Graal (BxB)

Chapitre 47

Nathan et moi, nous sommes restés assis l'un à côté de l'autre à contempler le ciel pendant un bon moment. Étrangement, l'espace d'un instant on en aurait presque oublié le pourquoi du comment nous nous sommes retrouvés dans une telle situation. On aurait presque oublié pourquoi nous étions sous cet arbre à regarder le ciel.

On aurait presque oublié tout le reste et le monde lui-même.

« - Ta tendre moitié n'est toujours pas levée ?

- Apparemment non. Je vais aller voir, attends. »

Je me relève et abandonne Nathan au tronc d'arbre. Il continue de me regarder avec cet air désespérément triste comme si à chaque mention de Julius, une part de lui se brisait encore plus.

« - Tu devrais aller voir Viviane toi.

- Ahaha ! Très drôle ! »

Pourtant, il se redresse et me suis jusque dans la maisonnée, nos chemins se séparant au détour d'un couloir.

Quand j'entre dans la chambre, j'essaye de faire le moins de bruit possible au cas où Julius serait encore là, endormi, dans son petit monde, mais à ma grande surprise, le lit était déjà fait et personne n'était dedans.

Il devait être levé. En même temps, ce n'est pas vraiment son style de faire la grasse matinée.

Je passe un coup d'œil furtif sur la chaise et n'y voit pas sa chemise, ni rien d'autre. Signe qu'il doit bel et bien être debout, se baladant quelque part dans les couloirs.

J'ai l'impression d'être Dora l'exploratrice et de devoir aller à sa recherche.

Let's go !

Je regarde entre chaque ouverture de portes, découvrant des pièces au fur et à mesure de ma visite et de mon exploration et finit par entendre des voix au détour d'un couloir.

« - Je pense que nous n'avons pas le choix. »

La voix de Balthazar ?

« - Qu'est-ce que tu fiches ? »

Le murmure de Nathan me fait sursauter tandis qu'il pose son menton sur ma tête pour espionner avec moi, une oreille tendue vers la porte.

« - Je n'apprécie pas l'idée. »

Oh. Cette fois je reconnais cette voix grave et sensuelle.

« - Tu as une meilleure proposition peut-être ? »

Nina aussi était avec eux. C'était quoi cette réunion de famille là ?

Curieux, Nathan et moi nous nous sommes avancés en même temps d'un peu plus près.

« - Je sais que tu désapprouves Julius, mais nous ne pouvons plus nous permettre de telles folies et tu le sais. Le moment ne nous permet plus de profiter ainsi de la situation. Donc, sers les dents mon garçon et essaye de digérer la pilule. »

De quoi parlait-il ? Pourquoi la voix de Julius semblait trembler autant ? Comme s'il refoulait quelque chose, comme s'il le contenait au plus profond de lui-même.

« - Quoi qu'il arrive à partir de maintenant, Antoine restera sous notre bonne garde et je tiens à ce que ce vous vous occupiez tous les deux de cela. Ils viendront bientôt le chercher.

- Et si...

- Fuir n'est pas une option Julius ! Nous en resterons à notre idée première. Antoine ne devra jamais, ô grand jamais tomber entre les mains des Caligari ou des Tenebris. Jamais ! Et si jamais cela devait se passer... »

Il eut un silence dans la salle tandis que mon cœur s'emballait de plus en plus. Pourquoi ? Pourquoi ai-je si mal soudainement ? Pourquoi est-ce que je redoute autant la suite de cette phrase ?

« - Et si jamais cela devait se passer...Le vœu du Graal doit nous être accordé avant. Tuez-le. Nina tu t'en occuperas.

- Non ! Je veux le faire. »

Nathan se recule brutalement de l'encadrement de la porte, la poussant au passage tandis que les trois visages se retournent vers nous, mon visage déconfit faisant face à celui d'un Julius surpris.

« - Antoine, attends... »

Mais mon corps se redressa et comme dans une nécessité de survie, mes jambes s'enfuirent de ce couloir à toute vitesse.

« - Antoine ! »

Je sais qu'il est derrière moi.

Je l'entends.

Je l'entends me poursuivre et dans un cri assourdissant, je lui hurle :

« - NE ME SUIS PAS ! »

Un énorme mur de terre se dresse entre nous faisant trembler le sol de la maison tandis que je profite de cette occasion pour continuer ma fuite.

Il fallait que...Il fallait que je sorte. Que je parte.

Je ne pouvais pas lui faire face. Pas après ce que je venais d'entendre.

Pas après ce que je venais...Non...Je ne pouvais pas.

J'ai l'impression qu'à chacune de mes respirations mon cœur se compresse, s'emballe et se déchire.

J'ai l'impression qu'il se brise.

Je crois qu'une partie de moi est en train de mourir.

Avant même que je n'atteigne la prairie, une traînée de flammes me fait brusquement freiner dans ma course tandis que Nathan arrive à mes côtés.

« - Arrête-toi. »

Le savait-il ?

Était-il de la partie lui aussi ?

« - Nathan... »

Pourquoi quand je vois son visage j'ai cette horrible sensation au fond de moi ?

Toute la terre se met à trembler sous nos pieds tandis que Nathan tend les bras en avant comme pour essayer de tenir en équilibre. La terre tremble à cause de moi, je le sais, je le sens.

« - Antoine...Il faut que tu te calmes. »

Pourquoi ? Pourquoi le ferais-je ?

J'essaye, mais je n'y arrive pas. Je ne veux pas me calmer. Je veux hurler, crier et sortir tout ce que j'ai si longtemps retenu au fond de moi.

« - Laisse-moi t'aider. »

Il tend ses bras vers moi et quand il arrive à m'attirer à lui, tout semble s'apaiser soudainement comme s'il avait été le canaliseur d'une brusque catastrophe à venir.

« - Je suis certain qu'il y a une explication au comportement de Julius. Il l'a dit, tu te souviens ? Il ne laissera personne toucher à l'un de tes cheveux. Ai confiance en lui. »

Sa main passe dans mes cheveux tandis que tout mon corps se laisser aller à sa caresse. C'est traître comme comportement, mais je crois que j'en avais besoin.

D'un baume au cœur.

« - Ça me fait mal de l'admettre, mais ai confiance en lui. En moi. En nous deux. »

Comment pourrais-je ? Comment pourrais-je ne serait-ce que lui faire face après tout ça ? Comment pourrais-je le regarder droit dans les yeux maintenant que l'idée qu'il soit mon potentiel assassin s'est immiscée dans mon esprit ?

J'aimais Julius, mais j'aime encore plus la vie.

J'aime trop la vie pour lui laisser ce privilège et cet honneur.

Si quelqu'un doit mourir le premier, cela ne sera pas moi et je ferais tout pour que ça ne soit pas moi.