Chapitre 7 : Listes de courses

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Le lendemain matin, je suis pile à l'heure pour déposer les filles mais tout juste en retard pour mon rendez-vous avec Zora. À moitié débraillée, je fonce me remettre au travail, tout en m'ajustant dans l'ascenseur. Décidément ces derniers temps il y a du relâchement.

Je suis en chasse pour un profil financier en ce moment. Je laisse Zora chercher de son côté et je prospecte du mien, à deux nous avançons plus vite.
Elle a l'air presque gênée ce matin, je ne reconnais plus ma petite protégée. Au terme d'un interrogatoire intéressé, j'en apprends la cause, elle en pince pour Jake ! Ça me fait un électrochoc, mi-amusée, mi-troublée, je bafouille que je vais essayer de sonder le terrain pour elle.
Tout au long de la journée, je passe des coups de fils, épluche des profils et CV avec cette idée en arrière fond.

Cela m'obnubile tellement que même le soir quand j'ai Jake au téléphone je suis un peu ailleurs.

— June ? Tu m'écoutes ?

— Oui bien sûr ... Dis ...

— Accouche, je vois bien que tu es ailleurs !

— Tu as jamais cherché à te recaser ?

Seul son silence me répond dans un premier temps, je l'entends soupirer puis il se lance.

— Pas vraiment au début, j'avais trop mal pour y penser. Quand ma femme m'a quitté je crois que j'ai perdu confiance ... en moi et en la gente féminine. Et il y a les filles aussi, je ne veux pas qu'elles souffrent à nouveau.

— Je comprends. Mais tu viens de dire au début, c'est que maintenant tu y penses ?

— Je suis un mec June, j'ai des besoins.

— Oh !

Aie, je suis tout à coup très mal à l'aise sur le sujet, je l'entends rire.

— Pas que ça Juju, je te parle de serrer quelqu'un dans ses bras, s'endormir avec en sachant qu'il serra encore là demain, pouvoir compter sur elle. Quelqu'un qui serait là au quotidien.

— Je comprends.

— Je pense que oui, toi aussi, tu dois ressentir cela, sinon tu aurais pris ton envol et n'habituerais plus chez Jim.

— Quoi ? Non ça n'a rien à voir, je suis ici car plutôt que de payer un loyer exorbitant, j'ai un colocataire hyper sympa et une immense maison.

— Tu es sûre qu'il n'y a que ça ?demande-t'il sceptique.

— Tu penses qu'entre Jim et moi ... ? Beurk ! Comment peux-tu penser cela ?

L'idée me paraît incestueuse, comment peut-il surtout seulement l'évoquer ?

— Mais calme-toi June, je dis seulement que tu es ici pour ne pas être seule et que tu te voiles la face.

Il m'agace, on s'en balance du pourquoi du comment je vis chez Jim.

— Je ne vois ...

— June, ça n'a pas d'importance pour moi, je te dis que je comprends c'est tout, mais un jour, tu rencontreras quelqu'un et ...

— Mais bordel Jake, je ne peux pas ! Je suis mariée !

— Et tu vas attendre toute ta vie que cet imbécile décide de se pointer ?  Bon sang réveille-toi, va de l'avant. Imagine que cette alliance, ce soit au final celle de ton arrière grand-mère et que tu te prive pour rien ?

Je lui raccroche au nez, la conversation ne mène à rien. Je suis tellement en colère que je vais en parler à Jim autour d'une tisane. Il m'écoute attentivement me plaindre avant d'émettre un sourire gêné.
Et mince il pense pareil.

— Écoute June, tu devrais relancer les recherches encore une fois et passer à autre chose.

— Je n'en peux plus de ça, voir ma tête dans les journaux et à la télévision j'en ai marre. C'est finit. Et puis maintenant avec mon boulot, je ne peux plus me le permettre.

— Alors sors avec des hommes... Jake ? Ce jeune psy qui veut écrire sur toi ? Ou ton procureur adjoint ?

— Arrête avec Jake, c'est mon ami, c'est tout. Et j'ai des projets pour lui et Zora.

— Le psy alors ?

