Chapitre 4

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Sort

Ébranlé par la violence de cette sortie, Thomas fixait la porte par laquelle Manon venait de passer. Comme une furie. Mais lui, scotché et las, peinait à réagir. Allait-elle quitter sa vie avec la même virulence ? Pas impossible ! Car elle semblait sérieuse. Il lui restait donc quelques heures avant qu'elle ne revienne. Quelques heures pour réunir ses affaires et partir. Quelques heures, qu'il aurait pu consacrer à trouver une excuse. Un prétexte pour recoller les morceaux. Mais quoi ? Il ne savait même pas comment tout ça avait commencé. Un soir, leur histoire avait dérapé, avait glissé vers des abîmes d'où l'on ne revient jamais. Vers ces limites où tout bascule. Et tout avait valsé... pour une broutille. Une accumulation de choses. Un ras le bol général. Pourquoi n'avait-il rien vu ?

Tom secoua la tête. Un soupir s'échappa d'entre ses lèvres. Allez ! Il devait se secouer.

Les cours avaient repris. La jeune femme resterait jusqu'à dix-sept heures trente, au plus tard, à la fac, et après un trajet dans les transports en commun, elle serait de retour vers dix-huit heures. Ce qui lui laissait un certain temps, seul, dans l'appartement.

Il passa devant la chambre et le lit défait sembla l'appeler. Argh ! L'oreiller moelleux, le confort douillet de la couette... Même s'il était fatigué, il devait résister ! Au moins, s'en tenir à son programme et, ensuite, se reposer.

De quoi avait-il besoin pour louer un logement étudiant ? Quelles démarches devait-il faire ? Il était d'ailleurs peut-être trop tard pour une demande de T1 dans une résidence étudiante ?! Toutes ces questions, avec réponses approximatives trouvées sur le net, l'agaçaient. L'administration avait toujours été un véritable labyrinthe pour lui, une forteresse imprenable, un dédale de papier auquel il ne comprenait rien... Leur appartement actuel avait été loué par Manon, aidée par sa mère. Impensable qu'il fasse appel à elles ! Il devrait l'affronter seul, cette fois-ci.

Installé devant l'ordinateur, il consulta les annonces du CROUS... Aide au logement, ou de la CAF, ALS, APL, critères sociales ? Tout ce jargon ne lui évoquait absolument rien, ça devenait trop compliqué... Pouvait-il encore louer un studio dans le privé ? Il soupira bruyamment et roula ses épaules en arrière pour se détendre, sans y parvenir. De colère, il repoussa le PC portable et râla. Une douche lui ferait du bien, il réunirait ses papiers et consulterait les petites annonces de locations étudiantes, ensuite !

Sorti de la douche et habillé de vêtements propres, il avait vidé son armoire, trié et récupéré ses habits du panier à linge sale, et s'était préparé un café, devant lequel il s'était installé. Un petit déj' en retard, avec croissants et jus d'orange. Mais après tout, il n'était que dix heures trente, il avait largement le temps de s'octroyer une pause. Après cette collation, il passerait le reste de la matinée à éplucher les annonces.

Argh ! Comment allait-il faire ?! Plus aucune chambre ou studio de libre au CROUS ! Et après consultation des annonces de location dans le privé. Idem ! Il devait pourtant se loger. En dernière recours, il y avait sa chambre d'ado, chez ses parents... Quelle ironie ! Après avoir pris son indépendance... Revenir squatter chez ses vieux... Merde ! Avait-il vraiment le choix ? Parce que s'improviser SDF et dormir dans sa voiture, très peu pour lui.

La mort dans l'âme, il éteignit l'ordinateur portable, entassa les diverses factures à son nom, ses documents personnels et ses cours qu'il rangea dans une grande boîte en plastique et déposa devant la porte d'entrée. Dans un immense sac de sport en toile posé sur la table, il empila ses tee-shirts, ses pantalons, ses sous-vêtements et commença à plier son linge sale pour les ranger de façon ordonnée dans un grand sac en toile, afin d'en optimiser la place. En secouant un jean pour le défroisser, quelque chose tomba d'une des poches. Penché pour le ramasser, Tom suspendit subitement sa régression, à moitié courbé en deux, le regard rivé sur le papier coloré, entre stupeur et tristesse : un morceau de publicité ! Celui là-même qu'il avait arraché d'un magazine en prévision du prochain cadeau destiné à Manon, et pas des moindres : une bague pour faire sa demande. Non ! Pas le mariage, non ! Très peu pour eux !... Le mariage, c'était trop solennel, trop définitif. Et puis, il y avait la peur du refus catégorique. La crainte que l'autre ne vous aimât pas assez pour imaginer vivre avec vous pour le reste de ses jours et en exclusivité. Mais aussi la peur d'étouffer, d'être prisonnier de ce toujours, comme une contrainte éternelle et irréversible... C'était encore toutes les obligations et les devoirs qui allaient avec... C'était TROP de tout ! Alors, le PACS équivalait à un compromis sans les chaînes, un engagement sans la réclusion à perpétuité ! Ça lui convenait. Mais, même ça, ça n'arriverait jamais. Il soupira, écrasa le morceau de papier dans sa paume puis le balança avec rage sur la table. La boule de papier roula sur le plateau laqué et, progressivement, arrêta sa course ; Thomas l'avait observée osciller et, maintenant, il la scrutait, intrigué. Quelques lettres ! Un mot qui, soudain, lui sauta aux yeux. Il prit le morceau de papier et le déplia. Derrière la publicité, une petite annonce. Une chambre d'étudiant chez un particulier, dans un quartier tranquille proche de la faculté. Pourquoi pas, faute de mieux ? Encore fallait-il que le logement soit toujours disponible. Pour le savoir, il devait appeler. Il prit son téléphone et composa le numéro indiqué sur l'annonce. Première sonnerie... Deuxième sonnerie... Troisième sonnerie... Il allait raccrocher quand une voix fit à son oreille :

— Oui ?

Le timbre de voix, sec et nerveux, n'invitait pas à poursuivre. Après un instant de flottement, Tom tenta une approche :

— Bonjour, pardon de vous déranger...

C'est peu de le dire ! Car l'intonation, féminine ou masculine, était sans équivoque. Il se racla la gorge et reprit :

— J'appelle concernant l'annonce... La chambre à louer.

— Oui.

— Je sais que je m'y prends un peu tard, mais... J'aurais aimé savoir si elle était libre.

Silence, puis :

— Euh ! Non... Enfin, oui. Personne ne l'occupe, pour l'instant.

Tom se détendit. Il avait peut-être une chance de dormir dans un vrai lit, cette nuit.

— Parfait ! dit-il en se déridant. Dans ce cas, je souhaiterais connaître votre adresse et les pièces administratives dont vous avez besoin pour finaliser ma demande.

— Bien, bien...

La voix lui donna le nom de la rue ainsi que le numéro exact, le montant du loyer, les documents à lui fournir, et ils convinrent d'un rendez-vous dans la demi-heure qui suivait pour se rencontrer.

— Super, merci Madame, et à tout de suite.

— À toute à l'heure, oui.

Thomas raccrocha, partagé entre satisfaction et perplexité. Son interlocutrice lui avait semblée incapable de prendre une décision tranchée et, pressée d'en finir, avait capitulée en lui donnant un rendez-vous, du bout des lèvres. Il espérait simplement qu'elle ne lui fasse pas faux bond.

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L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant