Chapitre 46

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Au petit matin, aux premiers rayons du soleil me claquant le visage, je suis sorti du lit. J'y ai laissé un Julius dormant à poings fermés. Pour une fois, c'est moi qui me lève le premier alors que je suis de nature pantouflarde.

Toute la maisonnée semblait bien calme comme vide de toutes vies. Dans quelques heures, les cris retentiront, les rires éclateront et les discussions de la veille reprendront. Dans quelques heures, la vie reprendra son cours, brisant totalement le silence de la nuit.

Je partis alors m'installer sous un arbre, la tête rivée vers les nuages aux formes impossibles. Je me rappelle de cette habitude que j'avais quand j'étais petit...Celle de regarder les nuages et d'en deviner les formes aussi fantastiques soient-elles.

« - Celui-là, on dirait un lièvre. »

Nathan arrive à ma hauteur, en jogging, mains dans les poches, les yeux rivés vers le ciel également.

« - Tu te souviens ? On le faisait quand on était gamins. Ton truc c'était les étoiles, moi c'était les nuages. J'aime toujours autant le faire...Quand je le peux.

- C'est vrai... »

Il s'installe alors à côté de moi, s'adossant au même tronc d'arbre, obligeant nos épaules à se toucher. C'était un contact des plus simples et pourtant, encore aujourd'hui, rien que cette sensation, rien que ce toucher suffisaient à faire sursauter mon cœur. Je sais que je n'arriverais jamais à me débarrasser de Nathan. Jamais et je me demande au fond, si je le voulais. J'aimais Julius, c'était un fait indéniable, mais Nathan...Nathan était bien trop particulier pour être juste « oublié ». Pour être juste « mis de côté ». Je ne pouvais pas renier toutes ces années à l'aimer d'un claquement de doigts.

« - Je pensais que t'étais du genre lève tard ? Julius ronfle trop fort c'est ça ?

- Même pas. Il ne fait pas de bruit quand il dort. Il ne bouge pas. Partage la couette de façon équitable...

- Le mec parfait hein. »

Je sens une pointe de tristesse dans sa voix tandis qu'il relève aussitôt les yeux.

« - Ce n'est pas ce que je voulais dire.

- Tu sais Antoine, tu n'as pas à te sentir obligé pour moi. Je t'ai poussé vers lui, je l'assume.

- Pourquoi ? Pourquoi tu l'as fait ?

- Je n'en sais rien. Je ne dirais pas « par amour » car c'est faux, mais je présume que tu mérites d'être heureux et tu avais cette petite alchimie avec ce débile alors...

- Ne l'insulte pas.

- Pardon. Néanmoins, je suis content si tu es bien avec lui. Je n'en attendais pas moins de sa part.

- Et toi Nathan ?

- Quoi moi ?

- Qui va te rendre heureux ? »

Je pense que cela aurait pu être la question à je ne sais combien d'euros ou un sujet lors d'un examen de philo.

Et malgré ce petit air triste suspendu au bout de ses lèvres, il ne cesse de les étirer vers le haut. C'est un sourire. Mais un triste sourire.

« - Je ne sais pas. Honnêtement, cette vie est un peu trop une catastrophe ambulante pour savoir si je serais un jour « heureux ». Je présume que le fait de t'avoir à mes côtés est déjà un point positif. Tu ne m'aimes pas, tu ne partages pas mon lit, mais tu es là...À côté de moi. Comme avant. C'est un sentiment nostalgique qui fait un peu mal. »

Je ne saurai dire pourquoi Nathan et moi, ça n'a pas marché. On aurait pu faire en sorte que ça marche, on aurait peut-être même dû faire en sorte que ça marche entre nous, mais nous n'avons juste pas pris le temps d'essayer. On s'est contenté de tourner la page et de passer à autre chose.

Comme si c'était possible de passer à autre chose.

On est ancré l'un dans l'autre.

On s'est aimé avec une telle férocité que je me demande si un jour, dans une prochaine vie, il me sera possible d'aimer comme ça à nouveau.

« - Oh regarde ! Une étoile !

- Ahaha ! Et celui-là, on dirait la tête d'une licorne !

- Pas mal...C'est vrai !

- Ahahaha !

- Hé ! Hé ! Celui-là c'est une tortue !

- Tu la vois comment la tortue là ?

- Bah penche la tête et tu la verras. »

On a ri. Tous les deux on a ri. On a ri ensemble. Comme avant.

Et rire avec Nathan, ça m'a rappelé de bons souvenirs. Tous ceux que nous avions ensemble. Tous ces fous rires. Tous ces regards et ces baisers timides.

Ça m'a rappelé beaucoup de choses.

Comme ô combien je l'aimais.


Graal (BxB)Where stories live. Discover now