— Tu plaisantes j'espère ? L'imposteur ou le vieux momifié ?

— Le proc dont tu me parles ?

— Mais je ne l'ai jamais vu, je l'ai eu trois fois au téléphone, si ça se trouve c'est un vieux tout racorni. Il est peut-être même marié.

— Au moins tu n'as pas dis non. Je peux te présenter un de mes internes sinon.

Je vois son cerveau en ébullition et je me rends compte alors qu'il est trop tard la machine est en marche. Il va tout faire pour me trouver quelqu'un. Je prétexte de devoir vérifier si les filles dorment bien pour y aller, le laissant avec ses projets matrimoniaux.
Je sais déjà qu'elles dorment dans le même lit, Mister Peanuts allongé de tout son long entre elle deux. Ce chien est vraiment un opportuniste !

Elles sont dans la chambre de Marc, je m'attarde un peu sur l'extrême sobriété de la pièce, c'est fou quand même, zéro déco, zéro objet personnel, pas même un poster d'un catcheur ou d'une équipe de foot... c'est triste non ? Celle d'Emy, avant qu'on ne la débarrasse et qu'on ne repeigne comme toute la maison, était très différente, très simple en mobilier mais avec un mur "sensoriel" plein de textures et d'objet en reliefs adapté à son handicap.

La mienne, anciennement bureau de la femme de Jim est dans des tons bleu canard et bois, avec un cadre photo de paysage du Montana. C'est un voyage que j'ai fais il y a trois ans après avoir finis ma rééducation, Jim a estimé qu'il fallait qu'on fasse un nouveau départ, un reset et que je me créée des souvenirs mais nous n'avons pas pu quitter les États-Unis à cause de mon absence d'identité. Aujourd'hui je pourrais, Sidney a arrangé ça, une rétribution pour mes bons et loyaux services en quelque sorte. Toujours est-il qu'à l'époque de notre road trip de deux mois, nous avions sillonné le pays de long en large et j'en remercie vraiment Jim car je me suis fais des souvenirs de fous là-bas, je pense que ce voyage était tout autant bénéfique pour lui, même si laisser Marc tout ce temps lui a demandé beaucoup d'effort, il a pensé à autre chose durant un été.

Je redescends le voir et dépose un baiser sur sa joue, j'aperçois qu'il griffonne une liste sur la feuille où les filles ont noté tous mes métiers potentiels. Il a dû piocher dans ma sacoche lui aussi.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Une sélection d'hommes que je connais qui éventuellement pourraient te plaire !

J'émet un son étrange entre le rire et le hoquet et me penche par dessus son épaule, mon Dieu, bonjour la honte, il y a là un voisin, le type du Walmart, son pasteur et une dizaine de collègues, Mac Coy également et Jake bien évidemment.
Je souris, ils sont touchant tous à vouloir mon bonheur.

— Vas te coucher ma puce, tu es épuisée.

— Quoi ? Mais je voulais te faire une liste pour toi-même.

— Ne m'en parle pas, j'ai une troupe de vamp à mes trousses en ce moment. D'ailleurs au gala de charité vendredi, tu me feras le plaisir de me protéger.

Tu m'étonnes célibataire, riche et chirurgien... Elles doivent se bousculer au portillon.

Dans la nuit, j'ai un flash, j'ai oublié de donner au procureur la liste des pièces, je l'ai bien préparée mais je suis descendue avec Zora sans passer par l'imprimante. Je me relève et à tatillon, j'allume l'imprimante et scanne le dit papier qui était dans mon attaché case tout en dormant encore à moitié.

L'esprit plus serein je vais me recoucher, demain ce sera encore la course. Heureusement Jake rentre dans la soirée. Ce qui est une bonne chose car les filles commencent à le réclamer. Un soir c'est fête, deux c'est chouette mais trois c'est le drame, j'ai déjà testé il y a trois mois en les gardant la semaine, j'ai dû me montrer très imaginative pour les consoler et ça s'est finit en nuit dans une cabane de tente de lit, toutes les trois boudinées dans des sacs de couchage sentant le feu de bois d'un précédent usage.

Ps : je rentre bientôt (Terminé)Where stories live. Discover now