Chapitre 28

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Ethan

Sur le chemin du retour, je contemple le ciel obscur et parsemé d'étoiles. C'est fou comme à nouveau, cet espoir qui avait disparu semble réapparaître. Toute ma vie les médecins m'ont dit qu'on ne pourrait rien pour moi et que quoi que je fasse, je resterai toujours cet insensible. Ils n'ont jamais réussi à comprendre cette maladie, et se sont contentés de me dire dès mon plus jeune âge, qu'aucun traitement ne me rendrait normal. J'ai longtemps espéré puis prié pour qu'une fée arrive avec sa baguette magique, et me sauve de cette vie éternellement morne et insipide, sans aucun succès. En grandissant j'ai accepté qui j'étais, et j'ai cessé de m'imaginer qu'un jour cette anomalie génétique me quitterait et me laisserait tranquille. C'est comme ça que petit à petit, j'ai étouffé le moindre espoir qui naissait en moi. Il n'y avait aucune lumière à la fin de ce tunnel qu'était ma vie, j'étais seul et j'avais fini par me faire à l'idée que je resterai à jamais ce garçon à l'allure funèbre et déprimée.

Mais depuis hier soir, quelque chose est né en moi. La lueur d'espoir qui avait fini par s'éteindre, s'était soudainement remise à briller. Et je le devais à cette rouquine. Je le devais aux mots qu'elle avait employés pour me faire comprendre qu'elle finirait par me ressusciter. Jamais personne n'avait paru si déterminé à me venir en aide, et je finissais par penser que Stacy était peut être la fée que j'attendais depuis toutes ces années. Ce serait dur et elle le savait, d'autant plus qu'elle ignore tout de mon insensibilité. Pourtant je savais que ce détail ne l'empêcherait pas de toute faire pour me permettre d'aller mieux, j'avais vu à la lueur de son regard qu'elle était prête à tout pour devenir ma sauveuse. Et je crois que c'est sa détermination qui m'a redonné espoir, son envie de vouloir se battre pour moi, a fini par me laisser penser que ce que les médecins n'avaient pas réussi à faire, elle, elle le réussirait.

Et puis je m'étais mis à penser à elle longuement. Je revoyais ses yeux verts en amande, ainsi que sa chevelure rousse flamboyante et ses milliers de taches de rousseur. Et je me suis dit que Stacy Jones était peut être mon antidote. Cette fille maladroite et aux multiples facettes était peut être la solution à tous mes problèmes. C'est en réalité à trois heures du matin cette nuit, quand je me suis réveillé sans raison, que je me suis rendu compte que je ne savais rien d'elle. J'avais remarqué depuis son premier jour de cours, que ses fréquentations ne lui correspondaient pas; son groupe d'amis ne lui ressemblait en rien. D'autant plus qu'elle semblait toujours mal à l'aise et partagée entre ce qu'elle devait et voulait véritablement faire, je le voyais à la retenue de ses gestes. C'est en pensant à toutes ces choses que j'ai réalisé qu'elle aussi, il fallait que quelqu'un l'aide.

Je n'avais jamais aidé personne, pour la simple raison que personne n'avait un jour attiré mon attention. Les adolescents au lycée étaient tous pareils, certains m'insultaient et me rabaissaient tant que ça en devenait de l'acharnement, tandis que d'autre m'évitaient et me bousculaient dans les couloirs comme si je n'étais qu'un détail sur leur chemin. Les seules personnes qui m'étaient un jour venues en aide, avaient abandonné à la seconde où je leur avait dit qu'ils ne pouvaient rien pour moi. Néanmoins, une seule lycéenne dans tout ce lycée avait réagi différemment. Une seule personne était revenue malgré tout ce que je lui avais dit de méchant, une seule personne continuait de penser que je valais le coup qu'on se batte pour moi, et cette personne c'était elle. Elle était la seule a avoir attiré mon attention, par sa force de caractère qu'elle ne connaît peut-être pas encore, mais que moi je connais. Elle était la seule a m'avoir intrigué au fil des jours, par les différentes personnalités qu'elle s'autorisait à porter comme s'il s'agissait d'un masque. Et comme s'il s'agissait d'une énigme, je me devais de la résoudre. Je me devais de résoudre Stacy Jones.

Lorsque je rentre à la maison, du bruit attire mon attention depuis la cuisine. J'y pénètre et reste de longs instants à regarder l'homme en face de moi. Il est de dos en face du frigo grand ouvert, et s'amuse à jeter au sol tout ce qu'il trouve. Papa ne semble même pas m'avoir entendu arriver. Je n'ai pas de mal à imaginer l'état dans lequel il doit se trouver, comme chaque fois il n'est sûrement pas dans son été normal.

Insensible (terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant