Chapitre 39

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Je me suis retrouvé devant la porte de sa chambre en quelques secondes. Parti avec la détermination aux tripes, elle s'est vite envolée une fois que j'ai réalisé où j'étais et où je m'apprêtais à entrer. Donc je suis resté là, les bras tendus le long du corps à me demander ce que je faisais ou bien même ce que je devais faire.

Cette scène avait d'ailleurs un arrière-goût de déjà vu pour moi, comme lors de cette fois-là au campus, sauf que cette fois, je ne crains pas de le voir débouler juste en face de moi.

« - Tu n'entres pas ? »

La voix de Viviane par contre arrive à m'arracher un sursaut.

Elle a le regard curieux et le sourire amusé.

« - Je...Je ne...Je passais juste voir si... »

Je bafouille. Je panique.

Calme-toi idiot ! Ce n'est pas la première fois que ce genre de chose arrive. Pourquoi perdrais-je soudainement mes moyens ?

Respire un bon coup, ça va aller.

« - Tu sais, ça lui fera plaisir de voir que tu vas bien. »

Elle est exactement comme le souvenir que j'ai d'elle. Souriante, avec ce regard bienveillant et des mots tout doux à l'oreille.

« - Ah. »

À l'autre bout du couloir, derrière nous, il y avait Nathan. Nathan qui attendait, qui observait. Il devait s'en doute se demandait ce que je foutais, pourquoi je n'avais pas franchis le pas. Je me suis senti mal en croisant son regard. Nathan, il a toujours été là pour moi, malgré nos divergences et malgré tout le reste. Il a choisi mon côté plutôt que sa famille. Je ne sais pas quel autre sacrifice il fera encore, mais sur l'instant j'eus l'impression d'être une horrible personne et d'abandonner Nathan.

Je le savais : Si je franchissais cette porte, je faisais un choix entre ces deux-là.

J'ai aimé Nathan. Je veux dire, je l'ai réellement aimé. Je l'ai aimé comme on aime la première fleur de printemps. Je l'ai aimé comme on aime un premier amour : follement, mais Nathan et moi...Tous les deux...C'était une autre histoire.

Quand j'étais plus petit, j'avais tendance à rire et à me moquer de ce que je lisais dans les bouquins qui contaient une histoire d'amour : Ce dilemme cornélien qui partage le personnage principal entre destiner son cœur à telle ou telle personne. Je me disais « C'est d'une telle évidence ! Tu prends celui que tu aimes vraiment ! ». Oui, à l'époque c'était évident. À l'époque s'il n'y avait eu que Nathan contre quelqu'un d'autre...Je l'aurai immédiatement choisi. Je ne sais pas trop pourquoi...Un garçon n'était pas censé en aimer un autre. Quand ça s'est su d'ailleurs, j'en ai pas mal souffert, puis au final je me suis dit que de toute façon...Même si j'essayais les filles, ce que je fis durant de longues et longues années, aucune d'elles n'avait réussi à faire battre mon cœur difforme comme Nathan l'avait fait. Aucune d'elles n'avait réussi à me faire traverser ce que Nathan m'avait fait traverser.

Nathan était le feu. Constamment brûlant, toujours brillant. Il attirait et il n'avait pas de mal, lui à combler le vide de son cœur.

Moi je n'étais qu'un petit papillon de nuit attiré par la lumière.

La liberté du vent contre l'ardent d'un volcan.

Quel choix s'offrait à moi ?

Je préférais mille fois me prendre un méchant courant d'air dans la tronche que de me brûler sans cesse et de m'en sortir marqué à vif.

Alors, j'ai regardé Nathan, droit dans les yeux. Je ne lui ai rien dit. Je ne lui ai fait aucun signe. Je me suis contenté de le regarder et j'ai franchi le seuil de la porte.

J'y suis entré...Dans la caverne du grand méchant loup.

Je l'avais fait mon choix.

Je me suis approché du lit, sur la pointe des pieds. Au fond, j'avais juste la trouille et puis on entendait que les battements de mon cœur agité.

Mais Julius, lui, n'entendait rien. Il était là, endormi et c'est la première fois que je le vois ainsi. Le visage paisible, presque serein. Ses longs cheveux noirs tombent parfaitement le long de son visage, épousant ses traits à merveille.

Je fus surpris par sa beauté.

Même amoché, Julius Maganti était beau.

Moi, je fus battu par des racines et de la boue.

Nina avait raison : Je suis pathétique.

Comment pouvais-je me comparer à Julius ? Ou bien même à Nathan ?

Je leur suis reconnaissant et tellement dépendant que ça m'en fait mal. J'aimerais faire quelque chose pour eux. J'aimerais...J'aimerais leur offrir une vie qu'ils méritent tous deux.

« - Je suis désolé... »

Approchant une main indiscrète de son visage, je sens la sienne saisir vivement mon poignet tandis qu'il ouvre un œil et qu'il affiche un demi-sourire.

Avant même que je n'eus le temps de réagir, il m'attire dans son lit et je me retrouve très vite allongé là, sur le dos, sans défense, les bras en l'air, les yeux rivés dans les siens tandis qu'il s'installe confortablement sur moi, m'écrasant de tout son poids.

« - Je me demandais quand tu viendrais.

- M'attendais-tu ?

- Je me languissais plutôt. Ça serait plus juste. »

Était-ce une bonne idée ? De faire ça ici et maintenant ? Je n'en avais pas vraiment l'envie, ni même le cœur. J'étais celui qui a été le moins impacté, le moins touché et pourtant, je suis celui qui fait une tête d'enterrement comme si on venait de lui annoncer une terrible nouvelle.

Eux, ils s'en fichent. Ils en ont tous l'habitude. Pour eux, c'est une routine.

Une triste tradition.

« - Tu fais une de ces têtes...Qu'est-ce qui ne va pas ? »

Comprenant certaine à mon visage trahissant tout mon ressenti, il se retire et s'assoit à côté de moi tandis que mes yeux se perdent sur ses bandages.

« - Ça ne fait pas mal. Je vais bien. »

Lui peut-être, mais pas moi.

Non, je ne vais pas bien, moi.

Et je crois qu'il le sait.

« - Tu veux en parler ?

- Non...Je n'ai pas envie de parler.

- Qu'est-ce que tu veux alors ?

- Je ne sais pas. Je peux dormir là ce soir ? »

Il me regarde d'un drôle d'air, curieusement je dirais, puis fini par hausser les épaules.

« - Si tu veux... »

Quand je le regarde, il me paraît déçu, il s'attendait certainement à plus et je ne sais pas si, pour le moment, je serais prêt à lui offrir ce « plus ». Je l'ai fait une fois c'est vrai, mais les circonstances étaient différentes. La première fois, il n'y avait rien. Rien d'autre qu'un vide, un trou. Pas de sentiments. Rien.

Là c'est différent et je veux qu'il le comprenne.

Je veux qu'il comprenne que ça ne sera pas et ça ne sera plus comme « avant ».

Il s'allonge alors à côté de moi, croisant ses bras derrière la tête et fixant le plafond. On se plongea mutuellement dans un silence de plomb. Nous n'avions rien à nous dire et tout à nous dire à la fois. C'était troublant, alors ne sachant quelle option prendre, je pense que l'on a opté pour la meilleure : Ne rien dire, tout simplement.

Graal (BxB)Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu