Chapitre 12 : Torture

621 59 81
                                    

PDV général

Plusieurs jours que les dragonniers étaient prisonniers. Des jours ? Ou des mois ? Peut-être des années. Ils ne savaient plus. Ils avaient perdu la notion du temps il y a longtemps de cela. Ils n'y prêtaient même pas attention. Leurs vies s'étaient transformées en enfer. Ils souffraient, sans répit, physiquement et mentalement.

La brûlure de Rustik s'était un peu améliorée, grâce aux soins sommaires et banals de Johann. Mais c'était insuffisant. Johann empêchait simplement l'infection et l'empirement de la blessure. Rustik avait toujours autant mal, et la chaleur étouffante du volcan ne l'aidait pas. Il était défiguré. La partie droite de son visage était brûlée, ainsi que le côté de son cou. Sa peau était rouge et couvert de cloques que les soins de Johann ne permettaient pas de guérir. Son œil avait été brûlé, ce n'était plus qu'un globe blanc inutile et douloureux.

Les blessures physiques et psychologiques d'Astrid ne s'étaient pas refermées non plus. Hel ne cessait de clamer Harold comme sien, au sens...privé du terme. Cela détruisait Astrid aussi bien qu'un coup de hache en plein cœur. La profonde coupure sur sa joue ne s'était pas refermée. Johann avait stoppé le saignement et l'infection. "Il ne faudrait quand même pas que les prisonniers tombent malades" avait-il dit. D'autres coupures s'étaient ajoutées à celle-ci. Sur ses flancs, ses bras, ses jambes. Toute causées par Hel, par le biais d'Harold. Car Hel prenait un malin plaisir à ne jamais approcher les dragonniers. Elle les faisait souffrir à distance, utilisant son pantin.

Varek, qui jusqu'à l'épisode de l'arène, était resté sain et sauf, avait été torturé également. Les mêmes coupures couraient sur ses bras.

Mais la victime préférée d'Hel était Astrid. La jeune fille était connue pour être courageuse et sans peur. Hel devait reconnaître que la Hofferson lui avait tenu tête pendant longtemps. Mais à présent qu'elle avait soufflé sur la dernière bougie d'espoir qui animait la jeune fille, Astrid avait abandonné. Elle endurait les tortures, souffrant sans protester. Hel se délectait de ses grimaces de douleur et de tristesse quand Harold s'approchait d'elle.

Le cœur d'Astrid s'était flétri, plus rien ne l'animait comme autrefois. Elle avait perdu son courage, sa confiance en elle, sa ténacité et son amour pour Harold.

-Bon, bon, bon, résonna la voix d'Hel aux oreilles de la jeune fille. Je commence à m'ennuyer un peu moi. Je crois qu'il est temps de renouveler un peu.

Astrid ne réagit pas. Elle gardait la tête baissée, fixant le sol sans le voir, à longueur de journée. Elle était fatiguée, avait faim, soif et était complément découragée. Johann, qui s'était visiblement vu confier le rôle de les garder en vie, leur apportait de la nourriture et de l'eau, encore une fois juste assez pour qu'ils ne meurent pas.

Elle ne réagit pas non plus quand elle sentit des mains lui délier les poignets. Ces mains qui étaient autrefois si douces et accueillantes, étaient aujourd'hui froides et distantes.

C'était nouveau, jamais Hel ne les avait fait détacher. Mais Astrid ne l'avait même pas remarqué. Elle ne remarqua pas les exclamations de Rustik et Varek qui lui disaient que c'était l'occasion de s'échapper. Elle ne remarqua pas qu'Harold l'emmenait loin de ses amis, elle ne remarqua pas qu'Hel fermait la porte derrière elle.

Elle ne revint à elle que quand elle sentit la lame s'enfoncer pour la énième fois dans sa peau. La douleur la sortit de sa torpeur, elle vit le sang perler et couler le long de son bras, suivant les sillons que d'autres blessures avaient tracé.

Elle ouvrit les yeux, se découvrant face à face avec les yeux jaunes et fixes d'un Harold possédé. Elle n'eut pas la force de protester, elle avait perdu toute raison de se battre. Elle vit les pupilles d'Harold faire un rapide aller-retour entre les siennes et Hel, presque imperceptiblement. Sous l'ordre de la femme, il tourna le poignard dans le bras d'Astrid, qui vacilla sous la douleur vive.

Astrid n'avait plus que cette sensation dans la tête. La douleur. Chaque jour, elle n'arrivait à se concentrer seulement sur sa douleur. Elle était seule dans ses pensées, bien que Rustik et Varek soient toujours à ses côtés. Elle n'ouvrait pas la bouche, ne faisait aucun bruit, ne réagissait pas quand on la torturait, si ce n'est pour exprimer sa douleur. Encore sa douleur. Tout revenait à la douleur. C'était devenu le quotidien d'Astrid, et elle avait du mal à se rappeler la sensation que provoquait le rire ou le confort.

Elle n'eut même plus la force de lever la tête. Elle s'appuya sur Harold. S'il s'écartait, elle tomberait sur le sol. Elle n'y arrivait plus. Ses yeux fixaient le mur sur sa droite. La pierre était grise et sale, tachée de sang séché. Elle ne fut pas étonnée de se rendre compte qu'elle se trouvait certainement dans une salle de torture. Il n'y avait rien dans la pièce, seulement une table au milieu, dont elle devinait aisément l'utilité, compte tenu de la couche de sang séché qui la recouvrait.

Elle serra les paupières, incapable d'en assimiler plus. Tous ces pauvres Vikings qui avaient dû mourir ici pour amuser Hel. Et maintenant, c'était son tour. Elle allait mourir maintenant, ou très prochainement, elle le savait. Et elle en était soulagée. Elle pourrait enfin reposer en paix après toutes les souffrances qu'elle avait enduré. Jamais elle n'avait demandé tout cela. Elle voulait juste mener sa vie sur Beurk, avec ses amis et sa famille. Jamais elle n'avait demandé que toutes ces choses lui arrivent. Elle avait l'impression que les dieux l'avaient oubliée. Et elle ne les en blâmait pas. Elle ne pouvait plus être sauvée. Même une intervention divine ne pourrait effacer tout le mal qui avait été fait.

Si seulement elle savait ce qu'Hel avait prévu. Elle aurait prié Harold de l'exécuter sur le champ.

•••

Quand Rustik et Varek virent Astrid revenir, ils échangèrent un regard horrifié.

La jeune fille avait de profondes plaies sur tout le corps. Ses bras saignaient, son legging était également taché. Sur sa joue, la plaie qui avait commencé à se refermer, bien que très timidement, avait été rouverte, sans aucune délicatesse. C'était pire que tout ce qu'elle avait eu à endurer jusque-là.

Varek se fit la réflexion, que, si jamais ils arrivaient un jour à sortir de là, même l'onguent miraculeux de Gothi ne pourrait faire disparaître la cicatrice sur sa joue.

Harold relia les poignets rouges dû aux frottements des cordes de la jeune fille autour du poteau, avant de s'éloigner.

Rustik et Varek bouillonnaient tous deux. Si Astrid avait abandonné, ce n'était pas le cas des deux autres. Contrairement à la jeune fille, ils se raccrochaient à un mince espoir, qui leur permettait de garder la tête haute.

-Quand est-ce que tu vas arrêter tout ça ?! cracha Rustik, ignorant la douleur qu'était pour lui de parler.

Hel se retourna, une expression étonnée sur le visage.

-Quand vous serez morts, répondit-elle d'un ton joyeux. Mais Johann est un très bon mainteneur de prisonnier en vie, c'est pour ça que je ne l'ai pas encore dévoré. Il fait parfaitement son travail sur vous depuis presque deux mois, vous êtes résistants, je vais pouvoir m'amuser plus longtemps. Et puis après, je pourrais me consacrer pleinement à la conquête de l'Archipel.

La révélation frappa les deux Vikings de plein fouet. Cela faisait deux mois qu'ils enduraient tout cela ?! Ils avaient survécu tout ce temps ?!

-Oh, et au fait, j'oublie à chaque fois de vous le dire, reprit Hel en se retournant de nouveau alors qu'elle allait partir. Votre chef a eu des funérailles dignes de son rang.

Varek capta sans mal le sous-entendu dans sa voix.

-Qu'est-ce que tu as fait ?!

-Je viens de le dire, des funérailles dignes de son rang, répliqua-t-elle d'un air agacée. J'ai fait jeter son corps dans la cage d'un de mes dragons.

Elle avait déshonoré la mémoire de leur chef. Les regards de Varek et Rustik lançaient des éclairs. L'honneur était une chose importante dans la vie d'un Viking. Si Stoïk n'avait pas les vraies funérailles qu'il méritait, il ne pourrait pas prendre sa place à la table des dieux.

-Mais c'est un honneur ! ajouta Hel comme une anecdote. C'est mon dragon le plus rare ! Elle l'a dévoré en moins d'une heure !

Je serai là pour toi (tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant