Chapitre 9 : le retour du héro

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Tard dans la soirée, je me reveille collée contre les filles et Mister Peanuts sa bave a trempé ma manche, c'est très glamour. La lumière du salon et des bruits de voix me poussent à aller voir si Jake est enfin rentré.

— Pourquoi tu cours partout comme ça ? Tu pourrais envisager de baisser tes heures un peu non, le temps que les filles s'apaisent ?

— Tu rigole Jim ? J'arrive même pas à boucler les fins de mois, je peine à payer un loyer, les frais de scolarité et subvenir à leurs besoins, heureusement que je vous ai vous deux pour m'éviter les frais de garde.

— Mais c'est fou ! Ton ex-femme ne peut pas t'aider ?

J'entends Jake soupirer profondément, il se livre plus facilement à Jim qu'à moi je remarque avec un pincement au cœur, je reste encore quelques secondes en retrait.

— Non, elle s'est trouvé un autre mec et ça ne colle pas dans ses projets de s'encombrer avec des gosses.

— T'as vraiment pas dû chercher loin pour la trouver celle-là !

— L'amour rend aveugle que veux-tu.

— Surtout très con mais bon, au moins, elle t'a fait des modèles plutôt réussi. Tu sais, j'envisage de louer l'annexe au dessus du garage à un étudiant, ce serait peut-être mieux si je te louais à toi tout le studio, il a deux belles chambres et un salon ... pour la moitié de ton loyer actuel bien entendu, on n'est pas dans le centre de Boston et ça n'a pas la même valeur locative ! Par contre, c'est trop loin de l'école des filles, faudrait les mettre à Saint-Paul.

Nouveau soupir, mais plus enthousiaste.

— Si tu savais comme je serais tenté d'accepter ! Mais ce ne serait pas bien, tu ne vas pas ramasser tous les chats errants du quartier, tu avais ta vie tranquille et d'abord June puis nous ? Tu n'y survivras pas.

Sympa pour moi !

Il a dit ça dans un sourire que je sens à sa voix. Je devine d'avance la réponse que Jim formule, plus pragmatique.

— Tu sais gamin, c'est la solitude qui me tue, avant cette maison était remplie de vie et après la mort de ma femme et de ma fille, l'accident de Marc, c'est devenu trop vide. Puis June est arrivée, tel un oiseau tombé du nid, elle avait tout à apprendre et moi tout à donner, elle a mis de la vie dans ma vie avec sa fragilité et sa force, cette particularité que je n'ai jamais rencontré que chez elle. Un jour, elle t'a ramené, tu nous a confié les filles puis la vie a repris son cours dans ma maison sans même que je m'en rende compte et j'ai arrêté de pensé à chaque seconde à ce que je n'avais plus. Alors si toi cela t'aide de venir vivre ici, je t'en prie, ne te prive pas, tu seras complètement indépendant et tu pourras respirer financièrement un peu plus.

Je choisis de me montrer à ce moment là et j'ai le droit à l'éternel :

—'lut ! Ça va ?

— "i"

Il me regarde avec incompréhension.

— J'ai le droit à un demi bonjour, je te fais une demie réponse, c'était un oui mâché !

— Ça fait plaisir de retrouver ton humour décapant Juju.

Je souris et m'assois à coté de lui et en profite pour faire un rapide compte rendu. Évidemment il n'est pas ravi des agissements de Becky mais ne dit trop rien de désobligeant sur notre gestion de la situation, à la place il nous offre un panier gourmand chacun en remerciement. Il me connait bien le bougre, il a mis un assortiment de chocolats noirs équitables.

— Sans huile de palme, précise-t-il narquois alors que je retourne le paquet.

À son regard je sais qu'il ne se moque pas tant que cela, il respecte mes choix et convictions.
Il pose sa main sur mon épaule et me regarde avec amusement.

— Alors avec Mac Coy, tu as encore fait des tiennes ?

Comment sait-il ?

Je fusille du regard Jim qui lève les mains au ciel à l'instant où j'ouvre la bouche.

— Tu lui as raconté ?

Les deux hommes se mettent à rire pendant que je refuse de parler et pioche dans mon panier gourmand l'air de rien. Je remarque que le fond du panier est fait avec un article de journal, un petit encart me saute aux yeux et je me mets à glousser comme une dinde en leur disant à voix haute l'objet de ma surprise "les cravaches dans les boutiques équines en rupture après la sortie de cinquante nuances de grey"
À leur tête je comprends qu'ils ne voient même pas de quoi je parle et je me perds dans mes explications en rougissant.

— C'est Zora qui m'a emmené voir ce film... c'est l'histoire d'un type sadique qui tombe amoureux d'une jeune fille innocente et un peu nunuche qui se découvre pas si innocente que cela.

— Ça m'a l'air intéressant. Lance Jim sceptique.

— Je résume mal.

— Oui c'est indéniable, glousse Jake en me retirant l'article des mains.

À son sourire en coin, je devine qu'il ne sera pas contre aller voir le dernier opus quand il sortira.

— Demain vous me gardieriez les filles encore même si c'est abuser ?

Avec Jim nous bafouillons un empêchement, ni l'un ni l'autre n'assumons d'aller à ce gala de charité devant Jake.

— Non mais je peux peut-être demander à - je ne sais pas - Zora.

— Je te vois venir à des milliers des kilomètres à la ronde avec tes gros sabots. Je vais demander à la voisine de me les surveiller.

— Hum... elle est mignonne ?

Il demeure pensif et pose sa main sur son menton.

— Quand on y pense, elle est très mignonne ...

— Mais c'est génial !

— ... Du haut de ses quatre-vingt ans, achève-t'il en riant, puis contemplant mon panier gourmand, il ajoute : tu devrais te remettre à courir.

Le salaud !

C'est vrai qu'avant je faisais plus de sport, j'y étais obligé, les longs mois d'hospitalisation avaient eu raison de ma masse musculaire. Bille en tête et tête au vent j'avais alors couru à en perdre la raison, me prenant presque pour Forest Gump. La raison secrète à mon acharnement que je n'ai révélé qu'à Marc, mon ami qui garde tellement bien les secrets, c'est que j'espérais profondément qu'à ce moment-là on me retrouve et je voulais être présentable. Pas cette espèce de loque sans muscle sans visage qui avait été ramassé au fond d'un jardin en ce début d'été ... il y a maintenant quatre ans et demi. Et puis j'avais ralenti les séances de kiné, couru un peu moins, arrêté les séances de gainage et les pompes ratées pour chercher un travail, m'occuper du quotidien. J'ai cessé d'attendre et j'ai réellement vécu à partir de cet instant.

Parce que j'ai appris et ne cesse d'apprendre que le présent est réel, lui.

— Oh la la, tu es bien trop sérieuse tout à coup, allez un petit digestif pour noyer nos problèmes à tous ? Lance Jake en piochant dans la réserve de Jim qui se laisse faire, demain il ne travaille pas lui mais moi je me demande bien quelle tête nous allons avoir avec Jake.

Ce soir là, à trinquer avec mes deux compagnons de galère je me dis que ma vie est chouette, et que finalement je ne vois pas bien ce qui pourrait m'inciter à retourner voir Ellis, je m'en sors très bien à ma façon.
Et cerise sur le gâteau demain, je vais passer un peu de temps en bonne compagnie dans un endroit chic et en tenue de rêve.

Ps : je rentre bientôt (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant