcil et se recule, curieux devant une telle déclaration.

« - Ce n'est pas ce que tu crois...Je ne sais même pas pourquoi cette fille a envahi mes pensées soudainement. Cela faisait des années que je n'avais pas pensé à elle.

- Et là, comme ça, tu y penses ?

- Ouais. C'était une belle fille, tu vois ? Mais pas une chouette fille. C'est dommage...Parce qu'y'a beaucoup de chouettes filles qui ne sont pas belles et inversement.

- T'aimes les filles aussi ?

- Bah...ouais. En fait, c'est triste à dire, mais j'aime le genre humain tout simplement. »

Je pense que je ne me suis jamais contenté d'un « sexe », d'un « groupe » particulier. J'ai aimé fille ou garçon, de la même façon. Rarement de la même intensité, mais je les aimés pareils.

Nathan et Julius furent les deux seules exceptions à cela.

Je ne suis pas « hétéro », ni « homo », je suis « genro ». C'est très bizarre à dire et ça fait moche à l'oreille, mais je l'assume totalement. J'aime les humains. J'aime leurs qualités et leurs défauts. J'aime tout chez eux et chacun nous rend plus vivant ou nous apprend quelque chose de différent. Oh oui, je suis amoureux de l'Homme en général.

« - En tout cas, je sais que je l'ai déjà dit, mais ce que tu as dit tout à l'heure...ça m'a vraiment touché. Merci.

- Et je le pensais. Ce n'est pas tant pour toi que je l'ai fait, mais je pense que j'avais aussi « besoin » de le dire. C'est très étrange à expliquer. Comme si...

- Comme si tu avais à te convaincre toi-même ? Je connais ça. »

Je n'ai que trop connu ça à vrai dire.

« - Et moi, je sais que je l'ai déjà dit, mais je ne retire pas ce que j'ai dit précédemment. T'es prêt pour ce soir ? »

Ah oui. C'est vrai. J'avais oublié.

Je pense que le moment idéal pour fuir, ça serait maintenant.

« - Tu ne me fais pas peur.

- Ah non ?

- Non.

- Tu as pris de l'assurance dis-moi...

- Pas du tout. J'ai confiance en toi, tout simplement. »

Une confiance aveugle et bornée.

Julius me dirait « Saute du pont ! » que je le ferais sans doute, et ce, sans même réfléchir une seconde à mon action. C'est malheureux à dire, mais j'étais devenu totalement dépendant de lui.

Pas de Nathan, de Viviane ou de Nina...Mais de lui tout spécialement et je ne sais même pas pourquoi.

Ce n'est pas de l'amour...C'est autre chose.

J'ai été amoureux une seule fois auparavant et cela ne s'est malheureusement, pas bien terminé pour moi. J'ai pris mon petit cœur et je l'ai ramassé à la petite cuillère, morceau par morceau.

J'ai pleuré. J'ai crié. J'ai été rancunier. J'ai cherché à lui faire payer tout le mal qu'il m'avait fait...Puis au bout d'un moment, lassé, j'ai abandonné. J'ai abandonné, car je m'étais rendu compte qu'il se faisait d'autant plus mal à lui-même, ce qui était totalement ridicule et ce que je ne comprenais pas non plus.

Alors, j'ai tourné la page et j'ai avancé. Tout seul. J'ai fait mes propres pas sans m'accrocher à nouveau. Sans me laisser « tomber » amoureux à nouveau parce que je savais....Je savais que le jour où je m'y autoriserais, je ne me relèverais pas. Je resterais au sol, par terre à faire la crêpe écrasée.

Je ferais une très bonne crêpe, je pense.

« - Antoine ?

- Hmm ? Quoi ? »

Je ne l'ai pas vu revenir. Je ne l'ai pas senti se rapprocher.

Je n'ai fait que l'entendre siffler dans le vent, en bon enfant de ce dernier :

« - Je t'aime. »