Chapitre 51

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Quand il est venu frapper à ma porte, je pensais à une blague. Vous savez, l'une de ces grotesques et ridicules blagues que vous fait le destin ? L'une de celles qui vous restent de travers, comme un arrière-goût amer ? Pourtant, il était là, fait de marbre, le regard cinglant. Il attendait. Il m'attendait.

Qu'aurais-je dû faire ? Qu'aurais-je dû dire ?

Je présume que les personnes censées auraient refermé la porte. Lui claquant au nez et cela aurait été amplement mérité. Mais pas moi. Je ne lui ai pas claqué la porte au nez.

J'ai accepté son marché.

J'ai attrapé sa main tendue vers moi et je l'ai suivi, sans me poser de questions. Je l'ai suivi en sachant que tout mon être tremblait devant lui. Je l'ai suivi en pensant que je faisais là, sans nul doute, la plus grosse erreur de ma vie.

Mais au fond, j'aimais ça. À son contact quelque chose s'est réveillé en moi telle une vieille flamme endormie. Il l'a ravivée. Rallumée. Et j'ai aimé ça. J'ai aimé le suivre tête la première.

Sans réfléchir. Sans hésiter.

Je l'ai regardé et j'ai dit oui les yeux fermés.

Parce que je le croyais. Je croyais en lui, en ses mots trompeurs et en ses gestes ensorceleurs. Je buvais ses mots manipulateurs et je me suis laissé séduire, tout simplement.

Je suis tombé dans son piège tête la première.

Je m'en suis mordu les doigts. Je l'ai regretté.

Et puis, telle une révélation, je me suis laissé emporter.

Par eux, par leur monde, parce que je ne connaissais pas.

Je me suis laissé emporter corps et âme jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de moi.

*****

Il y a encore quelques semaines de cela, je n'étais qu'un étudiant comme les autres. Je ne savais pas ce qu'était la magie, sauf à travers la télévision et la littérature contemporaine. Je ne savais pas qu'un tel monde existait. Je ne savais pas que mes plus proches amis et mes premiers amours appartenaient à ce monde.

Je n'en savais rien et j'étais loin de l'imaginer. Je pense que si on me l'avait annoncé plus tôt, j'aurais ri. J'aurais ouvertement ri au nez de celui m'annonçant une telle nouvelle.

J'aurais ri au nez de celui me disant, à l'exemple d'Hagrid dans Harry Potter : « Tu es un sorcier Antoine ».

Je suis un sorcier.

Je suis une coupe.

Je suis un artefact qui vaut à trois familles de se faire la guerre depuis des milliers d'années, et ce, sans interruption.

Je suis l'objet de la fin du monde.

Et je le vis bien. Du moins, j'essaye.

Au fond, je ne sais pas si mon cerveau a, ne serait-ce qu'un jour depuis, enregistré parfaitement l'information, et je crois que non, parce que me connaissant, je serais sûrement au sol, en boule, en train de pleurer toutes les larmes de mon corps en me répétant « Ce n'est pas possible, ce n'est pas possible, ce n'est pas possible » et pourtant, me voilà, prenant part à cette guerre. Prenant une part intégrante à cette guerre.

Me voilà, au milieu des bois, combattant des monstres de toutes sortes.

Des monstres humains, sorciers.

Des monstres que l'on appelle « démon », que l'on ne voit qu'affreusement imités à la télé.

« - Antoine arrête ça ! »

Je voudrais bien.

Mais je ne sais pas comment on fait.

J'ai l'impression que la magie s'écoule comme un énorme flot contenu alors depuis des années. J'ai l'impression d'avoir le monde à mes pieds. J'ai l'impression de me sentir...Fort...Puissant. Alors que véritablement, j'ai toujours ce même look d'asperge.

Je ne sais pas comment faire pour arrêter.

Je ne contrôle pas.

Je ne contrôle plus.

« - Viviane.

- Je sais, je sais. Puisque c'est comme ça. »

Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Viviane ?

Je la suis des yeux tandis qu'en un instant, elle se retrouve derrière Julius, passant son bras autour de lui, l'autre scintillante d'une étrange lueur rougeâtre, dans son dos.

« - Antoine...Regarde-moi. »

Viviane.

« - Arrête ça maintenant, tu nous compliques trop la tâche. »

Pardon ?

« - Tu ne voudrais quand même pas qu'un accident arrive.

- Viviane...Qu'est-ce que tu fais ?

- Sérieusement les gars, je suis fatigué. Tout se déroulait presque trop bien et là...Là, je suis fatigué de jouer.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Vous ne vous êtes jamais demandé qui était le chef de famille des Tenebris ? »

Non.

Pas ça.

Non.

« - Marc, Anna, débarrassez-vous de Nathan. Ça ne devrait pas être trop dur non pour deux boulets comme vous ? Dire que j'étais à deux doigts d'avoir le Graal rien que pour moi. Antoine, avance-toi gentiment sans faire d'histoire.

- Attends, attends...Viviane !! Je ne sais pas à quoi tu joues, mais ça...Ce n'est pas toi ! Tu étais avec moi...Je veux dire.

- Dans la prison ? Oui. C'était voulu. Il fallait un rôle convaincant non ? Franchement...Tu as cru que j'étais toute douce et toute gentille ? Ne me confonds pas avec mon frère ? Hein Julius ?

- T'es qu'une putain.

- Oh, c'est pas gentil de dire ça à sa sœur chérie.

- Crève.

- Dis celui qui est à deux doigts d'y passer le premier. »

C'est une illusion.

Un rêve.

Oui. Un mauvais rêve.

Ça ne peut être que ça.

« - Je compte jusqu'à trois Antoine.

- Ne viens pas idiot ! Fuis ! Dégage de là !

- Un... »

Tandis que Nathan repoussa sans mal Marc et Anna pour rejoindre mes côtés, il se mit comme devant moi, servant de bouclier à ce qui allait venir vers nous.

« - Deux...

- NATHAN ! PRENDS ANTOINE ET DÉGAGE ! »

L'horreur.

« - Trois. »

Le désespoir.

Graal (BxB)Where stories live. Discover now