Chapitre 18

11.8K 785 207
                                    

Stacy.

Je n'ai jamais aimé aller chez la psychologue. Cela fait deux ans que je me fais suivre, mais je n'en reste pas moins effrayée. Je déteste m'y rendre, c'est si dur de se livrer sur ses plus grandes peurs...Chaque fois que je rentre dans ce bureau, j'en ressors un peu plus anéantie. Comme si avoir dû placer des mots sur ce que j'avais vécu rendait ce cauchemar plus réel et plus tragique. C'est souvent après avoir dit tout ce que j'avais sur le coeur, que je prends conscience de la personne incompétente et sans espoir que je suis. C'est comme si toutes mes erreurs et mes regrets flottaient partout autour de moi dans cette pièce. Comme si elles me narguaient et me montraient l'étendue de ma bêtise. Et le pire c'est qu'elles ont raison de me faire subir ça, car je le mérite. Je mérite d'être punie pour tout ce que j'ai fait.

En Floride je me rendais plusieurs fois par mois chez ma psychologue. Maman avait remarqué que mon comportement était étrange, depuis plusieurs mois je ne lui parlais que très peu et passait la plus grande partie de mon temps, seule et enfermée dans ma chambre. Elle s'est alors rapidement inquiétée et a jugé bon de m'envoyer voir une spécialiste, je suis sûre qu'au fond elle ignorait tout du calvaire que je vivais au lycée. Et pour être honnête je crois que c'est mieux ainsi, après tout ce qu'elle a perdu par ma faute, je refuse d'alourdir encore plus sa conscience suffisamment dévastée. Je me souviens très bien de son nom, elle s'appelait Mme Grey. Elle a été ma première psychologue et m'a suivie deux ans. C'est la première personne à qui j'ai osé tout dire, tout confier... Certaines personnes n'aiment pas changer de psy, ils aiment se dire qu'une seule personne les connaît véritablement. Peut être qu'en vérité, ils ont juste la frousse à l'idée de devoir recommencer à zéro, à l'idée de redevoir se livrer sur des traumatismes qu'ils aimeraient oublier plutôt que raviver. Moi ça ne me dérange pas. Devoir répéter les atrocités que j'ai vécues à ma nouvelle psychologue ne me fait plus mal, pour la simple raison que mes blessures n'ont jamais cicatrisé. Elle sont continuellement en train de saigner.

Ce n'est pas aller chez la psy, qui leur redonne vie soudainement. D'ailleurs quelle tristesse si tel était le rôle d'une psy, redonner vie à des cauchemars enfouis. Non, la seule chose positive lorsque l'on est suivi c'est qu'on a quelqu'un à qui parler. Une oreille attentive qui ne nous jugera pas. C'est la seule chose qui me pousse à me rendre dans ce cabinet, extérioriser, parler, mettre des mots sur tout ce qui se bouscule dans ma tête. Car je sais que maman ne m'écouterait pas, du moins qu'elle ne pourrait s'empêcher de me couper toutes les trente secondes pour me dire que je ne suis pas la fautive dans cette histoire. Et je n'ai pas besoin de ça. Je n'ai pas besoin qu'on me fasse croire que j'y suis pour rien, parce que c'est entièrement faux.

- Alors Stacy comment vas-tu depuis la dernière fois?

Mme Klark est assise derrière son grand et luxueux bureau et s'arme de son carnet et crayon à papier. Ses lunettes sont toujours parfaitement positionnées sur son nez, tout comme sa dentition est parfaitement alignée. Seule sa chevelure brune paraît plus courte que lors de notre première séance.

- Plutôt bien.

Mes jambes sont enroulées autour des pieds de la chaise inconfortable sur laquelle je suis assise, et mes doigts se remettent à se tortiller maladroitement entre eux. Elle se met à écrire des choses sur le papier devant elle, ce qui me rend de plus en plus nerveuse.

- Parle-moi de ton nouveau lycée, elle me tend un sourire qui se veut rassurant, tu t'es fait de nouveaux amis ?

Je hoche la tête affirmativement et réponds naturellement, un sourire au bord des lèvres.

- Oui, j'ai très vite été intégrée dans un groupe d'amis. On s'entend tous très bien, je me mords l'intérieur de la joue, même si parfois les blagues de certains mecs sont vraiment vraiment lourdes.

Insensible (terminée)Where stories live. Discover now