Chapitre 14 : Vert ou jaune ?

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PDV de Perle

La Mort Rouge était revenue. Elle ne se lassait jamais de me rendre visite, dans les tréfonds de son maudit volcan. Elle ne me blessait jamais. Se contentait de parler, resserrant sa prise autour de mon esprit. J'entendais chacun de ses mots, sans bien les comprendre.

Elle disait que je devrais être contente d'être ici plutôt que dehors. Que dehors, les dragons comme moi étaient recherchés de partout. Elle m'appelait "Perle", j'en avais conclu que c'était mon nom. Depuis que j'étais dragonette, elle ne cessait de répéter que j'étais mieux ici. Peut-être était-ce vrai. Peut-être était-ce faux. Je ne me souvenais plus. Je vivais là depuis si longtemps que j'avais oublié ce que cela faisait de voler, de manger à sa faim et...d'être libre tout simplement. J'avais l'impression que le peu d'humanité qui lui restait m'était réservée. Autant dire que ce n'était pas grand-chose. Elle me tenait enfermée, prisonnière. Je n'avais pas vu le soleil depuis des années et des années. J'avais oublié la couleur du ciel et des arbres. J'avais oublié la sensation du vent et de l'herbe. Est-ce que toutes ces choses étaient au moins réelles ou les avais-je inventés pour me rassurer ? J'avais oublié.

Tout ce que je savais, c'était que la Mort Rouge me tenait prisonnière, me faisant croire que c'était pour mon bien et que je ne pouvais rien faire sinon l'écouter. J'étais coincée. Et si je voulais pouvoir m'échapper, j'allais avoir besoin de quelqu'un, qui m'aiderait. Quelqu'un qui sache contrôler cette force qui grandissait lentement en moi et qui sache comment l'opposer correctement au contrôle de la Mort Rouge. Car une force, aussi puissante soit-elle, si on ne savait pas s'en servir, était inutile.

PDV de Krokmou

Cette envie de défier Hel montait de jour en jour. Mais plus les jours passaient, plus nous nous affaiblissions. Hel avait stoppé ses visites. Je supposais donc qu'Harold était totalement guéri. Je ne savais pas si je devais m'en réjouir ou en être attrister. A vrai dire, je ne savais pas grand-chose.

Nous avions tous faim et soif. L'écrasante chaleur du volcan nous pesait à tous, excepté à Krochefer qui dû à son appartenance à la classe des Enflammés, n'était pas dérangé.

Nous n'avions aucune idée de comment allait nos amis dragonniers et nous inquiétions tous de leur état. De là où nous nous trouvions, nous avions une vue plutôt globale sur le volcan...mais les dragonniers n'étaient visibles nulle part. Tempête avait émis l'hypothèse qu'ils soient emprisonnés juste en-dessous de nous. C'était certainement cette hypothèse la meilleure, cela expliquerait pourquoi ils étaient hors de vue.

En revanche, nous avions une très bonne vue sur l'arène. Nous avions pu voir le combat opposant Harold et Stoïk. Je n'en avais pas cru mes yeux. Harold avait tué son propre père. Comment était-ce possible ? Hel avait-elle un tel contrôle sur lui ? La réponse était oui. Jamais Harold n'aurait accepté qu'on le fasse combattre contre son père de son plein gré.

Cranecrusher avait suivi la scène, agité. J'avais bien vu qu'il brûlait de défoncer les barreaux pour aller tirer son ami de cette arène. Mais il n'avait rien pu faire et Stoïk était mort sans qu'il puisse intervenir. À présent, il s'était reclus dans un coin, une lueur triste constamment dans le regard.

Nous avions essayé de le réconforter mais il restait hermétique à nos mots. Et je le comprenais. J'avais moi-même perdu mon dragonnier. Pas de la même façon, et Harold était encore vivant mais ce n'était plus Harold. Juste son corps.

Les feux follets n'arrêtaient pas d'apparaître et de disparaître. Chaque fois que je les voyais, Hel forçait sur mon esprit et ils disparaissaient. Je ne savais pas ce que c'était, ni ce que cela signifiait mais j'avais le sentiment que plus les feux follets apparaissaient, plus Hel avait du mal à garder le contrôle de mon esprit.

Je voyais toujours les mêmes. Tempête, Krochefer, Bouledogre, Cranecrusher, Hel et Harold. Mais ces derniers temps, j'avais ressenti la présence d'autre chose, une minuscule présence, plus petite qu'un insecte, mais qui pourtant, était bien là. Elle dégageait une aura étrange, puissante et familière. Je n'arrivais pas à comprendre d'où je trouvais qu'elle était familière jusqu'à enfin voir la similitude. Cette aura ressemblait beaucoup à ce que je ressentais quand je voyais les feux follets.

Peut-être était-ce un autre dragon ? Qui savait d'où venaient ces petites flammes et ce que je devais en faire ? Mais la présence était minuscule et pulsait faiblement. Un jour, alors que les feux follets revenaient, elle avait été soudain plus forte et s'était matérialisée en un feu follet elle aussi. La flamme était d'un noir d'encre et mate et brûlait férocement. Mais un battement de cœur plus tard, elle avait disparu. Je ne savais pas ce que c'était mais ce qui était certain, c'est que c'était un autre dragon. Un autre dragon qui ressentait comme moi le besoin de défier Hel mais qui n'était pas assez puissant pour le faire seul. Peut-être que si nous allions nos forces ?

PDV d'Astrid

Hel était revenue. Encore. Elle m'avait choisi. Encore. Elle m'avait mené jusqu'à sa maudite salle. Encore. Harold avait son poignard à la main. Encore. Et Hel sortait et fermait la porte. Enco-

Attendez, quoi ?!

Je revins soudain à la réalité en me rendant compte qu'Hel venait de partir, me laissant seule avec Harold. Pourquoi avait-elle fait ça ? Qu'est-ce qu'elle avait derrière la tête ? Car j'avais maintenant appris que Hel ne faisait jamais les choses au hasard.

Je me retournais vers Harold, qui n'avait pas bougé, comme toujours. Et si...? Non, Hel était beaucoup trop puissante. Mais au point où j'en étais...je n'avais plus rien à perdre.

Mon chef était mort, l'homme que j'aimais ou plutôt avais aimé à présent était contrôlé par une folle furieuse, mon visage était défiguré et mes amis gravement blessé. Cela valait le coup d'essayer non ?

Mais...que dire ? Je n'avais pas parlé depuis si longtemps... Les seuls sons que j'avais réussi à produire depuis plusieurs mois avaient été des gémissements de douleur. Est-ce que je savais même encore parler ? Est-ce que je savais encore manier les mots comme j'avais l'habitude de le faire ? Est-ce que Hel ne m'aurait-elle pas pris également ça ?

J'observais le visage d'Harold. Ses yeux jaunes, fendus d'une pupille noire et dragonnesque étaient froids et sans vie. Il se tenait droit et immobile, attendant les ordres. Je savais qu'Hel avait le pouvoir de le contrôler d'en dehors de la pièce. Mais elle qui aimait tellement nous voir souffrir, pourquoi était-elle partie ? Pour me laisser croire que j'avais la chance de ramener Harold ? Très certainement. En fait, j'étais persuadée que c'était son plan. Me laisser seule avec Harold pour que j'en profite pour essayer de la ramener à la raison. Me laisser espérer, avant de tout détruire d'un coup de poignard. C'était simple. Mais tellement efficace.

De toute façon, je n'avais pas d'autres choix. Je serai blessée dans tous les cas, alors autant essayer de mettre à profit cette occasion, même si elle était en fait une embuscade tendue par Hel. Je n'avais plus rien à perdre. Alors je me jetais la tête la première dans le piège de l'espoir.

-Harold, commençais-je d'une voix rauque et enrouée.

Il ne bougea pas.

-Harold, s'il te plaît, écoute-moi, suppliais-je. Si tu m'entends à travers le contrôle de Hel, alors écoute-moi, je t'en prie. Tu dois la combattre.

Toujours aucune réaction.

Je soupirais. Cela ne servait à rien.

-Astrid ? fit soudain une voix que je n'avais pas entendu depuis si longtemps.

Je mis du temps avant de me rendre compte qu'Harold m'avait répondu. Il m'avait répondu... Alors...il n'était plus possédé ? Je me ravisais. Hel lui avait sûrement ordonné de dire ça, pour me faire espérer. Mais et s'il s'était finalement débarrassé du contrôle de Hel ? Comment pouvais-je savoir ? J'avais peur de relever la tête. Allais-je rencontrer des yeux jaunes et froids ou des yeux verts et chaleureux ? La question tourna longtemps dans mon esprit. Finalement, je décidais de relever la tête. Comme je l'avais déjà dit, je n'avais rien à perdre.

-Harold ? demandais-je en trouvant enfin le courage de lever le menton, espérant de toutes mes forces faire la rencontre de deux orbes verts.

Je serai là pour toi (tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant