Chapitre 2

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Ethan.

       Il est six heures du matin et mon réveil n'a pas encore sonné, pourtant je suis déjà debout. De ma fenêtre, je regarde l'aube faire son apparition. Les nuages sombres laissent place à de longues étendues de couleurs vives, et je ne peux m'empêcher de me demander si un jour l'obscurité qui sommeille en moi sera remplacée par ce genre de luminosités. Probablement pas, même une étoile en serait incapable.

C'est une habitude que j'ai prise avec les années. Chaque matin je m'agenouille sur ce grand lit et contemple le ciel retrouver de sa joie, parfois je pense même à Maman en regardant ce spectacle. Si le Paradis et l'Enfer existent vraiment d'après ce livre sacré, je continue de penser que son âme s'en est allée en haut. Avec les anges. Ce sont des choses banales auxquelles je pense souvent, quand je serai mort où j'irai moi ? Chez les gentils ou chez les méchants ? La vraie question serait : suis-je quelqu'un de mauvais ou de bienveillant ?

L'alarme de mon portable se met à sonner. Je me lève rapidement, prend une douche, puis enfile ce qui me passe sous la main. Un t-shirt blanc qui n'a visiblement pas été repassé et un jean noir. Je n'ai jamais eu de joli style vestimentaire, et je vous mentirais si je vous disais que je portais de l'importance à mon allure. À quoi bon ? Il est tout à fait normal pour un être humain de vouloir se sentir bien dans sa peau, présentable et propre. Mais vouloir à tout prix se sentir beau et attirant aux yeux de tous, n'a rien de normal. Ce n'est qu'un moyen parmi tant d'autres de combler un manque de confiance en soi. Le regard des autres finit par être un ennemi quotidien que nous pensons vaincre en devenant ce que nous ne sommes pas. À quoi bon, lorsque l'on est comme moi ? Insensible à ce qui nous entoure.

Je termine ma toilette dans la salle de bain, et regarde de longs instants mon reflet dans le miroir. Ma corpulence n'a jamais été très avantageuse, au-delà de ma taille qui ne dépasse pas les un mètre soixante-dix-huit, l'absence de biceps et d'abdominaux sur mon corps fin ressort de manière flagrante. Je ne suis pas du genre à aller à la salle de sport, (je risquerais de me faire des déchirures musculaires sans le savoir), ni à me faire des coupes au gel, ce qui explique pourquoi mes cheveux noirs sont constamment décoiffés et étalés au-devant de mon visage. Ma peau pâle, comparable à de la pierre fait ressortir la pigmentation bleu ciel de mes iris. Un bleu aussi clair que celui qui animait le regard rieur de Maman, pourtant beaucoup plus terne et moins lumineux que le sien.

Après avoir descendu les escaliers, je suis pas étonné de constater que mon père a disparu. Si le soir il lui arrive de rentrer bourré, la journée il se débrouille pour ne pas me croiser. C'est la seule manière qu'il a trouvée pour ne pas être confronté à cette dure réalité, à ce passé inéchangeable qui pourtant continue de l'épier en lui rappelant ce qu'il a perdu. Il n'avait pas d'autre issue que fuir, partir et me rayer de sa vie. Comme si le fait de ne plus voir mes deux billes bleues pouvait l'aider à oublier l'absence de cette femme qu'il n'a jamais cessé d'aimer.

J'enfile mes basket qui ont séchées durant la nuit, et récupère mon éternel veste en jean. Nous avons beau être en novembre, les températures basses ne m'atteignent pas. Ça fait partie de mon incommodité physique, mon corps reçoit la froideur et la chaleur extérieur comme quelque chose de tempéré qui n'est jamais ni trop chaud ni trop froid. J'en ai pris conscience le jour où maman m'a laissé seul dans la cuisine, étant enfant. J'en ai profité pour tremper ma main dans de l'eau bouillante. Evidemment je n'ai rien ressenti, alors je ne l'ai pas retiré de la casserole. Résultat ? Une brûlure au troisième degré. Je crois que je voulais simplement tester mes limites, désormais je sais que je n'en ai aucune.

Contrairement aux autres élèves je ne prends pas le bus, le lycée n'est pas très loin alors je m'y rends à pieds. Ma marche mécanique est accompagnée de musique, ce qui est inutile puisque le tempo rapide et énergique ne stimule à aucun moment mon corps. S'en est de même pour les paroles que le chanteur répète en boucle dans mes écouteurs. Elles sont censées motiver et dynamiser le public, ors c'est un échec lamentable sur moi. Parfois je me demande pourquoi est-ce que je continue de faire toutes ces choses qui ne me sont d'aucune utilité, et puis je me souviens que cela fait partie de ces habitudes qu'on ne change pas. Des habitudes qui sont devenues mes seuls repères dans un monde qui n'est pas fait pour moi.

Insensible (terminée)Onde as histórias ganham vida. Descobre agora