Chapitre 33 : le grand pardon

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Un mois a passé depuis notre horrible découverte. Sam a pris de la distance et moi-même, comme j'en avais besoin, je l'ai laissé faire. Nous nous sommes peu revus et c'était bien ainsi. Je crois qu'il a vraiment essayé de "rencontrer" June mais qu'il avait le deuil d'Abby à faire.

Je n'ai pas dis à Jim ce qu'il y avait dans la cabane pourtant j'y songe chaque jour. Je revois parfois le corps en décomposition assis sur sa chaise, attendant inlassablement d'être délivré. Je rêve d'Abby souvent, j'imagine sa peur de mourir, sa solitude, bien pire que la mienne, son désespoir... J'imagine en boucle ce qu'elle a pu ressentir, tant et si bien, que je ne sais même plus si c'est mon imagination ou la réalité.

Bizarrement, j'ai tardé à aller voir le docteur Ellis, autant que j'ai tardé à faire cette visite que je m'apprête à rendre.

Ellis m'a aidé, il m'a écouté, il a eu les yeux humides même. Je crois qu'il tient à moi. Et il m'a dit que j'avais encore quelque chose à faire pour aller de l'avant. C'est pour cela que je suis là aujourd'hui.

Je gravis les marches une à une et me dirige vers cette chambre que je connais si bien. Il est là, immobile comme toujours, le teint jaune, mal en point, tenant bon. Pour je ne sais quoi d'ailleurs !

Je me mets le plus loin de lui possible et j'écoute le son de ma propre voix, comme si j'étais spectatrice de cette scène surréaliste.

— Je ne sais pas si tu as réalisé que je n'étais pas venue depuis un mois... Je ne sais même pas à vrai dire, si cela te fait quelque chose. J'étais en colère, je te haïssais du plus profond de mon être, je me sentais trahie. Je me suis attachée à toi, découvrir que tu avais une part de responsabilité dans ce qui m'est arrivé, c'était comme si tu me l'avais caché, que tu m'avais laissé te veiller, t'attendre pour rien.

Je marque une pause.

— Je me suis dis "mais comment a-t'il pu les regarder se faire massacrer, laisser l'autre m'emmener dans sa planque et me maltraiter ?" je t'ai eu en horreur pour ça ! Puis j'ai écouté à nouveau Jessie raconter comment tu l'avais sauvé en partie, comment tu m'avais pris sous ta protection... Que tu n'avais peut-être pas sacrifié ta vie pour les sauver mais que tu ne voulais pas cela, qu'à ta façon, tu avais essayé de l'en empêcher. Et là, j'ai cessé de t'en vouloir. Tu le paie depuis cinq ans !

Respire !

— Le monde n'a pas besoin que l'on salisse ton nom. Je sais, aujourd'hui que tout ce que tu voulais, c'était dire au Ferguson qu'ils t'avaient tout volé et qu'ils étaient là, insouciants, à se rendre à leur fête de famille. Tu voulais qu'on sache que ta mère et ta sœur méritaient plus que cela. Qu'elles étaient des gens biens qui méritaient leurs peines... Tu n'as jamais voulu leurs cris, leurs hurlements et leurs terreurs.

Je me rapproche et m'assieds au bout du lit, je regarde sa main, incapable de regarder son visage.

— Tu voulais me sauver. Je l'ai compris, tu sais. Ton accident correspond probablement au jour où nous sommes arrivés à la cabane... Tu as essayé, mais il t'en a empêché, il t'a envoyé ici. J'ai beaucoup parlé avec Jessie, elle est rentrée chez elle maintenant, Barklo, son père voulait qu'elle reprenne le cours de sa vie. Mais elle voulait que je te dise qu'elle te pardonne et qu'elle te remercie d'avoir mis au monde son bébé. Je ne sais même pas si tu m'entends, ni même si cela te fait quelque chose... Mais, même si Jake ne comprends pas, je vais revenir et je prendrais soin de toi comme tu as pris soin de moi. Le monde n'a pas à comprendre. Je te pardonne et je te remercie de ce que tu as fait pour moi.

Parce que toi et moi, au premier regard, on a été une famille, celle de Jim, fracassée et bancale mais tenace. On a su qu'envers et contre tout, nous ferions tout pour la sauver.

Ps : je rentre bientôt (Terminé)Where stories live. Discover now